Colombie: La paix passe aussi par l’unité populaire

Le mouvement social colombien «avance de manière soutenue vers une plus grande unité», ce qui lui permet de percevoir le processus de paix entre les FARC et le gouvernement avec une relative confiance.
C’est le diagnostic avancé, lors d’une récente visite en Suisse, par Marylén Serna Salinas, dirigeante paysanne dans la province de Cajibío (Cauca, sud-ouest colombien), l’une des responsables au niveau national du Congrès des peuples. Ce dernier réunit de nombreuses organisations de la société civile. Avec d’autres acteurs, il participe activement à la construction d’«une paix juste» en Colombie.
 
Comment le mouvement social perçoit-il la conjoncture actuelle du dialogue pour la paix?
Marylén Serna Salinas: Avec surprise dans un premier temps, puis avec de grandes attentes. Nous préparons les conditions d’une participation effective au processus. Nous souhaitons renforcer un vrai mouvement pour la paix, incluant tous ceux, issus de diffé- rentes régions, qui ont contribué à cet objectif depuis de nombreuses années. Nous proposons de construire tous ensemble ce que nous définissons comme un «agenda social», c’est-à-dire les propositions et thématiques concrètes qui expriment les revendications des différents secteurs de la société civile. Il est essentiel de définir la forme de cette participation dans le processus de négociation. Nous ne pourrons pas nous asseoir tous à la même table. Comment, dans notre diversité, tenir compte de toutes les sensibilités et assurer un apport concret à la procédure en marche?

Dans ce contexte, qui peut  convoquer la société civile pour assurer la participation de tous?
MSS: C’est une question fondamentale. Il n’est pas concevable que seul le Congrès des peuples soit impliqué. Je dirais même qu’il n’est pas possible d’engager seulement le mouvement social organisé pour représenter la société colombienne dans son ensemble. Il faut aller plus loin. Nous sommes conscients de cette réalité et nous avons fondé, il y a six mois, la «Route sociale commune pour la paix» afin de réunir les différents secteurs et plates-formes qui reconnaissent la nécessité d’une solution politique au conflit armé. La Route a été lancée publiquement le 8 octobre dernier, dans le cadre d’une mobilisation nationale convoquée pendant la semaine de l’indignation.  
Je suis optimiste lorsque je constate que, durant ces deux dernières années, l’espace d’unité populaire qui reconnaît l’importance de cette Route s’est élargi. Parmi les organisations qui la soutiennent, citons les mouvements de victimes, les organisations estudiantines, quelques secteurs du monde du travail, la Marche patriotique, le Réseau d’initiatives de paix de la base, le Congrès des Peuples, et d’innombrables autres initiatives.

Avec des organisations aussi diverses, quel est le débat  le plus complexe?
MSS: La plus grande difficulté à l’intérieur du mouvement sera de traiter la question de la représentativité dans le dialogue et la négociation.  

Le processus de dialogue entre les FARC et le gouvernement est amorcé. Y a-t-il un risque que l’agenda de cette négociation ne coïncide pas avec celui du mouvement social? Et qui, de fait, pourrait ne pas monter à bord du train…
MSS: Nous pensons qu’il ne faut pas trop charger le calendrier actuel de cette étape de négociation. Pour l’instant, c’est suffisant. Durant cette phase, le Congrès des peuples les accompagne sans réclamer sa participation. Nous voulons accélérer notre propre préparation en tant que mouvement social pour être à bord du train durant la prochaine étape pendant laquelle sera débattu l’agenda social. Il faudra intégrer des thèmes comme la terre et le territoire, les politiques économiques, la présence des multinationales dans le pays, les droits du peuple – l’éducation et la santé notamment – ainsi que la justice et les réparations liées au débat sur l’impunité.

Quelles conditions sont essentielles à la réussite des négociations?
MSS: Il faut que les deux mouvements de rébellion (FARC et ELN, ndlr) 1 participent au dialogue pour éviter que le processus actuel soit boiteux. Un cessez-le-feu et une fin des hostilités dans les territoires sont également un passage obligé. Des garanties doivent aussi être données en vue de l’intégration effective du mouvement social. Nous ne pouvons pas imaginer prendre part à ce processus pendant qu’au même moment on nous menace et on nous poursuit (lire ci contre). Ceci est un appel très concret au gouvernement afin que d’autres expériences antérieures ne se renouvellent pas, lorsque la société civile se battait pour participer aux négociations et que, dans le même temps, nous étions menacés, stigmatisés, persécutés et assassinés.

PROPOS RECUEILLIS PAR  SERGIO FERRARI
Collaboration Le Courrier et E-CHANGER
Traduction: Rosemarie Fournier Collaboration E-CHANGER
 
http://www.lecourrier.ch/103592/la_paix_passe_aussi_par_l_unite_populaire

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