Chenevière: « Nous sommes au service des gens qui sont sur place et qui se battent. »

Deuxième et dernier volet de l’interview de Guillaume Chenevière, ex directeur de la TSR, il revient sur le choix du pays hôte du SMSI, ainsi que sur les répercussions de cet événement au niveau de la société civile tunisienne.

Pensez-vous que le choix de la ville et du pays ne soit pas fortuit et que ce sommet constituait un moyen non avoué de mettre la pression sur le régime autoritaire tunisien ?

Non, les organisateurs avaient pensé que c’était un pur problème technique et financier. A ce titre, la Tunisie est d’ailleurs plutôt un bon exemple. Le niveau de développement est bon. Il constitue l’un des pays les plus digitalisés au sein de l’Afrique du Nord. Non il faut être juste, ce n’était pas le but avoué de ce sommet. Cela s’est concrètement vu au fait que l’agenda s’est transformé en cours de route.

Les problèmes des Nations Unies sont toujours les mêmes. Comment fait-on pour que la communauté internationale soit capable de prendre au sérieux ses propres normes. Il ne s’agit pas de fermer les yeux lorsqu’il y a un cas particulier car le monde est une addition de cas particuliers.

Est-ce que les événements liés au sommet et notamment aux droits de l’Homme ont changé quoique ce soit pour la société civile tunisienne ?

Difficile de répondre à l’heure actuelle. La société civile internationale a promis de gérer et donc d’organiser un suivi. Des lettres ont été envoyées à l’ONU pour que la Tunisie soit surveillée de près. Nous sommes au service des gens qui sont sur place et qui se battent.

Mais attention, l’organisation de la société civile est aussi à revoir. Les personnes présentes ne sont pas forcément représentatives de l’opinion publique puisqu’ils ne sont pas élus.

Il y a eu un débat très intéressant : celui de Human rights in china. Ils n’ont pas été acceptés car ils n’ont pas donné leur source de financement. La raison pour laquelle ils ne l’ont pas fait malgré les règles de l’ONU, c’est qu’ils sont financés en grande partie par les Etats-Unis. Quoiqu’on puisse penser des motifs des Chinois, il est juste de faire attention aux bailleurs de fond qui se cachent derrière les organisations de la société civile. En Tunisie, il y a 7500 ONGs qui étaient presque toutes des rouages du pouvoir tunisien. Comment les distinguer des autres ? La société civile doit s’inventer pour elle-même des règles. Le SMSI a permis de mettre en avant que ce problème existe.

Va-t-il y avoir une suite à ce sommet, d’autres SMSI ?

Non, apparemment il n’y aura pas d’autres suites que le forum de la gouvernance qui doit se réunir cet automne à Athènes. Les premières discussions auront lieu ici à Genève au mois de février. Le secrétaire général des Nations Unies est mandaté pour faire un certain suivi du fossé numérique. Il faut encore relever que la société civile internationale s’associe à ce forum sur la gouvernance et qu’elle essaie de s’auto-organiser. Pour connaître la suite du sommet, je pense qu’il faut attendre une année.

Et pour comunica-ch… ?

Nous sommes très intéressés par tout ce qui est défense de la qualité dans les médias. Quelle information les gens ont-ils ? Le contenu des médias, c’est nous. Le tout est de savoir comment faire pour que les gens accèdent à une information qui leur est utile, notamment sur internet. Cette discussion est maintenant née au sein de la presse suisse.

Deuxième sujet auquel nous avions donné une priorité, c’est le domaine public. Comment peut-on faire pour que les gens se rendent compte que tout ce qui est en place aujourd’hui pourrait bien leur échapper ? Notre idée est d’initier un débat avec trois institutions : SRG SSR idée suisse, les bibliothèques nationales et les Universités. Elles vivent beaucoup des deniers publics. Notre but est de nous assurer qu’elle vont rendre au public ce qu’elle leur a pris sans essayer de le revendre sous forme privée.

Aujourd’hui, sur le web tout est gratuit, mais on peut penser que cela pourrait évoluer et que quelques entreprises rachètent la toile pour en faire un bien payant. Ou alors que la gratuité soit intimement liée à la publicité et que certaines informations ressemblent plus à du publi-reportage. Ce n’est pas innocent du tout.

On pourrait aussi discuter de la stratégie du conseil fédéral. On devrait partir de l’idée que grâce à la société de l’information, il y a un partage des connaissances. Ainsi on peut profiter du système. Les intérêts du citoyen sont en jeu. Il ne faut pas laisser uniquement à l’industrie le soin d’être le seul interlocuteur de la société de l’information.

Propos recueillis par Olivier Grobet

Fragments de paroles

Bilan du SMSI de Tunis avec Guillaume Chenevière : « Penser que la technique allait résoudre tous les problèmes était une erreur. »
Chenevière: « Nous sommes au service des gens qui sont sur place et qui se battent. »

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