El Salvador:Les défis pour le nouveau gouvernement du FMLN

Il sera le 11e président depuis le commencement des années 1970, lorsqu’éclata à El Salvador une guerre civile qui dura plus de 20 ans et dont le FMLN fut l’un des principaux protagonistes.
 
La signature des accords de paix en 1992 par le gouvernement et le FMLN à Chapultepec (Mexique), la fin de la guerre et la reconversion de la guérilla en parti politique donnèrent une impulsion décisive à la paix et à la démocratie dans toute la région centroaméricaine.
 
Un vote majoritaire avec un contenu idéologique clair
 
L’élection d’un ancien commandant guérillero à la présidence de la République constitue l’un des faits essentiels de ces élections, souligne le sociologue genevois Gérald Fioretta. « C’est l’expression d’un vote avec un grand contenu idéologique. Plus de la moitié des citoyens ont opté directement pour le FMLN ». Actif militant de l’Association de solidarité Nicaragua-El Salvador (Genève),  Fioretta avait participé en février 2014 à une mission suisse d’observation électorale et, à maintes reprises, il a visité ce pays d’Amérique centrale.
 
La victoire du FMLN – avec une différence d’à peine 0,22 % par rapport à ARENA [ndr: parti de la droite salvadorienne, fondé au début des années 1980] – « peut avoir une répercussion politique sur le futur gouvernement qui devra appliquer son programme en consensus avec l’opposition », explique Gérald Fioretta.
 
Celui-ci ne cache pas l’importance de tout le débat sur les contenus et les visions du pays qui s’est développé durant cette dernière année. « On peut affirmer que la campagne électorale du FMLN et les élections elles-mêmes ont constitué, comme le signalent des journalistes et des commentateurs de cette région, une gigantesque école de pédagogie, si l’on tient compte de l’intense participation sociale », souligne Fioretta. Voir le futur du nouveau gouvernement implique aussi « de reconnaître le pas en avant que signifient la campagne du FMLN et les deux tours des élections dans le renforcement de la démocratie vénézuélienne. L’Organisation des Etats américains (OEA) et de nombreuses missions d’observation électorale ont reconnu la transparence du processus ».
 
Bien que serré, le résultat – ajoute Romeo Rey, qui fut durant 25 ans  correspondant pour l’Amérique latine du journal suisse Tages Anzeiger – « représente un certificat de grande maturité politique pour la majorité de l’électorat salvadorien. Durant 5 ans, le FMLN a accompagné un président qui était son allié [ndr: Mauricio Funes], dont l’indépendance politique fut évidente. Maintenant, les électeurs ont opté pour un candidat qui incarne l’histoire du parti».
 
Pour Romeo Rey, par-delà la signification politique de ces élections, il faut commencer immédiatement à penser à la gestion, à exercer le gouvernement et à appliquer le programme électoral. Les grands défis à relever résident particulièrement en matière de plan économique et de sécurité citoyenne, des thèmes qui continuent à toucher la population et qui constituent sa principale préoccupation quotidienne.
 
Gouverner
 
Bien que le mandat de Mauricio Funes ait été marqué par « la claire orientation sociale qui le différenciait des gouvernements antérieurs », le défi principal dès le 1er juin, « ce sont les réformes structurelles les plus urgentes qu’exige la réalité salvadorienne pour approfondir la justice sociale », souligne Rey.
 
Fondamentalement, sur le terrain économique, « où jusqu’ici des concessions ont été faites aux secteurs les plus puissants du pays et à de nombreuses entreprises transnationales », argumente l’auteur de trois ouvrages de références pour interpréter l’actuelle dynamique latino-américaine, « La Riqueza Depredada », « Bajo el signo del Che » et « Solidarity ».
 
La création d’emplois et la réduction du coût de la vie, explique Romeo Rey, constituent les deux premiers axes (sur 10) du programme gouvernemental du FMLN, « El Salvador adelante ». Ses trois objectifs principaux sont: renforcer la politique sociale (spécialement la santé et l’éducation) ; consolider l’Etat et la participation citoyenne ; et accélérer l’intégration régionale dans la perspective de création d’une Union centroaméricaine.
 
Comme le reconnaît le FMLN, les problèmes du chômage, de l’injustice et de la vulnérabilité de larges secteurs sociaux continuent d’être la préoccupation essentielle de la population, qui attend des solutions. Pour apporter de véritables réponses à ces demandes, il sera nécessaire d’élever les taux de la croissance et d’améliorer la qualité de celle-ci.
 
