Colombie: Les communautés du charbon exigent que Glencore tienne ses promesses

Septante personnalités suisses s’adressent à la multinationale suisse pour demander le respect des communautés riveraines de ses mines de charbon en Colombie. Glencore admet des «retards».

La visite d’Ivan Glasenberg, directeur général de Glencore, à plusieurs communautés du nord-est de la Colombie, fin mars 2015, avait suscité des attentes au sein de la population locale. Un an plus tard, «le bilan est critique», soulignent septante personnalités suisses, qui ont adressé le 30 mars 2016 une lettre ouverte au directeur de la firme, domiciliée à Zoug.

Des communautés riveraines d’une des plus grandes mines à ciel du monde, «El Cerrejón», dont Glencore détient un tiers des actions, et d’une mine proches d’El Hatillo dans le Département de Cesar, assurent que l’entreprise n’a pas rempli ses promesses quant à leur réinstallation sur d’autres terres et à la compensation des dommages subis.

«Les signataires exigent que Glencore se montre plus transparente, qu’elle traite avec respect et dignité les communautés touchées et qu’elle applique les normes internationales», explique Stephan Suhner, l’un des coordinateurs du Groupe de travail Suisse-Colombie (ASK en allemand), l’organisation solidaire qui avait participé l’an dernier au voyage d’Ivan Glasenberg sur place. Pour le militant de l’ASK, la multinationale suisse «ne semble pas non plus vouloir entendre les voix critiques émanant de la société civile suisse».

Pas d’eau potable
Cette lettre fait un bilan des faibles avancées durant ces douze derniers mois. Elle a été signée entre autres par Peter Niggli (spécialiste de la coopération et ex-directeur d’Alliance Sud), Caroline Morel (Swissaid), Rita Schiavi (Unia), Hans-Jürg Fehr (conseiller national PS et président de Solidar Suisse).

L’analyse est centrée sur la situation des communautés Tamaquito et Las Casitas dans la Guajira, ainsi que El Hatillo (Département de Cesar), qui ont été visitées par Ivan Glasenberg en 2015. Leurs populations avaient soit été déplacées sur d’autres sites en raison de l’agrandissement de la mine Cerrejón (lire notre reportage dans Le Courrier du 2 mai 2015) soit étaient en voie d’être relogées.

Ivan Glasenberg avait fait deux promesses fondamentales, explique Stephan Suhner. D’une part, garantir l’approvisionnement en eau à la communauté indigène wayuu de Tamaquito, de l’autre faire avancer rapidement le processus de réinstallation de El Hatillo, qui doit être effectué sur ordre du Ministère de l’environnement, vu la pollution atmosphérique produite par la mine Glencore-Prodeco, Drummond et CNR-Goldman Sachs. «Quasiment rien n’a été fait», Bien que de l’eau soit envoyée à Tamaquito, la quantité est insuffisante et la qualité douteuse. «La communauté ne sait pas d’où provient l’eau qu’elle reçoit!», précise le responsable du Groupe de travail Suisse-Colombie.

«Des retards»
Quant à El Hatillo, la situation est plus complexe: un nouvel opérateur en matière de réinstallation est entré en activité. Et le Programme des Nations Unies pour l’environnement se charge de mettre en œuvre des projets productifs. «Néanmoins, aucun thème négocié n’a pu être conclu dans la pratique. Il manque des progrès essentiels qui pourraient redonner confiance à la communauté», conclut Stephan Suhner.

De son côté Glencore réfute la critique globale mais admet que des «retards» ont eu lieu en raison d’«imprévus». «Un puits est en train d’être réalisé à Tamaquito. Ce projet devra être terminé d’ici à quelques semaines», a assuré vendredi au magazine lucernois et zougoisZentralplus Michael Fahrbach, responsable du développement durable chez Glencore. «Après la construction de ce puits pour l’eau potable, Cerrejón trouvera une solution pour l’irrigation des champs». L’entreprise reconnaît qu’aucun progrès n’a été en revanche réalisé dans le cas de la réinstallation d’El Hatillo: «Nous avons dû démarrer un nouveau processus l’année dernière et engager un nouveau chef de projet. Notre deadline de février 2016 n’a pas pu être respecté. Nous espérons pouvoir terminer d’ici à la fin 2016. C’est un processus dynamique. La communauté locale n’est pas toujours d’accord et ne formule pas toujours des idées claires et sans ambiguïté».

Pour le Groupe de travail Suisse-Colombie, Glencore fait clairement montre de manque de volonté. «La multinationale ne fait pas d’efforts pour comprendre les demandes basiques des communautés et la vie que ces dernières souhaitent. Que dire lorsque Glencore affirme que la pauvreté a baissé, alors que les gens ne gagnent pas un peso? Ou lorsque Glencore promet des négociations transparentes et participatives, mais ne le fait pas, ou lorsque la police anti-émeute est envoyée pour exproprier des familles qui résistent à leur réinstallation forcée?»

Une situation globale qui crée «davantage de risques de violations des droits humains et de violence», concluent les signataires de la lettre ouverte.

Sergio Ferrari, Le Courrier,  en collaboration avec Christophe Koessler

 Traduction Hans Peter Renk

 

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Glencore a de l’appétit

Le charbon reste une très bonne affaire même quand les prix plongent. Dès que la firme Anglo-American a annoncé fin février qu’elle souhaitait céder ses parts (33%) de la mine à ciel ouvert de Cerrejón dans le Département colombien de la Guajira, Glencore s’est montrée intéressée. L’entreprise suisse pourrait ainsi acquérir une participation majoritaire dans cette entreprise tant décriée pour son impact environnemental et social dans une des régions les plus pauvres et désertiques de Colombie. Sa dimension est telle que nombre d’ONG et de mouvements sociaux locaux la blâment pour la disparition des eaux de surface et le changement climatique que subit la péninsule de la Guajira. «Cerrejón est une opportunité», a déclaré Ivan Glasenberg à l’agence Bloomberg début mars, rapporte le quotidien colombien El Tiempo. «Si nous pouvons l’obtenir à bon prix, nous ne voudrions pas la laisser passer.» Cerrejón exporte environ 35 millions de tonnes de charbon par année depuis 2013 et prévoit de doubler cette quantité. Son chiffre d’affaire est estimé à près de 2,5 milliards de dollars par année (CK)

 

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