Le Sommet Mondial sur la Société de l’Information 2005 de Tunis sous la critique de la société civile

Comunica-ch, coalition suisse pour la société de l’information, a tenu une conférence de presse en collaboration avec  Amnesty International, à l’occasion de la deuxième conférence préparatoire (PrepCom II, 17-25 février) du Sommet Mondial pour la Société de l’Information qui se déroule à Genève.
 
La coalition suisse pour la société de l’information exige de la Tunisie qu’elle garantisse les droits de l’Homme et de liberté d’expression. « Tous ceux qui s’attendaient à ce que la Tunisie, en tant que pays hôte du Sommet Mondial pour la Société de l’Information (SMSI) en novembre 2005, essaierait de se présenter sous un aspect plus favorable ou ferait au moins un effort pour faire croire qu’ils respecteraient les droits humains élémentaires, se voient déçus. La Tunisie n’a fait aucun effort et ignore jusque là tous les appels de la communauté internationale, des organisations défendrices des Droits de l’Homme et des sociétés civiles.
 
Pour éviter que les évènements scandaleux et les répressions qui se sont produits durant la PrepCom1 à Hammamet/Tunis ne se reproduisent, nous exigeons dorénavant des garanties de la part du gouvernement tunisien. Il doit :
 
  -respecter les Droits de l’Homme et la liberté d’opinion (selon art. 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme DUDH) ;   -s’abstenir de tracasser la société civile indépendante ;   -garantir la liberté de mouvement et d’expression de la société civile internationale ;   -d’arrêter le blocage de sites web et publications critiques ;   -de libérer immédiatement les journalistes et internautes incarcérés.
 
Seul de telles garanties permettront à la Tunisie de retrouver sa crédibilité en tant que pays hôte du prochain Sommet Mondial pour la Société de l’Information », peut-on lire sur le site de la plateforme suisse( http://www.comunica-ch.net/ ).
 
Au programme de la conférence de presse, Sihem Bensedrine, porte-parole du conseil national des Libertés en Tunisie, a décrié le régime Ben Ali. « Il n’est pas question de parler du miracle tunisien, mais de son énigme. Comment se fait-il que d’un côté la Tunisie soit très complaisante vis-à-vis d’elle-même alors que de l’autre les droits les plus fondamentaux ne sont pas respectés ? » Cette Tunisienne engagée tente d’expliquer les discriminations qu’il existe au sein même de la société civile. « Nous ne pouvons pas nous constituer en ONG et être entendu en tant que parti civil au SMSI tant qu’on ne nous octroie pas le visa gouvernemental. Beaucoup d’associations sont de par ce fait illégales. En clair, nous n’avons pas le droit d’exister. »
 
La liberté d’expression ne cohabite apparemment pas avec le régime Ben Ali. « Dans mon pays, plus de 500 personnes sont incarcérées à cause de leur opinion. Je pourrais relater l’exemple d’un journaliste banni de Tunisie, ce qui n’est pas légal, qui se bat aujourd’hui pour être réhabilité afin de pouvoir vivre avec sa femme. Que doit-on penser des cyberdissidents accusés de terrorisme alors qu’il ne faisait que s’exprimer librement sur la toile dans un cybercafé. Le régime politique de Ben Ali est corrompu- il est d’ailleurs le seul à ne pas avoir signer les conventions internationales contre la corruption. Il étouffe les contestataires en les accusant à tort de terrorisme à l’instar de Zouhair Yahyaoui ( http://www.rsf.fr/article.php3?id_article=7264&Valider=OK ), emprisonné à 2 ans de prison (Ndlr. :  en conférence de presse jeudi 17 février avec «Reporters sans Frontières, à Genève http://www.humanitaire.ws/plus_info_une.php?idnews=198 ).
 
« Il existe une police de l’information, non officielle, liée au ministère de la communication qui contrôle et censure les sites internet, les courriels et les publications indépendantes. En tant qu’organisation indépendante, la police nous empêche systématiquement de nous réunir. Interdiction de rentrer chez soi, quadrillement de nos quartiers par la police font partie de notre lot quotidien »
 
Raccordée à la Toile depuis le milieu des années 90, la Tunisie fait partie des pays du Maghreb les plus avancés en matière d’expansion d’Internet. Une croissance qu’il faut accréditer  à la volonté politique du pouvoir d’encourager le web afin d’engranger des retombées économiques. Mais à quel prix ?
 
Meryem Marzouki, responsable du caucus Human Rights SMSI, corrobore les propos de Sihem Bensadrine. « J’ai été moi-même censurée. Il existe plusieurs webmestres en Tunisie qui sont incarcérés pour avoir mis en place des sites et des forums de discussion. L’impact de cette surveillance ? Les Tunisiens se méfient des fournisseurs locaux et préfèrent héberger leur site à l’étranger. » Dans ce climat de boycotte, il est temps de savoir si l’intégralité de la société civile tunisienne sera bel et bien représentée à Tunis.
 
Si Amnesty international s’est joint aux déclarations de ces deux femmes tunisiennes, le parterre de journalistes n’a pas été unanime à l’idée de dépeindre le contexte tunisien d’une manière aussi noire. Plusieurs intervenants se sont efforcés de saluer les progrès dont  la Tunisie bénéficie. « Ce sommet constitue une première opportunité de taille pour les pays du Sud. C’est une chance énorme que de pouvoir recevoir un sommet organisé par l’ONU dans son pays », exprime un Tunisien rattaché à l’organisation du SMSI de Tunis. « Pour avancer, il nous faut être positif et constructif », souligne-t-il.
 
Nul doute, si la Tunisie a fait des pas de géant quant à son avancée technologique, la gestion d’internet et de son information reste quant à elle plus douteuse. Ce sommet à Tunis est l’occasion rêvée de contraindre le régime politique de Ben Ali à attacher plus d’importance aux droits des libertés d’expression et aux droits de l’Homme. A ce propos, la société civile suisse, représentée par comunica-ch, a pris parti en faveur des victimes de la répression du régime tunisien. De réelles évaluations des améliorations pourront être validées que dans quelques semaines lorsque la Prepcom II aura été assimilée. La PrepCom III se déroulera quant à elle en septembre à Genève. Il sera alors temps d’amener les premières conclusions des trois réunions précédant le sommet de Tunis de novembre 2005.
 
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Olivier Grobet
 

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