Babouchka Adoption: focus sur une ONG au Kirghizstan

  “Adoptez une babouchka” Des photos de personnes âgées, un foulard coloré noué sous le menton se succèdent sur le site Internet de l’ONG caritative Babouchka Adoption. Ces grand mères (babouchka) mais aussi ces grands pères « dedouchka » kirghizes sont assis et regardent l’objectif, immobiles. Ils attendent de pouvoir être adoptés par un donateur, ou « adopteur » qui les prendra en charge pour les mois à venir.
  L’idée est simple explique l’Association Babouchka: «avec 10$ par mois, on peut changer la vie d’un retraité.» Et en adoptant une «babouchka» pour une période donnée, en général une année ou plus, le donateur contribue à la sortir de la précarité et de l’isolement. En effet, depuis son indépendance de l’Union soviétique en 1991, la crise économique qui a traversé le pays a touché en première ligne les personnes âgées. «L’inflation galopante a réduit leurs économies à néant et dévalué leur pension. Beaucoup se trouvent actuellement dans la misère et en situation d’exclusion sociale » explique Aidai Mambetalieva, directeur de l’association depuis 2005. L’ONG Babouchka est née de la nécessité d’agir afin d’apporter une réponse à la situation précaire de ces personnes.
   C’est en 1999 que l’ONG caritative Babouchka voit le jour, grâce au soutien de l’Agence Suisse pour le Développement et la Coopération (SDC). Si au départ, le projet de Markus Müller, son fondateur, était d’assurer le plus vite possible les besoins vitaux des babouchka, très vite, les activités de l’ONG ont été multipliées. Elle joue à présent un rôle important de soutien psychosocial pour ces populations souvent esseulées.«Babouchka Adoption ne se contente pas de distribuer de l’argent à ses bénéficiaires.»
   Afin de développer la relation entre le donateur et la personne âgée, l’Association Babouchka  se propose de servir de médiateur et d’interprète pour la correspondance. Les bénéficiaires peuvent ainsi écrire et recevoir du courrier de la part de leurs donateurs, apprendre à se connaître, et c’est un véritable lien qui se crée: «la relation entre le donateur et la babouchka est bien plus que financière», souligne Aidai Mambetalieva. Fiolina, 82 ans est l’une de ces bénéficiaires. Elle a été adoptée par les parents d’un ancien volontaire de Babouchka Adoption qui sont d’ailleurs venus lui rendre visite lors d’un voyage au Kirghizstan. Ils l’ont appelée quand elle était malade et c’est grâce à leur soutien qu’elle a pu recevoir de BA un manteau pour l’hiver.«C’est important que Fiolina sache que quelqu’un s’intéresse à elle» explique un membre de l’association.
   Pour être inscrit dans la base de données de l’association, les futurs bénéficiaires doivent répondre à plusieurs critères:
1. Avoir plus de 65 ans. A cet age là, les bénéficiaires ne sont en effet pas tous retraités car beaucoup continuent d’avoir une activité rémunérée en raison de l’insuffisance des pensions d’Etat.
2. Recevoir une pension mensuelle de moins de  800 soms (20 US$).
3. Vivre seuls et ne pas recevoir d’aide de leurs familles.
L’association Babushka prend aussi en compte l’état de santé et de logement des retraités dans ses critères. Au long de l’année 2005, les membres de l’équipe BA ont enregistré et écrit les biographies de 215 retraités. Du point de vue des donateurs « il est très satisfaisant de connaître l’identité de la babushka bénéficiaire, ainsi que sa condition » souligne Chris Lovelace, un membre du Conseil d’administration de BA.

  Contact
Babushka Adoption
P.O Box 1943
72 0000 Bishkek
Kyrgyz Republic
Email: babushka@elcat.kg
www. adoptbabushka.org

