Forum Social Mondial 2016 « De l’autre monde possible… à l’autre monde nécessaire »

Interview de Carminda Mac Lorin, du collectif d’organisation

 Du 9 au 14 août à Montréal

  • Plus de 1500 activités prévues
  • Écologie, migration, jeunesse, peuples autochtones, parmi les thèmes principaux

Par Sergio Ferrari*

À moins de deux mois de son ouverture, le Forum Social Mondial 2016 est déjà une réalité. Pour la première fois depuis sa naissance en 2001, à Porto Alegre (Brésil), le Forum se tient dans un pays du Nord. Il y a 3 ans, en 2013, un groupe d’organisations sociales a proposé le Canada comme siège de cette édition. En mars 2015, à Tunis, le Conseil international a confirmé que Montréal accueillerait le FSM. Depuis lors, des centaines de personnes, surtout des jeunes militants engagés dans des associations ou des organisations sociales, travaillent à sa préparation. « Ils voient le Forum comme un processus en marche. Ils ont adopté un fonctionnement horizontal et ont veillé à une participation équitable. Ils se sont montrés autocritiques dans la gestion, respectueux des différences, soucieux d’éviter les confrontations personnelles. En un mot, ils ont mis en œuvre les valeurs de l’autre monde possible », explique Carminda Mac Lorin, l’un des piliers du Collectif d’organisation du FSM 2016.

« Notre enthousiasme ne faiblit pas, mais il y a encore beaucoup à faire et les poussées d’adrénaline se multiplient au fur et à mesure que l’on s’approche de l’échéance », reconnaît Carminda Mac Lorin.

Ces derniers mois, le Collectif a participé à diverses rencontres, entre autres à la COP 21 alternative, à Paris, en novembre-décembre 2015, au Forum social mondial thématique de Porto Alegre, en janvier 2016, et au 1er Forum social mondial thématique contre le nucléaire civil et militaire, qui s’est tenu à Tokyo et Fukushima en mars dernier. Il s’est également rendu dans plusieurs pays, notamment en Inde, à Taiwan, au Brésil et aux états-Unis, pour promouvoir la convocation de Montréal. « Nous avons reçu partout un grand soutien, partout nous avons observé un grand enthousiasme. Beaucoup de gens ont promis de venir au Canada en août », explique C. Mac Lorin, qui souligne que l’effort déployé en direction de l’Asie a pour but de susciter un rapprochement des pays de ce continent, jusque-là restés un peu éloignés de la dynamique du FSM.

Par ailleurs, les promoteurs du Forum social antinucléaire ont décidé de tenir leurs secondes rencontres à Montréal dans le cadre du FSM 2016. Mac Lorin voit là un signe très positif. « C’est une manière très concrète de renforcer les synergies et d’éviter la dispersion ».

Résoudre les aspects pratiques

« Certains représentants, notamment ceux des pays du Sud, rencontrent des difficultés pour obtenir un visa, et nous n’avons pu résoudre ce problème de manière structurelle. Nous n’avons pas obtenu les facilités qui avaient été accordées aux participants des Jeux Panaméricains en 2015. Mais nous avons constitué un groupe de travail qui fait tout son possible pour aider les personnes concernées, notamment en leur délivrant des invitations officielles. L’accompagnement et le soutien dans les démarches migratoires n’est pas un travail facile. Beaucoup de gens demandent un visa non pas tant pour participer au Forum que pour s’installer dans le pays. »

Au plan financier, le paiement anticipé d’une bonne quantité des inscriptions permet de disposer d’un budget. Cela soulage les organisateurs qui visent la plus grande autonomie possible du point de vue des ressources. « Nous avons soumis divers projets à plusieurs institutions, dont nous aurons la réponse à court terme. Parallèlement, nous poursuivons nos contacts au plus haut niveau avec les autorités politiques, qui voient d’un bon œil la tenue du FSM à Montréal. Nous avons même demandé un rendez-vous au Premier ministre ».

Quant à la couverture médiatique locale et internationale, Mac Lorin signale que le Forum commence à éveiller un certain intérêt. « Cet intérêt ira en augmentant au fur et à mesure que la date de l’ouverture approchera, ce qui est normal puisque les médias travaillent sur l’immédiat ; pour le moment, le Forum est encore lointain pour eux ».

Les contenus sont définis

Les treize axes thématiques qui seront abordés au cours des 1500 activités prévues (https://fsm2016.org/sinformer/axes-thematiques-2016/), sont le fruit d’un travail de réflexion mené au plan local et d’une large consultation internationale, au cours de trois séminaires élargis « in situ », et par Internet. Le processus a duré six mois, d’octobre 2015 à mars 2016.

