Le Brésil au bord de l’implosion à cause d’une campagne fake

En 2016, Dilma Rousseff subissait un impeachment parlementaire considéré par beaucoup comme un coup d’Etat sans usage de la force militaire alors que la politique brésilienne était secouée par plusieurs scandales de corruption, notamment après la démission de plusieurs ministres. Le sentiment d’impunité envers la classe politique corrompue semblait levé au Brésil. De nombreux parlementaires se sont alors saisis de la constitution pour destituer Dilma Rousseff accusée d’avoir maquillé les comptes du pays.  Au-devant de la scène plusieurs parlementaires brésiliens tel qu’Eduardo Cunha et Aecio Neves avaient mené de front cette campagne anti-corruption, anti Dilma et anti-PT. Eduardo Cunha est aujourd’hui incarcéré pour corruption. Lors de la destitution de la Présidente Dilma, un certain Jair Bolsonaro avait voté oui à cette destitution en évoquant le nom du Colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, plus connu pour avoir mené des faits de tortures envers les dissidents politiques lors de la dictature au Brésil. Choquant, ce d’autant plus que cette même personne dont le parti fait face à de nombreux scandales de corruption est aujourd’hui en tête des sondages pour devenir président.

Une impression ressort. Les plus corrompus ont-ils réussi à projeter leurs torts sur d’autres ? Ou quand les plus corrompus s’attèlent à combattre la corruption et à accuser les autres de ce qu’ils font à toute fin de dissimulation et de campagne. Dans cette logique, Bolsonaro a réussi à se forger une image anti-système, lui qui est parlementaire depuis presque 30 ans pratiquement sans aucun projet de loi approuvé. Il incarne pour la moitié des brésiliens une mise au pas du pays, une icône qui serait capable de mettre de l’ordre de manière autoritaire quitte à libéraliser le port d’armes, y compris pour des enfants.

Un mystère demeure. Comment un homme qui s’attaque aux minorités, victimes de l’histoire brésilienne : peuple indigène, noirs, femmes ou encore communauté LGBT peut-il obtenir la majorité des suffrages. Comment une femme peut voter pour un homme qui banalise le viol ? Comment un-e noir-e peut voter pour une personne revisitant l’histoire de l’esclavage et condamne toutes les avancées sociales de politique de réparation pour un peuple discriminé encore aujourd’hui ? Comment un indigène peut voter pour un président qui veut abolir toute démarcation territoriale garantissant le droit des peuples indigènes ? Comment un chrétien peut-il voter pour une personne défendant la torture ou encore fondant sa campagne sur des émotions de haine amenant la population polarisée à se confronter, même au sein d’une même famille ? Finalement comment un homme peut-il être en tête des sondages en faisant la part belle au côté obscur du pays ?

Avec Bolsonaro à la tête du Brésil, « on peut s’attendre à une dérive autoritaire du pouvoir, avec des mesures qui restreindront l’État de droit, qui permettront de réprimer le syndicalisme ou le militantisme de gauche. Le colistier de Bolsonaro, le général de réserve Hamilton Mourão, qui en cas de victoire deviendra vice-président, propose d’ailleurs un changement de constitution, sans passer par une assemblée constituante », souligne Maud Chirio dans une interview pour bastamag (https://www.bastamag.net/Nous-assistons-en-direct-a-la-fascisation-du-Bresil?fbclid=IwAR1vdZ5uvj-5LlJrfrqpZBF8nsu8BpVlnOHw9cBHiim0MlVF9OzjNd8-Z8A).

La campagne de Bolsonaro a un point commun avec celle de Trump : Steve Bannon. Le marqueteur américain engagé aux côtés de Jair Bolsonaro utilise à toutes fins utiles les réseaux sociaux. Peu importe que l’on vous traite de raciste, machiste, fasciste ou encore despote tant que votre campagne touche les gens dans leurs émotions les plus sombres en simulant grâce à des robots (Ndlr. ordinateurs simulant des comportements humains sur internet) des prises de position partisane que ce soit sur les réseaux sociaux ou encore de communication tel que whatsapp. Dès lors la démultiplication de fakes news est difficilement contrôlable. Calomnies envers les autres candidats caractérisent une campagne basée sur une propagande pensée et planifiée par segments de population sur les réseaux sociaux.  Manipulée, la population ne vote plus pour un programme ou des projets politiques, mais sous le couvert de manipulations émotionnelles vous amenant à voter en ressentant haine et peur. Un moyen comme un autre de justifier et faire passer le retour au pouvoir d’une élite ultraconservatrice souhaitant rétablir ses privilèges envers et contre les transformations sociales que le Brésil a vécu depuis 2002.

En toute fin de campagne, selon le journal de la Folha de São Paulo, 12 millions de reais auraient été donnés par des entreprises pour engranger la diffusion de contre-vérités sur les réseaux sociaux. Le Tribunal Suprême Electoral a même été saisi de l’affaire par le PT. Néanmoins dans un Brésil où le pouvoir judiciaire est considéré par beaucoup comme alimentant une certaine connivence partisane, il est fort probable que Bolsonaro ne sera pas condamné pour crime électoral et pourra aller au bout des élections.

Au final, que ce soit Bolsonaro ou Haddad le nouveau président brésilien le 28 octobre 2018, il sera très dur pour le géant d’Amérique latine de rétablir une cohésion sociale en son sein. Le Brésil est aujourd’hui au bord de l’implosion sociale à la suite de campagnes politiques haineuses basées sur des fakes.

Toujours plus préoccupant, ce type de campagne proche de l’extrême droite est aujourd’hui en train de s’étendre dans le monde. Il semblerait même que l’Europe soit dans le viseur de Steve Bannon. https://www.franceculture.fr/emissions/grand-reportage/steve-bannon-leurope-dans-le-viseur


Dans le cadre de cet article de fond, France Culture explique :

« Matteo Salvini se voit déjà remplacer Jean-Claude Juncker. Le patron de l’extrême-droite italienne, homme-fort du nouveau gouvernement, croit à la victoire d’une coalition souverainiste aux élections européennes de mai prochain au point d’envisager une candidature à la présidence de la Commission Européenne.  La Ligue s’est lancée dans la campagne aux côtés du Rassemblement national, de Marine Le Pen, et elle compte un autre allié, plus surprenant : l’américain Steve Bannon. L’ancien conseiller stratégique de Donald Trump (et artisan de la victoire du président américain) veut aujourd’hui peser dans la campagne européenne. Après avoir aidé Nigel Farage à propager les idées pro-Brexit au Royaume Uni, il prétend fédérer tous les partis eurosceptiques européens, et les aider à conquérir le Parlement européen. »

Le cas du Brésil devrait aujourd’hui éveiller les consciences ici et là.

Olivier Grobet

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