Le Forum Social Mondial 2015. Le contexte tunisien

Dans le cadre du pré-programme de la délégation suisse au FSM co-organisée par E-CHANGER/COMUNDO et Alliance Sud, nous avons pu écouter et échanger avec différents acteurs de la société civile tunisienne : des journalistes, politiciens, syndicalistes, responsables d’ONG et jeunes chômeurs diplômés notamment. S’ils considèrent tous, plus ou moins, que la marche la plus haute a été franchie grâce à la tenue d’élections libres et l’adoption d’une nouvelle constitution, ils s’inquiètent unanimement également du peu d’effets sur la réalité quotidienne des classes moyennes et défavorisées. Par exemple, le taux de chômage des jeunes s’élève encore à 45% pour les jeunes diplômés, l’inflation dépasse les 5% et la dette de l’Etat a augmenté de 72% depuis 2010. Dans ces circonstances, des orientations stratégiques claires doivent être définies et des réformes correspondantes mises en œuvre rapidement, estime l’éditorialiste Lotfi Larguet.
L’éviction des alternatives condamne au statut-quo
Or, les dernières législatives ont été dominée non-pas par un choix entre différentes politiques socio-économiques, mais par une opposition entre « laïcs » de Nidaa Tounes et « islamistes » d’Ennahda. Bénéficiant d’un « vote utile » anti-islamistes, Nidaa Tounes, composé tant d’anciens opposants que d’anciens cadres de la dictature, a remporté ces élections. Le vote bipartisan de la population a condamné les autres formations à un cuisant échec ; aucune d’entre elles n’a dépassé les 4%. Pourtant, Nidaa Tounes et Ennahda partagent une même vision libérale, voire ultra-libérale que suivait déjà Ben Ali selon Mimoun Rahmani, membre du Forum Social du Maghreb et du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde. Une politique que prônent également la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International : privatisations, gel des salaires malgré l’inflation, baisse des dépenses publiques et réformes des retraites notamment. La population, dans ce contexte, manque d’alternatives et peut légitimement craindre que les espoirs d’une amélioration de leurs conditions socio-économiques, suscités par la révolution, ne restent qu’une illusion. Nul est à douter d’ailleurs que l’attentat sanglant qui a frappé le Musée Bardo, renforcera encore cette idée qu’il faut être prêt à tout pour contrer les islamistes, quitte même à renoncer à une alternative au libéralisme.
Le potentiel de la société civile
Dans cette situation, il faut espérer que la tenue du Forum Social Mondial à Tunis, avec plus de 1000 organisations tunisiennes inscrites, pourra faciliter l’émergence d’une alternative politique crédible et à même de répondre aux aspirations de la révolution : soit, du pain et du travail pour les jeunes. La vivacité de la société civile tunisienne qui est passé de 3’000 à 20’000 organisations non-gouvernementales suite à la révolution, reste porteuse d’espoir. Les citoyens souhaitent toujours prendre leurs destins en mains et ne semblent pas prêts d’abandonner.

Raji Sultan
Membre de la délégation suisse à Tunis,  Responsable de la Communication/ RP d’Unité
www.unite-ch.org
 

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