Selon Mac Lorin, certains thèmes apparaissent déjà comme particulièrement essentiels pour les rencontres du Canada. C’est ainsi qu’au moment où des murs de toutes sortes s’élèvent sur notre planète, « les migrations, c’est-à-dire les conditions des déplacements humains, seront un point central ».

L’écologie, au sens large, occupera également une place de choix, ce qui assure la continuité des efforts entrepris pour développer des synergies avec les promoteurs de la COP 21 alternative de Paris.

L’expérience et la réalité des peuples autochtones constitueront aussi un thème important, et le Forum reflètera la diversité des apports de nombreuses communautés, leur vision du monde et leur conception du bien-vivre. « Il est prévu que les peuples autochtones soient en tête de la marche d’ouverture, le 9 août », signale C. Mac Lorin. Déjà, en avril dernier, la Journée mondiale de la Terre a été l’occasion d’une première activité symbolique d’accueil du FSM, promue par les nations autochtones et à laquelle participaient des réfugiés syriens.

La diversité des genres et le rôle de la jeunesse seront des axes transversaux dans toutes les activités. « Ce Forum fera connaître l’expérience des luttes menées ces dernières années au Québec et dans notre pays, une expérience différente qui a été un grand succès ».

Quant à la participation attendue, l’équipe chargée de l’organisation prévoit qu’elle sera très importante. « Nous avons la capacité de mobiliser, c’est un acquis des luttes sociales que nous avons menées au Canada depuis 2012, lors de notre propre printemps. Le Québec est un fief de la résistance au néolibéralisme », explique C. Mac Lorin, qui précise que huit mille personnes se sont déjà inscrites.

Pour les organisateurs, nombreux sont ceux qui, conscients des grands problèmes de la planète, veulent participer à la recherche de solutions différentes. « Nous n’avons pas de boule de cristal pour deviner le nombre de participants, mais nous sommes convaincus que nous pouvons mobiliser entre 50’000 et 80’000 personnes et quelque 5’000 organisations ». Le programme du Forum prévoit 1’200 activités autogérées, 300 activités culturelles, 135 assemblées de convergence, divers espaces, parmi lesquels un espace syndical, et une quinzaine de grandes conférences où s’exprimeront des personnalités de dimension internationale. Ces différentes activités se tiendront sur les campus de l’UQAM et de l’Université McGill ainsi que sur la Place des Festivals.

Un autre monde nécessaire

« Nous voulons rappeler, à Montréal, que le modèle des relations Nord-Sud est en train de changer dans le système mondialisé actuel. Il y a du Nord dans le Sud, il y a du Sud dans le Nord. Le système néolibéral est transversal et produit des effets nocifs autant dans le Nord que dans le Sud », estime Mac Lorin, qui est elle-même un témoignage vivant des mutations en cours : de mère salvadorienne et de père français, elle vit au Canada et parle plusieurs langues. Un cosmopolitisme qui est un atout pour ses activités de militante.

Pour elle, il est plus que jamais essentiel de partager les expériences de résistance menées partout dans le monde, quel que soit l’hémisphère. De cette manière, « les mouvements sociaux, la citoyenneté planétaire sortiront plus forts dans leurs confluences, leurs synergies, leurs actions et leurs utopies. La nouvelle réalité politique mondiale et le renforcement du système hégémonique nous poussent à changer nos propres modèles. De notre slogan Un autre monde possible, nous devons avancer vers Un autre monde nécessaire et, ensemble, nous pouvons le construire ».

 *Sergio Ferrari, collaboration de presse d’UNITE, Association suisse pour l’échange de personnes dans la coopération. Publié au journal Le Courrier

Traduction Michèle Faure

Distribué par E-CHANGER, ONG de coopération solidaire, active dans le FSM

 

https://fsm2016.org/

 

www.unite-ch.org

 

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Le FSM présenté par les organisateurs

« Le Forum Social Mondial (FSM) est le plus grand rassemblement de la société civile visant à trouver des solutions aux problèmes de notre temps, en construisant des alternatives concrètes au modèle économique néolibéral et aux politiques fondées sur l’exploitation des êtres humains et de la nature.

Le FSM est un lieu de convergence des mouvements sociaux, de libre expression, d’échange citoyen, de manifestation artistique, de revendication et d’inspiration. Il suscite des engagements concrets et provoque l’élaboration de stratégies d’action en réseau. Sa vocation : construire ensemble, et dans un élan de solidarité internationale, un monde meilleur fondé sur la justice sociale et environnementale, l’économie sociale et solidaire, la démocratie participative et la reconnaissance de l’égale dignité de toutes et tous.

Le FSM 2016 marquera l’histoire comme étant le premier à se tenir dans un pays « du Nord ». Face à la crise globale qui affecte l’humanité tout entière, il est crucial de dépasser certains clivages qui persistent toujours et d’inviter les mouvements et acteurs de solutions de tous les continents à agir ensemble ». (SFi)

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