Dona Gloria : « Je n’ai jamais su écrire, mais tout ce que j’ai appris, je l’ai toujours retransmis à mes proches. »

 
Dona Gloria est une femme d’une cinquantaine d’années, relativement réservée, qui dégage une belle sérénité, elle fait partie des aînées respectées de la coordination de l’UNIÃO. Elle a choisit de nous raconter sa vie dans la chapelle de sa paroisse, lieu de refuge et de recueillement pour elle, dans le quartier du Alto do Cabrito,.

Dona Gloria est née à l’intérieur des terres de l’Etat de la Bahia. Sa mère a eu 8 enfants avec son père. A ses six mois, ses parents se sont séparés. Sa mère a du de ce fait assumer sa famille seule. Heureusement, elle était une femme de caractère et a obtenu une petite maison dans une grande propriété (« fazenda ») de la campagne en contrepartie de services tels que labourer les champs et planter du tabac. Elle produisait aussi de la farine de manioc. Dona Gloria a vécu quelques années de son enfance dans cette fazenda, puis, sa sœur s’en est allée à Santo Antonio de Jesus où elle travaillait dans le café et le tabac pour gagner sa vie. Dona Gloria l’a suivi et l’a aidé tant bien que mal.
La  ville comme seule alternative pour s’en sortir
Plus tard, elle s’est ensuite rendue au Alto do Cabrito à Salvador de Bahia, petit quartier populaire de la ville où elle travaillait dans des maisons familiales et accomplissait des tâches domestiques. Une famille d’amis lui avait trouvé un lopin de terre pour y vivre paisiblement. C’est là qu’elle a rencontré son futur mari, elle s’est ensuite mariée. Son mariage s’est malheureusement mal terminé à la suite de violences conjugales et des problèmes d’alcoolisme de son mari. Ce fut des instants de grandes souffrances car il en perdait la raison et la mémoire. Malgré tout, Dona Gloria a continué sa lutte quotidienne ayant ses enfants et a fait en sorte que son mari soit hospitalisé pour être soigné. Il a ensuite réussi à récupérer. Ayant dépassé cette épreuve, ils vivaient à nouveau ensemble, même si le mari ne partageait plus la chambre de sa femme.
Toujours pour gagner sa vie, Dona Gloria s’est transformée en vendeuse de rue ; elle se rendait au collège pour y vendre des cafés. Puis, son affaire a pris un certain essor et quelques uns de ses enfants travaillaient pour elle.
La place de l’église dans leur vie
Autre point central de leurs vies, chaque dimanche était consacré à la messe tandis que la samedi était dédié au catéchisme. C’est ainsi qu’elle a élevé ses enfants, « grâce à l’aide de Dieu et à sa bénédiction », sourit-elle. Aujourd’hui deux de ses enfants ont suivi des études universitaires. L’un est devenu sociologue et travaille en tant que « assessor de rua » (éducateur-conseiller hors mur) et l’autre a commencé des études d’informatiques, puis de comptabilités. Ce dernier aide la coopérative de Dona Gloria en tant que comptable bénévole. Les autres aussi ont trouvé une place respectable dans la société, notamment au sein de la communauté chrétienne ; ils aident volontiers le prêtre en jouant de la musique et en animant la messe.
 Dona Gloria est de celle qui recherche toujours le moyen de se former, de participer à des séminaires, coûte que coûte. Ses proches amies ont déjà ressenti la nécessité de travailler ensemble. Par quatre fois, elles ont tenté de rassembler leurs efforts. A travers l’UNIÃO, elles se sont rendues à Aracaju en compagnie d’habitants du quartier pour visiter un terrain occupé (« assentamento »). Ils ont participé à un séminaire. Puis ils se sont encore rendus grâce à l’UNIÃO à Rio de Janeiro pour rencontrer les autres mouvements populaires. La communauté de Dona Gloria rêvait déjà de créer une coopérative. Lorsqu’elle est revenue de cette visite remplie d’espérance, elle a appelé ses compagnes pour leur proposer de se lancer dans cette nouvelle aventure.
 
Création de la coopérative
« Tout le monde réussit à créer son travail à travers des coopératives. Pourquoi pas nous ? », a-t-elle soutenu. Le prêtre de la communauté qui les suivait les a donc accueilli et leur a prêté un local pour travailler. Elles ont ensuite réussi à trouver de nouvelles couturières et se sont réunies pendant plus d’une année pour concevoir leur projet. Dona Gloria a ensuite apporté ses deux machines à coudre dans le local. Ces femmes n’ont eu de cesse de demander de l’aide à gauche et à droite. Au fur et à mesure qu’elles honoraient leur carnet de commandes, elles construisaient leur petite entreprise.
 
