Commerce international et développement durable

Les négociations de Doha ont échoué.
Comme le disait Pascal Lamy lors du dernier forum public de l’OMC en septembre, l’OMC est comme une voiture accidentée sur le bord de la route. On attend l’ambulance mais on ne sait pas si celle-ci aura à son bord les médecins et les matériels nécessaires pour sauver les blessés. Et les voitures qui passent font comme d’habitude : elles ralentissent pour voir l’accident, mais ne s’arrêtent pas pour aider.
 
On sait un peu que les négociations ont échoué parce que les pays riches n’ont pas voulu abandonner certaines de leurs subventions nationales, privilèges pour préserver les maillons faibles de leurs économies, et permettre ainsi le développement des pays pauvres.
Ce qu’on ne sait pas, c’est comment débloquer la situation. Le protectionnisme ambiant, la peur de la globalisation, les menaces intérieures aggravent la frilosité, pour le plus grand malheur des pays pauvres.
Il est à peu près admis que si le commerce international des pays pauvres pouvait augmenter d’un tout petit pourcentage, cela augmenterait d’un gros pourcentage leur taux de croissance, donc leur capacité à se développer et se doter des moyens de lutter contre la pauvreté. Et il est aussi relativement clair que, dans les pays pauvres, c’est en diminuant la pauvreté qu’on pourra espérer lutter contre d’autres problèmes comme les épidémies, le manque de nourriture ou l’insécurité.
 
« Aujourd’hui, il n’y a que des perdants » a déclaré Pascal Lamy.
Le commerce international doit être régulé. C’est ce que le forum de discussion qu’est l’OMC essaye de faire. Il ne veut ni le libre-échange sans limites, ni le protectionnisme frileux.
 
Alors, que peut-on suggérer à l’OMC pour que les négociations puissent reprendre ?
 
D’abord associer davantage les entreprises, celles qui pensent qu’elles ont intérêt au maintien des législations nationales protectrices. Beaucoup des entreprises et particuliers des pays industrialisés qui bénéficient des subventions nationales ne se rendent pas compte que ce ne sont que des avantages à court terme. Il vaut mieux s’adapter en douceur que refuser l’obstacle. A long terme, il vaut mieux tabler sur l’avantage comparatif et se concentrer sur ce que l’on fait mieux que les autres.
 
Ensuite, je pense qu’il faut trouver un thème qui s’imposera comme  paramètre incontournable dans les négociations. Le thème du développement durable, développé depuis 1987 lorsqu’il a été repris par le rapport Bruntland (« Notre avenir à tous ») pour la conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (le Sommet de la Terre de Rio en 1992)  pourrait fournir un tel « intérêt supérieur » aux enjeux individuels de nations ou de groupes spécifiques. En particulier, les 8 Objectifs du Millénaire développés par la Déclaration du Millénaire approuvée par tous les états représentés aux Nations Unies en 2000, fournissent le cadre idéal pour évaluer les mesures de régulation du commerce international. Par exemple, si une subvention a un effet contraire à l’objectif de réduction de l’extrême pauvreté, il faut que le pays qui en bénéficie soit contraint à y renoncer.
 
Il faut beaucoup d’idéalisme pour proposer un tel « intérêt supérieur », mais il faut aussi se rendre compte que nous avons tous intérêt à réduire la grande pauvreté dans le monde, à élever le niveau d’éducation et de formation professionnelle, ou à lutter contre les épidémies. Pour les entreprises, cela créé de nouveaux marchés, pour les citoyens et les Etats, cela augmente les chances de paix et de stabilisation des pays insécurisés.
 
 
Pour continuer à réfléchir :
 
• Information sur le cycle de Doha et les négociations :
P. Lamy : « Aujourd’hui, il n’y a que des perdants » Suspension des négociations, juillet 2006
Forum Public OMC 25/26 septembre 2006
 
• Geenpeace estime qu’il faut comprendre l’échec de Doha comme une opportunité pour construire un système de commerce international fondé sur l’équité et la durabilité, et utiliser les mêmes règles que celles qui ont été utilisées pour les grandes conventions sur l’environnement.
Lien – Greenpeace: Doha is dead.
 
 
Marie Valentine Florin
mv@florin.ch
 

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