 
Somova Tamara Alexandrovna: portrait d’une bénéficiaire.
Somova est née à Bichkek, au Kirghizstan, le 9 décembre 1937
Ses études et son travail :
Après avoir reçu un diplôme de l’école, elle est allée à Moscou pour étudier les sciences économiques à l’université de Blechanova, qui était très réputée à l’échelle nationale. Elle a ensuite travaillé en Russie pour une institution gouvernementale qui s’occupait de distribuer des produits à d’autres institutions d’Etat comme des jardins d’enfants. Elle devait calculer le coût des produits comme la nourriture, les habits et l’équipement). C’était une position très prestigieuse et elle avait beaucoup de responsabilités. Tout le monde voulait rentrer en contact avec elle, devenir son ami. Elle a occupé ce poste pendant cinq ans.
Sa mère lui a ensuite demandé de revenir à Bichkek pour l’aider à construire une nouvelle maison. Un de ses amis lui a trouvé un emploi dans un théâtre de marionnettes. Son travail lui plaisait beaucoup. Elle pouvait travailler avec les enfants et cela lui donnait l’opportunité de beaucoup voyager, même à l’étranger où ils ont donné des représentations. Elle a travaillé pendant douze ans et en a profité pour se mettre au Chant, son activité préférée.

Sa famille:
Somova s’est mariée alors qu’elle était en Russie et a eu enfant avec son mari. Mais l’enfant est mort jeune et le couple a divorcé. Elle n’a jamais voulu se remarier. Sa mère était orpheline et son père avait de la famille mais ils avaient arrêté de se fréquenter depuis longtemps. Son plus jeune frère était mort à l’âge de deux ans.
Contexte historique et économique:
A l’époque de l’effondrement de l’Union Soviétique, Somova était déjà en retraite. Elle n’avait pas fait d’économies qu’elle aurait pu perdre à cause du changement de devise. Mais suite à l’inflation, sa pension de 50 roubles n’a vite plus été suffisante pour lui permettre de vivre décemment.
Sa pension et le coût de sa vie:
Quand Somova est partie en retraite, elle a décidé de recevoir une pension qui correspondait à son activité dans le théâtre de marionnettes car c’était ce qu’elle avait préféré faire dans sa vie. Mais il s’est avéré que c’était un mauvais choix. Compte tenu de son premier travail, elle aurait pu choisir de recevoir une retraite de l’Etat Russe, qui aurait été plus élevée. Mais à l’époque, elle n’y avait pas pensé. A présent, la pension qu’elle reçoit pour le théâtre n’est que de 650 soms par mois. Elle reçoit une aide mensuelle de 200 soms pour le chauffage et une aide sociale générale de 50 soms, mais ne bénéficie d’aucune autre faveur.
Elle ne vit pas très loin du bureau de Babushka Association dans une petite chambre. Elle paye 200 soms d’électricité, de téléphone et d’eau ce qui fait que ses dépenses mensuelles s’élèvent à 500 soms. Quand elle s’est cassé le poignet, elle n’a pas suivi les conseils du docteur qui lui avait recommandé de porter un plâtre car elle ne pouvait pas se le permettre (cela lui aurait coûté 200 soms)
Sa vie sociale:
Somova est très vigoureuse. Elle adore chanter et connaît beaucoup de jeunes étrangers qui lui apprennent des chanson dans différentes langues. Elle prétend pouvoir chanter dans vingt langues différentes et, ce qui étonne de la part d’une femme russe d’origine qui habite au Kirghizstan, c’est qu’elle possède un vaste répertoire de chansons kirghizes (annotation de son interviewer : C’est en effet très rare au Kirghizstan : les russes ne parlent pas  le kirghize et n’ont pas forcément l’intention de l’apprendre. Somova fait donc ici figure d’exception. ).A l’avenir, elle souhaite fortement pouvoir participer à l’organisation d’évènements pour Babouchkas Adoption.
Somova a aussi la chance d’avoir des voisins gentils qui l’aident en lui donnant parfois à manger.
Somova et le programme de Babouchka Adoption.
Somova a été inscrite comme bénéficiaire de ce programme en mai 2005. Elle n’a pas eu la chance de rencontrer son bienfaiteur car il habite aux Pays Bas mais ils s’écrivent des lettres. En plus de l’aide de 400 soms qui lui est versée tous les mois, elle a un jour reçu un colis avec des produits de sa part ; Comme elle est en bonne santé, elle n’a pas besoin d’autre chose. Avec la pension additionnelle qu’elle perçoit, elle peut maintenant se permettre d’acheter des aliments comme de la viande et du beurre. Et elle peut même à présent de temps en temps s’acheter une cassette audio ou un minidisque pour enregistrer ses chansons, ce qui la rend vraiment heureuse. Sur la photo qui a été prise, elle nous montre tous ses prix ainsi que la médaille qu’elle a reçue pour avoir pris part à un concours de chant kirghize.

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