Le programme du FMLN, ajoute Gérald Fioretta, préconise l’augmentation de la production industrielle et agricole, le développement du tourisme et la baisse du coût de l’énergie. La promotion des  exportations et d’une économie populaire et solidaire comme base pour créer de nouveaux emplois.
 
Beaucoup de ces mesures exigent, néanmoins, de mobiliser l’ensemble de la nation. Le résultat serré du second tour donne à penser, suggère Gérald Fioretta, que le FMLN devra faire des concessions pour obtenir des consensus basiques en matière de gouvernance, notamment parce qu’il ne dispose pas d’une majorité parlementaire.
 
Raison pour laquelle « les prochaines élections législatives et municipales en mars 2015 seront le défi principal pour toutes les forces politiques. Les partis d’opposition voudront éviter de perdre leur actuelle majorité et le Front Farabundo Marti tentera de conquérir cette majorité, ce qui lui faciliterait dès 2015 la mise en œuvre de réformes plus profondes ».
 
Le contexte latino-américain
 
Les possibilités d’avances à El Salvador en particulier et en Amérique centrale, plus généralement, « doivent être analysées dans le cadre du vécu actuel de tout le continent latino-américain », estime Romeo Rey.
 
Ces dernières années, la conjoncture économique internationale fut favorable, « vu les prix tendanciellement favorables des matières premières. Néanmoins, cette conjoncture ne va pas durer éternellement ».
 
Raison pour laquelle El Salvador devra mettre en œuvre des réformes plus fondamentales. Economiquement, cela impliquerait de « contrôler le budget, d’augmenter les impôts pour les secteurs les plus favorisés et une politique de dépenses prudentes. Le nouveau gouvernement pourrait donc être confronté à un dilemme central: avancer avec des mesures économiques fondamentales dans un pays électoralement polarisé.
 
D’autre part, le 50,11 % de la population ayant voté pour le FMLN réussira-t-il à comprendre une politique gouvernementale des petits pas et sans tournants radicaux malgré la grande dette sociale qui pèse sur le pays ? « Les électeurs du FMLN vont comprendre qu’on ne peut obtenir toutes les améliorations attendues d’un seul coup. Mais ils attendent des réponses immédiates sur l’emploi, le coût de la vie et, en plus, le contrôle de l’insécurité citoyenne », affirme Romeo Rey. Et de conclure: « De plus, il est important d’être clair sur une gestion exemplaire. Sans une lutte conséquente et sans trêve contre la corruption, il ne sera pas possible d’arriver à bon port. C’est ce que nous enseignent quelques-uns des actuels processus progressistes en Amérique latine ».
 
*Sergio Ferrari
Traduction Hans-Peter Renk
Service de presse E-CHANGER en collaboration avec le journal Le Courrier
 
 
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DE LA GUERRILLA À LA PRÉSIDENCE 
 
Salvador Sánchez Cerén est né le 18 juin 1944 à Quetzaltepeque, à 20 km au nord de la capitale, San Salvador, dans une famille modeste. Neuvième des douze enfants d’un menuisier et d’une vendeuse au marché de la ville, il se destine à l’enseignement, qui restera sa vocation tout au long de sa vie. Instituteur à 19 ans, il s’engage dans le syndicalisme et rejoint en 1972 les Forces populaires de libération (FPL), une organisation issue d’une scission du Parti communiste qui lutte contre les gouvernements putschistes se succédant dans la  petite république centraméricaine. En 1980, il participe à la fondation du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN), regroupant cinq organisations rebelles, qui lancent une offensive armée contre le gouvernement.
(…) Elu secrétaire général des FPL en 1983, il est l’un des commandants du FMLN désignés pour négocier les accords de paix qui mettent fin à la guerre civile, en janvier 1992. (…) Elu député en 2000, il conserve son siège jusqu’au 1er juin  2009. Il devient alors vice-président de la République grâce à la victoire d’un journaliste populaire, Mauricio Funes, que le FMLN a choisi comme candidat à la présidence. Chargé du ministère de l’éducation, il lance un programme de distribution d’uniformes, de chaussures et de matériel aux écoliers. Ce programme lui vaut une grande popularité dans les familles modestes, pour qui la rentrée est un casse-tête financier » (Sergio Ferrari/ Hans Peter Renk, extraits de: Jean-Michel Caroit, « De la guérilla à la présidence du Salvador », Le Monde, 15 mars 2014)
 
 
 
 

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