Birmanie: Un photographe incarcéré, cinq autres journalistes emprisonnés Reporters sans frontières et la Burma Media Association dénoncent la situation de la liberté de la presse

Alors que la junte militaire menace de réprimer les manifestations de moines et d’opposants, six journalistes birmans sont emprisonnés dans leur pays. Le photojournaliste Win Saing a été arrêté, le 28 août 2007, alors qu’il prenait des clichés de militants de la Ligue nationale pour la démocratie apportant des offrandes à des moines à Rangoon. Après avoir été placé au centre de détention de Kyaik-ka-san, il est actuellement détenu au commissariat de police de Thanlyin près de Rangoon. Il risque, comme les centaines d’autres personnes arrêtées au cours des dernières semaines, d’être maltraités.
 
Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent sa libération ainsi que celle des cinq autres journalistes détenus.
 
Le plus célèbre rédacteur en chef birman, U Win Tin, âgé de 77 ans, est détenu depuis juillet 1989 dans sa cellule spéciale de la tristement célèbre prison d’Insein à Rangoon. Condamné à vingt ans de prison pour « propagande antigouvernementale », il a été l’un des organisateurs des manifestations de 1988. En 2007, il a lancé un appel à la résistance contre le régime militaire qui l’emprisonne : « Tous les prisonniers politiques doivent être libérés et le Parlement démocratique doit être réuni. Nous ne devons pas abandonner ces demandes. »
 
U Thaung Sein, photojournaliste, et Ko Moe Htun, éditorialiste du magazine religieux Dhamah-Yate, ont été condamnés, en mars 2006, à trois ans de prison pour avoir pris des clichés de la nouvelle capitale Naypyidaw, ville mystérieuse sortie de terre par un caprice du général en chef de la junte militaire. Lors de leur procès, le juge n’a même pas pris la peine de convoquer des témoins et d’écouter les deux journalistes.
Monywa Aung-Shin a été arrêté en septembre 2000. Ancien responsable de la rédaction du magazine Sar-maw-khung (« Le monde littéraire ») interdit en 1990, il est devenu, dans les années 1990, l’un des responsables de l’information de la LND. Il a été condamné à sept ans de prison en vertu de l’article 17 (20) de la loi d’urgence. Enfin, Ne Min, ancien collaborateur de la BCC, a été arrêté pour avoir transmis des informations à des médias basés à l’étranger.
 
Situation de la liberté de la presse en Birmanie :
 
Depuis le début des manifestations le 19 août 2007, Reporters et la Burma Media Association ont recensé 24 violations sérieuses de la liberté de la presse, notamment des interpellations et des agressions.
 
Depuis 1962, les journalistes birmans de la presse officielle et privée sont soumis à la surveillance du Bureau de la censure qui impose un contrôle drastique sur le contenu de l’information mais également sur les illustrations et les programmes de télévision. En Birmanie, il n’existe aucune chaîne de télévision ou radio privée, mais des dizaines de magazines sont publiés à côté des quotidiens gouvernementaux.
En 2007, les services de sécurité, réorganisés au sein de la Force de sécurité militaire (Sa Ya Hpa), ont accru leur surveillance de la presse. Des civils auraient également été formés pour identifier les « informateurs » des médias internationaux. En 2006, l’écoute des communications téléphoniques a été renforcée, grâce notamment à l’installation de deux nouveaux centres à Mandalay (Centre).
 
La junte ne brouille pas les radios internationales qui émettent en birman. Mais elle intimide et sanctionne certains de leurs interlocuteurs. Le réalisateur et journaliste Thura « Zar Ga Nar » a été interdit, en mai 2006, d’exercer toute activité artistique suite à sa participation à une émission du service birman de la BBC. La décision est venue du commandant Thein Htun Aung, directeur du département du cinéma au sein du ministère de l’Information.
 
Face à l’hostilité de plus en plus affichée des Etats-Unis à son endroit, le régime militaire a renforcé sa propagande contre les « impérialistes » et autres « néocolonialistes ». En février, des responsables du ministère de l’Information ont demandé à un groupe de journalistes birmans et de correspondants locaux de la presse étrangère à Rangoon de répondre aux critiques formulées par les médias étrangers. Régulièrement, des articles identiques attaquant le Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, les Etats-Unis ou les opposants sont publiés dans la majorité des médias du pays. Ils sont rédigés par des agents de l’Office of Strategic Studies, organe de propagande de la junte.
 
Le pays compte actuellement plus d’une centaine de publications privées, toutes soumises à la censure préalable. En plus des sujets traditionnellement interdits, tels que la démocratie, la situation d’Aung San Suu Kyi ou la crise socio-économique, des événements nationaux et internationaux sont régulièrement passés sous silence. Ce fut le cas, en 2006, lors de visites de diplomates asiatiques ou onusiens qui tentaient d’assouplir la position de la junte. Les manifestations antigouvernementales aux Philippines et en Thaïlande n’ont jamais été rapportées dans la presse. Le magazine Padauk Pwint Thit a été contraint de suspendre son numéro de décembre car le Bureau de la censure a rejeté sept de ses articles. Même au sein des prisons, un comité de censure veille à écarter les lectures « subversives ». En mars, l’épouse du journaliste et écrivain emprisonné Than Win Hlaing a révélé que son mari était privé de toute lecture car il avait le « défaut » de prendre des notes.
 
En juin 2006, Aung Than, membre de la Ligue nationale pour la démocratie, et Zeya Aung, étudiant de l’université de Pegu, ont été condamnés à 19 ans de prison pour avoir notamment écrit et distribué un recueil de poèmes « Daung Man » (« La force du paon combattant », en référence à la LND).
 
La politique de l’Etat birman en matière d’Internet est encore plus répressive que celle de ses voisins chinois et vietnamiens. La junte au pouvoir filtre, bien sûr, les sites d’opposition. Elle surveille surtout très étroitement les cybercafés, dont les ordinateurs prennent automatiquement des captures d’écran, toutes les cinq minutes, afin de surveiller l’activité des internautes. En juin 2006, les autorités s’en sont prises aux services de téléphonie et de chat sur Internet, bloquant par exemple l’accès à Gtalk de Google. L’objectif est double : d’une part préserver le juteux marché des télécommunications longues distances jusque-là contrôlé par des entreprises d’Etat, d’autre part, écarter les cyberdissidents de ce moyen de communication difficile à mettre sur écoutes.
 
Depuis le début des manifestations, plusieurs journalistes étrangers ont pu travailler en Birmanie grâce à des visas de touristes. En effet, la junte militaire délivre au compte-gouttes les visas de presse. Des dizaines de journalistes et militants des droits de l’homme sont blacklistés et interdits d’entrée sur le territoire. En juillet dernier, aucun journaliste étranger n’a obtenu de visa et les reporters birmans ont eu un accès très limité à la session inaugurale de la Convention nationale.
 
Les journalistes birmans travaillant pour des médias étrangers sont extrêmement surveillés. En mai 2007, deux reporters travaillant pour le bureau de Bangkok du réseau de télévision Nippon News Network, ont été appréhendés par des policiers près de Rangoon. Le 18 septembre, Myat Thura, correspondant de l’agence Kyodo, a été interpellé dans la capitale.

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