BURKINA FASO: La lumière sera-t-elle faite sur l’assassinat de Norbert Zongo ?

Alors que les nouvelles autorités burkinabè se sont engagées à mettre fin à l’impunité et à la corruption, Reporters sans frontières appelle à rouvrir une enquête sur la mort du journaliste Norbert Zongo, dont les coupables n’ont toujours pas été identifiés, près de 16 ans après les faits.
 
C’est avec la détermination de celui qui ouvre une nouvelle ère que Michel Kafando, président burkinabè de la transition, s’est exprimé lors de sa prise de fonction le 21 novembre : « Cette révolution n’est que la résultante d’une exaspération sociale face à l’injustice flagrante, au népotisme, à l’impunité et à la corruption. Le message du peuple est clair et nous l’avons entendu : plus jamais d’injustice. (…) Tout nous conduit donc à prendre nos responsabilités et à répondre à cet appel. »
 
Prenant note de ces déclarations, Reporters sans frontières demande la réouverture de l’enquête sur la mort de Norbert Zongo. Parmi les nombreux scandales de corruption, d’injustice et d’impunité qui ont entaché les 27 années de mandat
de l’ancien président Blaise Compaoré, l’assassinat du journaliste, le 13 décembre 1998, a particulièrement marqué les esprits. Ce jour-là, le directeur de publication de l’hebdomadaire L’Indépendant était retrouvé mort dans sa voiture calcinée à Sapouy, une centaine kilomètres au sud de Ouagadougou, en compagnie de trois autres personnes. Norbert Zongo enquêtait alors sur la mort suspecte de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère et conseiller du président.
Très rapidement, François Compaoré et la garde présidentielle – en particulier Marcel Kafando, l’un de ses membres – ont été pointés du doigt dans l’assassinat du journaliste. La pression populaire force alors le gouvernement à mettre en place une commission d’enquête indépendante à laquelle RSF a participé. En 2001, RSF a également porté plainte contre Blaise Compaoré à l’occasion de la visite en France du président, sans succès.
 
Seize ans durant, le gouvernement a réussi à étouffer l’affaire. Les pressions politiques ont eu raison de la justice burkinabè et suite au non-lieu prononcé à 2006 en faveur du principal suspect, les meurtriers de Norbert Zongo n’ont jamais été inquiétés.
 
« Reporters sans frontières se réjouit des déclarations du président de la transition. Il s’agit maintenant de les mettre en oeuvre, en tirant définitivement un trait sur les pratiques politiques du passé, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Nous appelons au réexamen de l’affaire Norbert Zongo et demandons aux nouvelles autorités d’identifier les coupables de cet assassinat odieux. »
 
Les carences de l’instruction judiciaire, dénoncées à l’époque par nombre d’organisations de défense des droits humains et de la liberté de l’information, dont Reporters sans frontières, ont récemment été condamnées par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Le 28 mars 2014, la CADHP a rendu un long arrêt mettant en évidence les multiples manquements de la justice burkinabè dans le traitement de l’affaire Zongo. La cour a notamment dénoncé la durée de la procédure – près de huit ans – et l’audition tardive des parties civiles. Plus étonnant encore, le fait que l’instruction a été close à l’issue du non-lieu de 2006, alors même qu’aucun coupable n’avait été identifié. Selon l’avis même de la Cour, c’est toute la presse qui a été mise sous pression en raison de ce déficit de justice.
 
Le 19 juillet 2006, en effet, une ordonnance de non-lieu avait été prononcée en faveur de Marcel Kafando et de X. Or si l’accusation abandonnait les charges contre Marcel Kafando, il ne coulait pas de source qu’elle renonce à toute poursuite contre d’autres coupables éventuels et décide de clore l’ensemble de l’enquête.
L’instruction aurait dû se poursuivre malgré le blanchiment du principal accusé, afin d’identifier les commanditaires et exécutants du meurtre. Or la justice burkinabé a alors décide de mettre un point final au dossier. Depuis, ni l’appel interjeté par la partie civile, ni les nouveaux éléments mis en avant par Reporters sans frontières n’ont permis de le rouvrir.
Pourtant l’affaire Zongo est encore une plaie vive au sein de la société burkinabè. Pour preuve, en nommant Adama Sagnon, ancien procureur en charge de l’affaire Zongo, au ministère de la Culture, Michel Kafando s’est attiré les foudres des organisations de la société civile. A peine 48 heures après sa nomination, Adam Sagnon présentait, mardi 25 novembre, sa démission.
 
Le Burkina Faso est classé 52ème sur 180 pays dans le Classement 2014 sur la liberté de la presse
établi par Reporters sans frontières.

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