Iran: la répression s’intensifie contre la presse, nationale et étrangère

Reporters sans frontières condamne fermement l’intensification de la répression envers les journalistes iraniens et étrangers indépendants qui veulent relayer la voix de la rue, et faire connaître au monde la situation à Téhéran et dans les autres provinces d’Iran.
Cinq jours après les résultats de l’élection présidentielle, dix ont été arrêtés.
« Les arrestations se multiplient. Nous sommes sans nouvelles de nombreux journalistes. La pression sur les journalistes étrangers dépasse toute mesure. Les autorités ont la claire intention de chasser ces témoins indésirables. Le régime espère-t-il vraiment dissimuler au monde un événement de cette ampleur ? », a déclaré l’organisation.
Depuis le 15 juin, une dizaine d’activistes d’opposition ainsi que des personnalités politiques et de la société civile ont été arrêtés dans les grandes villes du pays : Téhéran, Tabriz, Ispahan, et Chiraz. Reporters sans frontières a été informée de nombreux cas de mauvais traitements sur les personnes arrêtées et détenues.
 
Mohamad Atryanfar, directeur de plusieurs publications comme Hamshary, Shargh, Shahrvand Emrouz, est détenu depuis le 15 juin. Il aurait été transféré à la section de sécurité de la prison d’Evin.
 
Bien qu’il soit handicapé, Saïd Hajarian, ancien directeur du journal Sobh-e-Emrouz, a été arrêté par les forces de l’ordre dans la nuit du 15 au 16 juin à son domicile de Téhéran. Quotidien réformateur fondé en juin 1997, au lendemain de l’élection de Mohammad Khatami, Sobh-e-Emrouz s’est notamment illustré par ses révélations sur l’implication de certains cercles du pouvoir dans la série de crimes contre des journalistes et intellectuels à la fin de 1998. En mars 2000, Saïd Hajarian, considéré comme l’un des théoriciens des réformateurs iraniens, avait été victime d’une tentative d’assassinat à Téhéran.
Mohammad Ali Abtahi, surnommé “Mollah blogueur“, a subi le même sort dans la matinée du 16 juin, à son domicile de Téhéran. Cet ancien vice-ministre de Khatami était également le conseiller de Mehdi Karoubi, candidat d’opposition. L’annonce de son arrestation a été postée sur son blog webneveshta (http://www.webneveshteha.com/). Mohammed Ali Abtahi est le deuxième blogueur arrêté depuis le 13 juin, après la cyberdissidente Somaieh Tohidlou (http://smto.ir) le 14 juin 2009.
 
Toujours le 16 juin, Aldolfatah Soltani, avocat de plusieurs journalistes emprisonnés et membre du Cercle des défenseurs des droits de l’homme, a été placé sous mandat de dépôt, sur ordre du tribunal de la révolution de Téhéran. Il aurait été, lui aussi, transféré à la section de sécurité de la prison d’Evin.
 
Saide Lylaz, journaliste au journal Sarmayeh, a été arrêté le 17 juin, à son domicile de la capitale. Ce spécialiste des questions économiques s’est montré très critique envers la politique d’Ahmadinejad. Contactée, sa femme ignorait où il avait été emmené. Rohollah Shassavar, journaliste de la ville de Mashad, est détenu depuis la même date.
 
Reporters sans frontières rappelle que les arrestations, le 14 juin, des journalistes Somaieh Tohidlou, Ahmad Zeydabadi, Kivan Samimi Behbani, Abdolreza Tajik, Mahssa Amrabadi. Arrêtés le même jour, Said Shariti et Hoda Sabaer ont depuis été libérés.
 
Depuis le 13 juin, les journalistes étrangers présents sur place se sont vus empêchés de couvrir les manifestations qui ont suivi l’annonce de la “victoire“ de Mahmoud Ahmadinedjad. Certains ont été physiquement agressés, comme l’envoyé spécial de France 3, celui de la RAI, ou le reporter de Reuters. D’autres ont été arrêtés avant d’être expulsés, comme l’équipe espagnole de la RTVE, les Belges de la RTBF, les Allemands de l’ARD et de ZDF ou encore les Néerlandais de Neerland2.
Le 16 juin, les médias étrangers ont reçu l’interdiction de Mohammad Sfar Harandi, ministre de la Culture et l’Orientation islamique, « de participer ou de couvrir les rassemblements organisés sans autorisation du ministère de l’Intérieur ». « Nous sommes des témoins gênants (…), ils veulent éliminer toute présence de la presse étrangère (…). Les rues hier soir étaient totalement occupées par les troupes anti-émeutes », a déclaré Yolanda Alvarez, de la RTVE, expulsée d’Iran avec toute son équipe le 15 juin.
 
Le 17 juin 2009, le Centre de surveillance des délits organisés des Gardiens de la révolution a sommé, par écrit, tous les directeurs des sites de supprimer « les contenus invitant la population aux émeutes, propageant menaces et rumeurs ». Le communiqué ajoute qu’ont été relevés sur Internet “plusieurs cas de sites et blogs personnels publiant des articles incitant au trouble à l’ordre public, et invitant la population à se rebeller. Ces sites, créés avec l’aide de sociétés américaines et canadiennes, bénéficient du soutien de médias protégés par les services de sécurité américains et britanniques, tels que la BBC, Radio Farda (Free Europe) et Radio Zamaneh”. Le Centre de surveillance prétend faire des révélations importantes, dans les prochains jours, sur ces réseaux qualifiés de “destructeurs“.
Par ailleurs, les autorités iraniennes continuent la diabolisation des médias étrangers, surtout occidentaux, les accusant d’être les « porte-parole des émeutiers ». Dans un communiqué du 17 juin, le ministre de Affaires étrangères les qualifie d’ “ennemis“, les avertissant qu’ils seraient bientôt mis “échec et mat“.
 
Sur le même sujet:
16 juin 2009 – Récit des violations de la liberté de la presse en temps réel
15 juin 2009 – L’information, victime du coup de force électoral
14 juin 2009 – « Sans libre circulation de l’information, une élection n’est pas démocratique », affirme Reporters sans frontières
 
 
Lire la tribune de Jean-François Julliard, Secrétaire général de Reporters sans frontières, sur le site du Monde : http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/06/17/pas-de-victoire-sans-une-presse-libre-par-jean-francois-julliard-et-reza-moini_1207875_3232.html

 

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