En 2002, il y a plus de quatre ans, Dona Gloria a connu l’UNIÃO grâce au cabinet de Zézeu (actuel Député fédéral du PT). A travers son travail dans la communauté et son implication au niveau de l’église, Marli, coordinatrice de l’UNIÃO, l’a introduite dans le milieu. Sa communauté a petit à petit été invitée à participer aux activités de ce mouvement naissant. Il y a avait aussi Francylene qui s’occupait d’un groupe de femmes. Ainsi, Dona Gloria a commencé à prendre part aux activités de l’UNIÃO por Moradia Popular.
 
Elle n’avait toutefois pas les moyens de participer à toutes les réunions dans la mesure où elle se devait de maintenir financièrement sa famille. Aujourd’hui, elle ne gagne pratiquement rien avec la coopérative de femmes à laquelle elle participe. « Tous les jours, nous investissons le peu que nous gagnons dans du matériel neuf », exprime-t-elle remplie d’espoir. Les femmes de la coopérative produisant des habits, des sacs à main et des tuniques d’école sont souvent livrées à elles-mêmes et n’obtiennent que très peu d’aide extérieure. Seule l’UNIÃO les a aidé à enregistrer leur coopérative auprès des instances publiques. Pour pouvoir avancer dans leur projet, elles doivent impérativement être conformes à la loi et être reconnues auprès des instances juridiques.
 Jusqu’à présent, elles ont obtenu l’appui de personnes vivant sur Pirajá. Elles les accompagnent dans la collecte de toutes les paperasseries qu’elles doivent réunir pour remplir toutes les conditions de l’Etat.
 
C’est à travers le cabinet de Zézeu (N.d.l.r. : Député fédéral du PT), très proche de l’UNIÃO por Moradia Popular Bahia, qu’elles ont finalement développé ce projet. « J’ai toujours été quelqu’un de bénévole dans mon quartier. Quelqu’un de très impliquée dans la vie associative. C’est grâce à ma participation à des réunions que j’ai pris connaissance de ces personnes et de la possibilité d’être aidée », se rappelle-t-elle. L’UMP-BA a donc accompagné le travail de ces femmes. Dans cette optique, il a été question de leur montrer comment monter leur projet, définir des objectifs clairs à leur démarche. Il s’agissait de noter noir sur blanc ce qu’elle désirait.

 Institutionnalisation de la coopérative
 
L’OCEB (Sindicato e organização das cooperativas do Estado da Bahia / syndicat e organisation des coopératives de l’Etat de la Bahia) a pris le relais pour faire avancer ce projet et a dès lors réellement orienté ces femmes dans ces démarches dont elles ne connaissaient peu ou pratiquement rien. Grâce à Monsieur Valdo, elles ont pu écrire toute la documentation nécessaire et rédiger les statuts de la coopérative. Aujourd’hui elles tentent encore d’obtenir de l’aide après plus de 3 ans de travail en commun (Le 17 mai 2004 correspond à la date de fondation de la coopérative).
« Notre rêve commun est de répondre aux besoins d’argent de quartiers défavorisés comme le nôtre. C’est pour cela que nous nous battons chaque jour », exprime-t-elle. Dona Gloria fait partie d’une paroisse de quartier dans laquelle s’intègre de nombreux projets : crèche, écoles, etc. Elle espère un jour que le travail fait aujourd’hui sera considéré demain comme une conquête de plus pour les mouvements de base, ici, liés à l’église catholique.
 
 
La bouffée d’air

« Lorsque ma mère est morte, j’ai commencé à faire du diabète, de façon psychosomatique. Je souffrais beaucoup. J’ai trouvé dans cette paroisse une épaule sur laquelle je pouvais me reposer et être réconfortée. Les personnes de cette église m’ont toujours prêté main forte » aime-t-elle à répéter. Le mari de Dona Gloria avait à ce moment des problèmes d’alcool. Par moment, elle a cru que son diabète était une maladie maligne et qu’elle vivait ses dernières heures. Le fait d’avoir voyagé pour diagnostiquer son mal et d’avoir, comme elle le dit, pris la main de Dieu, lui a permis de remonter la pente, de supporter une vie contraignante et de nombreuses difficultés.
 
Les femmes de la coopérative évoquent volontiers leur travail en commun comme une thérapie, un échange d’amitiés ineffables, une aide réciproque – un moyen d’échapper à une certaine morosité. Au-delà de l’apprentissage où chacune montre aux autres ce qu’elle sait faire, ces femmes partagent leurs expériences de vie.
 
Deux familles pour lutter dans la vie
 
Dona Gloria souligne enfin qu’elle bénéficie de deux familles : l’une de sang, l’autre liée à l’église. Elle ne cesse de remercier Dieu pour toute sa bonté et tout ce qu’il a bien voulu lui donner, ainsi qu’à toute sa famille. Elle se sent fière de ses enfants qui ont su surpasser les problèmes avec leur père et trouver la force et l’amour pour suivre leurs études. Elle finit enfin par dire que cela n’enlève en rien la souffrance des personnes avoisinantes qui devraient bénéficier de conditions d’habitat digne. « C’est ainsi – notre vie est une perpétuelle lutte », conclut-elle.
 
Propos recueillis par Claire Rinaldi et Olivier Grobet

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