BOLIVIE APRES 10 MOIS DE PRÉSIDENCE DE EVO MORALES

Il est évident que la politique gouvernementale doit conduire à une transformation profonde. Cependant, après ces dix mois de gouvernement, les résultats n’influent pas encore concrètement les conditions de vie des gens. La pauvreté, et par conséquent la migration à la recherche de meilleures conditions de vie, continuent d’augmenter.
 
Sur la base de ses promesses électorales, Evo Morales a nationalisé les hydrocarbures, mis en place l’Assemblée Constituante et présenté son Plan National de Développement: « une Bolivie digne, souveraine, productive et démocratique pour vivre bien ». Ces derniers temps, il a signé le nouveau contrat de vente de gaz à l’Argentine dans des conditions très favorables pour la Bolivie, avec un prix d’exportation plus élevé.
 
Dans le délai prévu (28 octobre) et avec la devise « Mission accomplie avec tout le peuple bolivien », Evo Morales a signé les contrats avec les entreprises pétrolières qui opèrent en Bolivie, récupérant définitivement, pour le pays et sans indemnisation, la propriété des ressources en hydrocarbures. Cet accord signifie un accroissement des recettes de 250 à plus de 1000 millions de dollars annuels. La nouvelle a réjoui le peuple bolivien; elle fut même bien reçue par l’opposition.
 
Les conflits
 
Toutefois, pour réussir ces transformations, le chemin est sinueux. Des conflits sont activés par des groupes d’opposition (mouvements régionaux et partis traditionnels) qui ne veulent pas perdre leurs avantages historiques et qui sont marqués par un profond racisme. Des pressions s’exercent aussi sur Evo Morales de la part des entreprises transnationales et des Etats-Unis. Le nouveau gouvernement bolivien a posé des limites à leur action, à partir de l’exercice de la souveraineté nationale. Les médias les plus puissants, proches de l’opposition, jouent un rôle important dans la campagne de discrédit contre l’actuel gouvernement.
 
D’autre part, quelques mouvements sociaux se mobilisent contre le gouvernement du MAS (Movimiento Al Socialismo) autour de demandes corporatives et sectorielles, comme c’est le cas des Coopératives minières de Huanuni. De manière contradictoire, les peuples indigènes et originaires maintiennent une relation ambivalente avec le gouvernement.
 
Un autre aspect négatif apparaît dans la répétition de pratiques traditionnelles de clientélisme qui affectent les institutions étatiques. Finalement, il existe une tendance vers l’autoritarisme de quelques secteurs du MAS et une relation peu ouverte vers la classe moyenne urbaine et progressiste qui a voté pour le changement.
 
La coopération Internationale
 
Avec le principe « Nous voulons des partenaires et non des patrons », le gouvernement de Evo Morales a défini les règles du jeu de la coopération internationale, exigeant qu’elle réponde aux politiques et aux stratégies du gouvernement bolivien.
 
Dans cette coopération s’agitent différents courants, depuis ceux qui préconisent l’appui solidaire jusqu’à ceux qui promeuvent une coopération conditionnelle.
 
Dans ce cadre, le gouvernement agit avec indépendance et dignité, mais court le risque de perdre l’appui financier de certaines organisations de coopération, spécialement des Etats-Unis.
 
María Isabel Caero
Coordinatrice E-CHANGER Bolivie
Cooper-action 14 / journal d’E-CHANGER
 

 
 

OÙ VA L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE?
 
L’Assemblée Constituante a été conçue comme le moyen pour trouver une solution aux problèmes du pays. Le peuple a choisi ses représentants. Sucre, la capitale du pays, s’est préparée pour les recevoir.
 
Le délai pour accomplir cette tâche est d’une année mais, après trois mois, les délégués ne sont pas encore parvenus à se mettre d’accord sur la forme et sur les procédures. Une bonne part de l’opinion publique commence à montrer des signes de déception et de scepticisme. Que se passe-t-il avec l’Assemblée Constituante?
 
L’origine de l’Assemblée Constituante
 
L’exigence d’une Assemblée Constituante a acquis une dimension nationale avec la Marche Indigène de juin 2002. A partir de cette date, personne n’a pu l’ignorer.
 
