Le moment est venu de changer de paradigme

Le non clair à la réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III) est une victoire de la démocratie sur les intérêts particuliers de l’industrie suisse de l’évasion fiscale, qui cherche à s’étendre à l’international.

Le résultat sans ambigüité du référendum est une chance unique pour le Conseil fédéral et le Parlement de donner une nouvelle direction à la politique fiscale suisse, pour qu’elle n’entrave plus un développement socialement et écologiquement durable du monde.

Le dimanche 12 février les électeurs suisses ont refusé, à une nette majorité de 60%, la réforme de l’imposition des entreprises III. Ils ont non seulement refusé sèchement une compétition fiscale accrue à l’intérieur de la Suisse, qui aurait entraîné de nouvelles mesures d’économie dans les cantons et à la Confédération. Mais aussi le remplacement pur et simple des anciens privilèges fiscaux des entreprises boîtes aux lettres et autres sociétés de statut par d’innombrables nouveaux privilèges. Le temps est ainsi venu pour un changement de paradigme dans la politique fiscale internationale de la Suisse.

Même avec le non d’hier, la Suisse doit éliminer les privilèges fiscaux existant pour les multinationales au plus tard d’ici 2019, en raison des nouveaux standards internationaux de l’OCDE, l’UE et le G20. Maintenant le Conseil fédéral et le Parlement doivent élaborer une nouvelle proposition capable d’obtenir une majorité. Dans cette nouvelle version, il n’y aura plus de place pour de nouveaux instruments d’évasion fiscale tels que l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts, une « patent box » beaucoup trop laxiste ou des déductions fiscales exagérées ou mal définies pour la recherche et le développement, si on ne veut pas risquer un nouveau rejet par referendum.

Du point de vue de la politique de développement, la nouvelle version doit réduire nettement les risques de déplacer le profit des multinationales dans le paradis fiscal helvétique. Pour Alliance Sud il est inacceptable que les profits des multinationales établies en Suisse puissent échapper au fisc des pays en développement pour être taxés ici presque à zéro. Grâces aux astuces fiscales des multinationales, les pays du Sud perdent chaque année des centaines de milliards de dollars de recettes dont ils ont urgemment besoin pour la formation, la santé et l’infrastructure. La politique suisse d’une fiscalité douce contredit les principes de l’Agenda 2030 de développement durable de l’ONU et le principe de cohérence de la politique extérieure de la Suisse. La politique économique extérieure ne devrait pas faire obstacle à l’engagement de politique de développement de la Suisse.

Pour parvenir à une meilleure réforme de l’imposition des entreprises qui puisse recueillir l’approbation des électeurs, Alliance Sud demande que tous les groupes intéressés soient inclus de façon équilibrée dans l’élaboration de la nouvelle proposition. Les syndicats, les églises et les ONG doivent aussi être inclus de plein droit dans les cercles qui vont élaborer la nouvelle version. Ce n’était pas le cas pour la mouture actuelle, ce qui a permis à la majorité de droite du Parlement de la transformer en self-service de l’industrie de l’évasion fiscale – avec les conséquences que l’on sait dans les urnes. Le Conseil fédéral ne doit pas utiliser le non d’hier pour justifier de nouvelles mesures d’économie dans le budget fédéral – ce qu’il avait fait avant la votation, arguant entre autres une baisse des recettes fiscales due à la mise en œuvre rapide de la RIE III.

Dominik Gross, Alliance Sud, article distribué par le service de presse d’E-CHANGER

Connectez-vous pour laisser un commentaire