Le « nouveau » Brésil du retour néolibéral

Les évêques brésiliens critiquent le projet de plafonnement des dépenses publiques, le qualifiant d’”injuste”, revenant à désigner les travailleurs et les pauvres pour payer le manque de contrôle des coûts par le gouvernement.

Le Conseil permanent de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), réuni à Brasilia du 25 au 27 octobre, a vivement critiqué la “Proposition d’Amendement de la Constitution” (PEC 241/2016) limitant les dépenses publiques pendant 20 ans. Le texte, déjà voté par l’Assemblée nationale, est en cours d’examen par le Sénat.

Equilibrer ainsi les comptes publics ? Présenté comme un moyen de parvenir à équilibrer les comptes publics, la PEC 241 limite, à partir de 2017, les dépenses primaires de l’Etat fédéral, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des infrastructures, de la sécurité et de la fonction publique. Elle fixe un plafond pour ces dépenses, et ce jusqu’en décembre 2036. “Dans la pratique, la PEC 241 signifie qu’aucune augmentation des investissements ne sera faite dans les secteurs publics durant deux décennies. Par contre, la proposition ne fixe aucune limite plafond en ce qui concerne les dépenses financières liées au remboursement des intérêts de la dette publique”, indique le communiqué des évêques, cosigné par Mgr Sergio da Rocha, Mgr Murilo S. R. Krieger et Mgr Leonardo Ulrich Steiner, respectivement président, vice-président et secrétaire général de la CNBB.

“Idolâtrie du marché”

Pour la CNBB, “la PEC 241 est injuste et sélective. Elle revient à désigner les travailleurs et les pauvres pour payer le manque de contrôle des coûts. C‘est-à-dire ceux qui ont le plus besoin de l’Etat pour que leurs droits constitutionnels soient garantis”.

En outre la CNBB estime que l’absence de plafond pour le paiement des intérêts de la dette publique évite de taxer les grandes fortunes. Sans compter l’absence d’audit de la dette publique. “L’argent doit servir et non gouverner” (exhortation apostolique du pape François Evangelii Gaudium, 58), rappelle le communiqué. Face au risque d’”idolâtrie du marché”, la CNBB rappelle que “la doctrine sociale de l’Eglise souligne la limite et l’incapacité de ce dernier à satisfaire les nécessités humaines qui, par nature, ne sont et ne peuvent pas être de simples marchandises” (cf. Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, 349).

Constitution non respectée

Selon les responsables de la CNBB, la PEC 241 va à l’encontre des principes de la Constitution citoyenne de 1988. “Cette proposition nie les articles 198 et 212 qui garantissent un minimum d’investissement dans les secteurs de la santé et de l’éducation”. D’autant que la PEC 241 prévoit qu’à partir de 2018 le montant garanti pour ces secteurs sera calculé en fonction de l’inflation et non plus en fonction des recettes de l’Etat, comme le prescrit pourtant la Constitution fédérale. Les signataires du communiqué assurent d’ailleurs qu’il est “possible de rediscuter cette proposition qui demande à être débattue de manière plus ample et plus démocratique. La mobilisation populaire et la société civile organisée sont fondamentales pour dépasser la crise économique et politique que connaît le pays”.

La CNBB assure d’ailleurs qu’il “pèse sur les épaules du Sénat la responsabilité de dialoguer largement avec la société sur les conséquences de la PRC 241”. (cath.ch-apic/jcg/be)

Jean-Claude Gerez, correspondant de cath.ch en Amérique latine

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