Brésil : en route pour la grève générale

Les attaques du gouvernement Temer contre le système de retraites attisent le mécontentement populaire. Après une mobilisation largement suivie le 15 mars, les syndicats et les mouvements populaires appellent à une grève générale le 28 avril.

Fin octobre 2015, quelques mois avant le « coup d’Etat parlementaire » qui a abouti, en mai 2016, à la destitution de la présidente Dilma Rousseff, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) publiait un catalogue de mesures censées « tirer le pays de la crise ». Intitulé « un pont pour le futur », le texte revendiquait notamment: la réduction des dépenses publiques; l’élévation de l’âge de la retraite; la remise en cause du Code du travail; un coup de fouet aux privatisations.

Michel Temer, vice-président de Madame Rousseff et grand organisateur de sa chute, lui a succédé à la tête de l’Etat brésilien. Issu du PMDB, le président non élu a aussitôt commencé à appliquer le programme de son parti – avec le soutien d’un Parlement dominé par les conservateurs. Après avoir bloqué pour vingt ans les dépenses dans l’éducation et la santé, M. Temer a lancé un projet de refonte du système des retraites, sous le nom de PEC 287.

Dénoncée comme une régression sociale majeure par les syndicats, la PEC 287 attise le mécontentement populaire. Ce dernier est alimenté par une triple crise: économique (le PIB s’est rétracté de 3,6% en 2016); sociale (le chômage et le nombre des nouveaux pauvres explosent); et politique – le gouvernement Temer est profondément discrédité par l’implication de plusieurs de ses figures-clés, dont le président lui-même, dans le scandale de corruption (Lava jato) qui secoue le pays depuis trois ans .

Jusqu’à la mort. Le projet Temer se traduirait par un temps de travail allongé et des rentes de retraite réduites – voire pas de rente du tout. Florilège: l’âge de la retraite des femmes serait aligné sur celui des hommes, passant de 60 à 65 ans; les travailleurs ruraux, dont l’immense majorité commencent à trimer avant 14 ans , devraient travailler 5 (pour les hommes) à 10 années (les femmes) de plus; pour toucher l’intégralité de leur rente, les salariés devraient prouver 49 années de cotisations (au lieu de 35 pour les hommes, 30 pour les femmes) – alors que 45% de la force de travail active oeuvre dans le secteur informel ; l’allocation d’assistance destinée aux rentiers les plus pauvres ou souffrant de handicap, serait déconnectée du salaire minimum et versée à partir de 70 ans seulement.

« Ils veulent nous faire travailler jusqu’à la mort », résume un slogan syndical qui n’a rien d’exagéré: dans la région Nord-Est du Brésil, l’espérance de vie moyenne d’une travailleuse rurale est de 66 ans. Test réussi en mars. Le 15 mars, les syndicats appelaient à une journée nationale de mobilisation contre la PEC 287. Pari réussi, avec près d’un million de participants. Des grèves ont touché tout le pays, prenant une ampleur particulière dans l’éducation et les transports.

Le 22 mars, le gouvernement tentait de désamorcer la fronde. Il proposait de retirer du projet les employés des Etats ou des municipalités – ceux-ci feraient l’objet d’une réforme spécifique menée par les Etats. Une proposition dénoncée comme une manœuvre de division par les organisations de travailleurs.

Le brésil à un tournant. Le même jour, la Chambre des députés ouvrait un nouveau champ de bataille. Elle approuvait un projet de loi (PL 4302) généralisant le recours à la sous-traitance. Les syndicats réagissaient en convoquant une grève générale le 28 avril, autour de trois mots d’ordre: Non à la réforme des retraites; Non à la sous-traitance; NON au démantèlement du Code du travail. La grève générale sera précédée, à la mi-avril, du traditionnel « avril rouge » au cours duquel les mouvements paysans organisent actions et occupations de terres pour revendiquer la réforme agraire.

Une bataille déterminante pour l’avenir de millions de Brésiliens est en cours.  Comme le souligne Paulo Pasin, syndicaliste et travailleur du métro de São Paulo: « Ou bien nous arrivons à augmenter l’unité de notre classe travailleuse en menant des actions encore plus significatives; ou bien nous allons perdre les droits minimaux conquis au cours des dernières décennies. Le résultat de cet affrontement définira la continuité ou non du gouvernement illégitime [de Michel Temer]».

Guy Zurkinden, journaliste, ex-cooper-acteur d’E-CHANGER au Brésil

7 avril 2017

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