Deutsche Bank: enquête de l’autorité anti-blanchiment en raison de transactions douteuses avec la mafia du bois tropical

L’autorité allemande en matière de surveillance des marchés financiers enquête sur les relations d’affaires entretenues par la Deutsche Bank avec la famille du dirigeant malais Abdul Taib Mahmud («Taib»)
 
(BERLIN/BÂLE) La Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin) – l’autorité allemande en matière de surveillance des marchés financiers – dans sa fonction de «surveillance des instituts de crédit en matière de blanchiment d’argent», a ouvert une enquête à l’encontre de la Deutsche Bank en raison des relations d’affaires que celle-ci entretient avec la famille malaise Taib. C’est ce qu’a confirmé le Ministère allemand des finances au Bruno Manser Fonds à la demande de celui-ci.
 
Dans un courriel adressé au Bruno Manser Fonds, le Ministère allemand des finances a fait savoir qu’il avait «prié la BaFin de clarifier et de vérifier à l’aune du blanchiment d’argent les faits exposés dans son courrier adressé à la Chancelière fédérale, pour autant que cela concerne un certain institut financier et, pour autant que l’autorité en question le juge nécessaire, de mettre en œuvre des mesures de surveillance légales.» La Bafin aurait «déjà débuté la clarification des faits.»
 
Le Bruno Manser Fonds se dit satisfait de l’ouverture de cette enquête et demande en outre au gouvernement allemand de geler d’éventuels avoirs de Taib en Allemagne. Il requiert de la Deutsche Bank une totale transparence en regard de ses affaires avec la famille Taib et une cessation des relations d’affaires avec le dirigeant, dont la réputation internationale est au plus bas.
 
Dans une missive remise à la Chancelière allemande Angela Merkel, le Bruno Manser Fonds, l’association allemande Rettet den Regenwald et la Société pour les peuples menacés avaient pointé le doigt sur les relations étroites entretenues par la Deutsche Bank avec le dirigeant malais Abdul Taib Mahmud («Taib») et exigé que les éventuels fonds déposés par celui-ci en Allemagne soient bloqués.
 
Joints Ventures de la Deutsche Bank avec la famille Taib
 
Depuis 2004, la Deutsche Bank a exécuté des transactions à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros pour le compte du gouvernement du Sarawak. Elle entretient par ailleurs en Malaisie une Joint Venture avec l’entreprise Cahya Mata Sarawak (CMS), laquelle est contrôlée par la famille Taib.
 
CMS et la Deutsche Bank sont les principaux actionnaires de la société financière domiciliée à Kuala Lumpur K & N Kenanga Holdings avec sa filiale Kenanga Deutsche Futures, un courtier accrédité à la bourse malaise. Le conglomérat bancaire CMS vit principalement de mandats de construction que le gouvernement de Taib octroie sans procéder à des mises au concours publiques. CMS a ainsi largement profité de la construction du barrage controversé Bakun et a obtenu un contrat de dix ans pour l’entretien de l’intégralité du réseau routier du plus grand État malais qu’est le Sarawak.
 
 
Capitaux présumés en milliards
 
Avec cette annonce du gouvernement allemand, c’est la troisième fois que le dirigeant malais en place depuis 1981 fait l’objet d’une enquête officielle en l’espace de questions mois seulement. Par ailleurs, en mai 2011, à la demande de la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) avait annoncé avoir ouvert une enquête sur d’éventuels avoirs de Taib en Suisse. Enfin, début juin, l’autorité malaise anti-corruption MACC faisait savoir pour sa part qu’une procédure était ouverte contre Taib pour corruption. Selon les observateurs, Taib aurait amassé une fortune estimée à plusieurs milliards de dollars US en trois décennies de pouvoir, usant d’abus de pouvoir et de corruption.
 
Depuis 1981, Abdul Taib Mahmud cumule les casquettes de chef du gouvernement, ministre des finances et ministre des ressources naturelles du Sawarak. Il est considéré comme étant le principal responsable de la destruction à grande échelle des forêts tropicales humides du Sawarak, sur l’île de Bornéo. Il y a peu, l’ancien Premier ministre Gordon Brown qualifiait la destruction des forêts pluviales du Sarawak de «probablement le plus grand crime environnemental de notre époque».
 
 
Taib en cause? Pourquoi la Deutsche Bank a résilié le compte du Bruno Manser Fonds
 
L’association Bruno Manser Fonds, créée en 1991 par le défenseur suisse des forêts pluviales Bruno Manser, s’engage depuis ses débuts contre le défrichage des forêts tropicales humides du Sarawak et la corruption du gouvernement de Taib. Un vol de parapente de Bruno Manser au-dessus de la résidence du chef du gouvernement du Sarawak Abdul Taib Mahmud, à Kuching, avait beaucoup fait parler de lui en 1999.
 
Fin 2004, la Deutsche Bank résiliait un compte de longue date du Bruno Manser Fonds à sa filiale de Lörrach, mettant ainsi un terme aux relations d’affaires avec l’association suisse, en se référant à ses conditions générales. Malgré une intervention auprès de Joe Ackermann, chef de la Deutsche Bank, celle-ci campait sur sa position. Le porte-parole Private Banking de la Deutsche Bank avait alors fait savoir au Bruno Manser Fonds: «Il y a une raison derrière cette décision. Mais personne ne vous la communiquera». Pour le Bruno Manser Fonds, la dissolution du compte était très probablement en lien avec les étroites relations d’affaires entretenues par la Deutsche Bank avec la famille Taib.
 
 
Pour de plus amples renseignements:
 
Bruno Manser Fonds, Socinstrasse 37, CH-4051 Bâle
www.bmf.ch, www.stop-timber-corruption.org, tél. +41 61 261 94 74
 
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