A ce moment-là, le pouvoir avait rejeté la demande indigène, affirmant que « l’Assemblée n’est pas nécessaire et n’est pas légale ». Quand la révolte populaire d’octobre 2003 l’a imposée, ceux qui la rejetaient ont essayé de se l’approprier. Ce sont ces mêmes personnes qui tentent aujourd’hui de compromettre son existence.
 
Les peuples indigènes de l’Altiplano et des terres basses représentent la majorité quantitative et qualitative du pays. Ils ont exigé la création de l’Assemblée Constituante, en précisant clairement qu’il ne s’agissait pas de mettre en oeuvre de petites réformes mais de refonder le pays, bancal depuis 1825.
 
Par son origine même, les érudits nomment l’Assemblée le pouvoir constituant originaire, malgré les arguments de la minorité adverse qui essaye de l’affaiblir. Elle est aussi souveraine malgré le fait que la Cour Suprême, autorité maximale de l’ancien système, prétende se perpétuer et maintenir sa validité.
 
Ses tâches et limitations
 
Même s’il y a déjà plusieurs propositions pour un nouveau texte constitutionnel, les délégués à l’Assemblée ont encore beaucoup de thèmes à aborder et à connaître. La future structure de l’État est en discussion. Ils ne pourront pas éviter de débattre les trois grands axes qui ont articulé la mobilisation sociale de ces dernières années:
 
        * La défense de la souveraineté nationale (économique, politique et culturelle)
        * Le respect et la valorisation de la diversité qui inclut le thème des autonomies – à différents niveaux, non seulement départemental – et l’équité.
        *   L’engagement croissant de la société civile, c’est-à-dire la gestion sociale, en partant du principe « moins d’Etat et plus de société ». Ceci permettrait de dépasser les expériences frustrantes du vieux modèle étatique de 1952.
 
Les limitations visibles de l’Assemblée ont deux origines. La première est l’inexpérience et la préparation réduite de beaucoup de délégués, mais ceci est surmontable. La seconde provient des erreurs regrettables de la Loi de Convocation qui n’a été cohérente ni avec l’origine de la demande constituante, ni avec ses objectifs et ses possibilités. En conséquence, le travail de l’Assemblée s’est trouvée obstrué par des questions que la loi aurait dû définir.
 
Toutefois, ce n’est pas le moment de perdre espoir. A Sucre sont présents les mouvements sociaux et les peuples indigènes, vigilants et exigeants, qui ne paraissent pas disposés à permettre que leur demande historique soit une fois de plus frustrée.
 
Rafaël Puente
Analyste politique bolivien
 
 
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ETRANGERS DU MONDE
 
Il y a mille raisons qui vous poussent à quitter la terre qui vous a vu naître pour l’inconnu. Certain-e-s émigre-nt par curiosité ou goût de l’aventure… d’autres en désespoir de cause.
 
Cela fait un peu plus d’un an et demi que je vis à Cochabamba, où je travaille avec les femmes rurales du département. Je suis blanche aux yeux bleus, alors que la majorité de la population est amérindienne. C’est un sentiment étrange que d’être toujours repérable en tant que « gringuita ». Au départ, je répondais du tac au tac : « Non, je ne suis pas une yankee ! » Et puis, j’ai fini par m’y habituer.
 
Les gens m’ont accueilli avec simplicité, même si mon porte-monnaie de volontaire n’est pas trop garni. Pas de harcèlement, pas d’humiliation. Mes collègues et partenaires pourraient me considérer comme une « sale profiteuse »,  ce que nous faisons si souvent en Europe. Mais non ! Ils respectent les efforts d’adaptation que je fais et m’écoutent quand je donne mon avis d’occidentale. Nos rapports sont fondés sur le respect mutuel.
 
Pas une fête à laquelle on ne m’aurait invitée,  comme si je faisais partie de la famille, « pour ne pas rester seule et abandonnée des tiens ». Au retour de Suisse, après deux mois d’absence, j’ai été accueillie les bras ouverts, comme si j’étais partie deux ans…
 
Merci, car ce sont toutes ces attentions, cette chaleur humaine qui rendent la vie d’un-e exilé-e vivable qu’il/elle le soit volontairement ou non.
 
Véronique . Blech
Cooper-actrice E-CHANGER
 
 
 

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