L’OMS reste aveugle et sourd au problème du coût élevé des nouveaux médicaments contre le SIDA. Et se doit d’agir pour assurer des soins de qualité à long terme pour les malades des pays en développement
Genève/Toronto, août 2006 – Apres six années d’expérience dans le traitement par antirétroviraux des malades du VIH/sida dans les pays en développement, l’organisation humanitaire internationale médicale Médecins Sans Frontières (MSF) est consternée par l’autosatisfaction politique affichée concernant l’accessibilité des médicaments contre le sida.
Les données communiquées par MSF lors du XVIe Congrès international sur le SIDA à Toronto établissent pourtant clairement que le prix élevé des médicaments les plus récents entraîne une augmentation du coût des traitements, et menace la durabilité des programmes de traitements :
Dans le programme MSF à Khayelitsha, en Afrique du Sud, 10% des patients sous traitement depuis trois ans et 16% des patients sous traitement depuis 4 ans ont besoin de passer à un traitement de seconde intention. Mais la seconde ligne de traitement est 5 fois plus chère que la première. Au Nigeria, 8% des patients recevant un traitement depuis 18 mois ont besoin d’un traitement de deuxième intention, ce qui revient à 7 fois plus cher que les traitements de première intention (200 $ US contre 1.474 $ US). Mais, en cas de toxicité, le tenofovir ne constitue pas une alternative aux traitements de première intention. Au Guatemala, un régime thérapeutique de deuxième intention coûte 6500 $ US, soit 28 fois plus cher qu’un traitement de première intention.
Les dernières lignes directrices de l’OMS concernant les traitements antirétroviraux (ARV) dans les pays pauvres, rendues publiques au Congrès de Toronto, recommandent les générations d’ARV les plus récentes pour les thérapies de première et de deuxième intentions. Mais de nombreux médicaments ne sont pas disponibles en version générique, car ils sont protégés par des brevets. Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques qui les produisent sont en mesure de pratiquer des prix prohibitifs et sont souvent lents à les rendre disponibles dans les pays en développement.
» Que l’OMS ait étendu la liste des médicaments afin d’inclure les médicaments les plus récents dans ses lignes directrices est une bonne chose. Cependant, il n’existe aucun mécanisme pour rendre disponibles ces médicaments à un niveau national » explique le Dr. Alexandra Calmy de la Campagne pour l’accès aux médicaments essentiels de MSF. » Il en va de la responsabilité de l’OMS d’encourager les gouvernements à mettre en oeuvre les possibilités offertes par l’accord sur les ADPIC de l’OMC, et notamment la délivrance de licences obligatoires pour utiliser des médicaments génériques. Il est nécessaire que d’autres acteurs, dont le Fonds Mondial et l’ONUSIDA, réalisent que nous sommes confrontés à une crise majeure potentielle. A moins qu’ils n’agissent maintenant afin de diminuer le coût des traitements. »
La concurrence des médicaments génériques constitue un moteur essentiel à la diminution du prix des médicaments de première intention, ceux-ci étant passés de plus de 10 000 $ US par patient et par an à moins de 140 $ US. Aujourd’hui, 50% des malades qui reçoivent un traitement ARV dans les pays en développement bénéficient des médicaments génériques indiens. Mais les sources de médicaments génériques risquent de se tarir au moment où des pays comme l’Inde doivent accorder des brevets sur les médicaments.
S’assurer que les médicaments les plus récents soient abordables est le seul moyen de garantir des soins de qualité à long terme pour les malades du VIH/sida dans les pays en développement. » Si je n’avais pas eu accès à des médicaments de deuxième intention, je ne serais pas vivant aujourd’hui » confie Ibrahim Umoru, un éducateur qui travaille pour MSF à Lagos au Nigeria et qui a dû changer de traitement en 2006 après avoir développé une résistance au traitement de première intention. » Je fais partie d’une minorité de malades très chanceux. La plupart des patients qui ont vu leur vie sauvée par les traitements de première intention seront laissés à eux-mêmes lorsqu’ils auront besoin de médicaments de deuxième intention, à moins que les gouvernements n’ouvrent les yeux et commencent à s’attaquer à ce problème « .
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MSF fournit des traitements antirétroviraux à plus de 60 000 personnes dans 32 pays.