« La Bolivie échappe à de graves troubles,… pour combien de temps ? »

Témoignage d’un volontaire-coopérant suisse vivant à Potosi
 
Jeudi 9 juin 14h00, la situation en Bolivie s’empire, même si à Potosi la situation est plutôt tranquille, chaque jour il y a des grèves et tous les accès de la ville sont coupés. A La Paz et El Alto, la situation est plus alarmante, après presque 20 jours de blocus : Il n’y a plus d’essence, donc plus de circulation, les hôpitaux n’ont plus d’oxygène ni d’aliments, dans les prisons la tension monte et une grande partie des familles ne peuvent plus cuisiner par manque de gaz, ce qui est terrible à 4000m d’altitude. (…)
 
La situation politique s’est aggravée après la démission de Carlos Mesa, qui malgré les fortes pressions des mouvements sociaux, a gardé sa promesse de ne pas utiliser la violence et on ne déplore aucune victime (ce qui est déjà incroyable et réjouissant !). En effet, constitutionnellement, son successeur serait Hornando Vaca Diez, président du Sénat qui représente clairement les intérêts des grands entrepreneurs de l’Oriente qui défendent les intérêts autonomistes de la région de Santa Cruz, où se trouve les principales ressources en Gaz, plutôt que le processus démocratique d’Assemblée Constituante ou celui de nationalisation des hydrocarbures initiés  par Carlos Mesa suite aux revendications d’octobre 2003.
 
Dans les rues le peuple exige fermement que H. Vaca Diez, renonce à assumer la présidence et que se convoquent des élections anticipées. Ils se mettent en marche vers Sucre où s’est réunit de manière extraordinaire le parlement afin de décider de la suite donner à la démission de Carlos Mesa.
 
Vers 18h00 H. Vaca Diez abandonne la session pour se réunir avec les représentants des partis traditionnels et des intérêts économiques de l’Oriente qui ont déjà fait tant de mal au pays et qui souhaiteraient que H. Vaca Diez assume la présidence et que les militaires interviennent en force pour débloquer le pays et disperser les manifestants. Ceci signifierait inévitablement une escalade de violence. Le pays vit donc une totale incertitude et on entend toutes sortes de commentaires, si H. Vaca Diez n’a pas la volonté de reprendre la session parlementaire, qu’adviendra-t-il du pays qui se détruit chaque minute un peu plus.
 
22h30 : Finalement et heureusement grâce à la pression populaire, la session parlementaire reprend à Sucre et nomme un nouveau Président, l’avocat Eduardo Rodriguez, Président de la Cour suprême de justice qui devra dans une période de transition de 5-6 mois, mettre en place de nouvelles élections. A minuit, il prête serment  et ce vendredi 10 juin sera très différent. Espérons que le pays se pacifie et retrouve peu à peu la normalité pour continuer à œuvrer pour un futur meilleur et plus de compréhension entre les boliviens.
 
 
Tout ce conflit que nous vivons nous permet d’apprendre beaucoup de ces moments historiques que traverse la Bolivie, comprendre la difficile et complexe construction d’une démocratie et l’apprentissage de l’utilisation des outils démocratiques. C’est tout un processus qui ne va pas de soi pour un pays comme la Bolivie soumise à des pressions extérieures et des intérêts très forts et qui doivent en même temps écouter les demandes sociales antagonistes, prévenir les conflits, rechercher le consensus… De véritables leçons de démocratie, de politique, de sociologie… c’est une grande richesse humaine et une chance que de vivre cela.
 
Olivier Barras et sa famille
Volontaire E-CHANGER à Potosi en Bolivie
 
 

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