«La violence et l’insécurité sont des problèmes graves qu’affronte la société hondurienne avec de grandes répercussions sur la jouissance et l’exercice effectif des droits humains dans ce pays.» Loin de figurer dans un manifeste d’opposition, cette affirmation introduit le second chapitre du rapport publié, le 18 février 2016, par la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH).
«Irréparable»
À peine deux semaines plus tard, le 3 mars, l’assassinat de Berta Cáceres, dirigeante indigène hondurienne, est venu démentir le discours diffusé par le gouvernement de Juan Orlando Hernández, second président en fonctions depuis le coup d’État de juin 2009, élu avec à peine 31% des suffrages des électeurs ayant participé au scrutin. Discours selon lequel il y aurait une amélioration de la situation en matière de droits humains.
«Plus de six mois après l’assassinat politique de notre sœur Berta Cáceres, bien que les autorités en connaissent parfaitement les auteurs, l’enquête n’avance pas. Par conséquent, on n’a pas réussi à identifier les responsables intellectuels de cet événement brutal», s’indigne le pasteur Ulloa.
Un exemple supplémentaire de «la totale impunité régnant dans mon pays, où les défenseurs des droits humains, les dirigeants d’associations et les journalistes sont les cibles permanentes d’attaques, de harcèlements, de persécutions et d’attentats».
Le meurtre de Berta fut «un coup très dur. Toute la société civile ressent son absence. Il n’y a pas tant de dirigeant-e-s comme elle. Nous ressentons un grand vide, elle est quasi irremplaçable», affirme le pasteur Ulloa.
Et de rappeler que, de 2008 à 2015, on a dénombré au Honduras 48 000 morts violentes. Un chiffre propre à une confrontation armée de l’ampleur vécue aujourd’hui en Syrie, avec la différence que là-bas on sait qui se trouve dans chaque camp. «Alors que, dans mon pays, la violence peut venir d’en haut, d’en bas, de chaque côté, dans un affrontement de tous contre tous.»
Avec la circonstance aggravante, souligne M. Ulloa, que la corruption est énorme, l’impunité encore pire, et qu’il existe des niveaux de criminalité exorbitants, ainsi qu’un système judiciaire inefficace, coopté par le gouvernement dans un pays où la vie ne vaut rien.
Selon le Bureau des Nations Unies contre la drogue et la délinquance (UNODC), le taux d’homicides pour 100 000 habitants est passé de 50,9 en l’an 2000 à 90,4 en 2012. En 2013, affirme le rapport de la CIDH, le taux des homicides y a été le plus élevé à l’échelle mondiale. Malgré les améliorations présentées par les chiffres officiels, ce taux «continue d’être l’un des plus élevés de la région et du monde», souligne la Commission, qui publie les chiffres officiels de 4266 homicides en 2015 (jusqu’au 31 octobre de cette année), à peine un peu moins qu’un an auparavant.
Violence institutionnalisée
Après le coup d’État contre le président Manuel Zelaya, le 28 juin 2009, le premier effectué selon une modalité «parlementaire et institutionnelle», propre à la nouvelle étape politique latino-américaine, la situation générale n’a cessé de se dégrader, souligne le pasteur Rigoberto Ulloa.
La violence institutionnalisée – avec des expressions économiques, sociales, délinquantes (le narcotrafic) et même religieuses – constitue la principale préoccupation citoyenne, relève-t-il. A la base, essentiellement, «la mauvaise distribution de la richesse, selon un modèle qui génère quotidiennement plus de pauvres et concentre le pouvoir en quelques mains».
L’effet le plus visible, quotidiennement, de cette étape post-coup d’État est «la militarisation totale de la société, avec une forte présence de l’armée dans des tâches de sécurité citoyenne, avec la création continue de nouveaux bataillons et la croissance des forces armées. Tout cela dans un pays très problématique au niveau géopolitique, vu que c’est le seul en Amérique latine à abriter six bases militaires étasuniennes.»
Ce coup d’État, ajoute M. Ulloa, fut une sorte de laboratoire, qui servira plus tard au Paraguay contre le président légitime Fernand Lugo et récemment au Brésil contre Dilma Rousseff.
Pour le pasteur, «tant qu’il n’y aura pas de justice, la corruption et l’impunité seront reines. Sans rectification de fond, on court même le risque d’un scénario de guerre civile généralisée. Pour le moment, les perspectives sont pénibles. En langage médical, je dirais que mon pays est malade, avec un pronostic réservé.»
Cela n’implique pas de renoncer aux idéaux d’un véritable changement. Tant les défenseurs des droits humains que le peuple en général ne doivent pas tomber dans le désespoir et la peur, ce que recherche le pouvoir en place.
Il est aussi essentiel que la communauté internationale redouble d’énergie pour exiger des changements. Il faut s’adresser directement au gouvernement hondurien, comme aux gouvernements de chaque pays, spécialement en Suisse, en Europe, pour que ceux-ci fassent pression à leur tour sur les autorités honduriennes.
Quant à la solidarité internationale, elle est fondamentale: «Il faut qu’elle vienne, voie sur le terrain ce que nous souffrons au Honduras, qu’elle informe, sensibilise et soit le témoin fidèle de l’exigence d’une nation, qui réclame le respect des droits humains, ainsi que plus de justice et d’équité», conclut le pasteur Ulloa.
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