Le tourisme solidaire et durable (questions-réponses avec des étudiants)

1/ Comment développer ce type de tourisme, quels en sont les freins et les motivations des différents acteurs associatifs pour le développer?

Pour développer ce genre de tourisme, il serait judicieux de créer une plate-forme ( ou un organe) centrale qui regrouperait toutes les initiatives qui tentent de se faire connaître dans ce créneau. Beaucoup d’initiatives se dépêtrent tant bien que mal pour se faire connaître, se faire financer, s’organiser, s’échanger des conseils….etc.

De plus, il faut prendre conscience que le tourisme solidaire est un facteur de réduction de la pauvreté. Il faut des financements afin que les réalisations dans les pays d’accueil soient viables, autonomes et maillons forts de l’économie autochtone. On pourra ainsi bâtir des projets pilotes (d’enseignements et de formations) qui donneront une impulsion nécessaire à la crédibilité de ce concept.

Le frein majeur reste que les sites (sur le terrain) font toujours effet d’expérimentation, lieux d’accès pour touristes engagés (écolo, sac à dos, idéologiste…etc) et à voir même….. d’amateurisme.

La motivation de développement de cette activité est pour tous le même, je crois. Un commerce équitable aussi dans les services et les loisirs. Une manière agréable et concrète d’aider des populations dans le besoin. Un échange de compétences, de ressources où chacun choisit sa manière de partager. C’est collaborer à la solidarité planétaire en régulant une des plus grandes industries de notre siècle : le tourisme.

2/Quels en sont les freins et les attraits pour les touristes?

Il n’y a pas véritablement de freins à partir du moment où l’envie de voyager hors des sentiers battus reste indemne. Maintenant, la rigueur reste de mise principalement dans la sécurité offerte aux voyageurs (en général qui dit découverte inédite peut vouloir dire aussi rencontre avec des peuples, des mouvements, des guérillas pas toujours pacifistes…). Mais aussi, le désir de combattre l’incompréhension véhiculée par nos différentes cultures. La peur vient de se que l’on ne connaît pas donc il est urgent de vulgariser les manières dont nous devons nous respecter (je ne me proclame d’aucune religion!). L’attrait majeur est la promiscuité des rencontres avec les populations visitées. On peut prendre le temps de s’intéresser sur la vie quotidienne des peuples, sur l’histoire de leur civilisation, en petits groupes avec de la disponibilité de part et d’autre. Des impressions de vivre des moments de privilèges et plénitudes totales.

3/Quels sont les facteurs de développement de ce genre de tourisme?

Le facteur primordial de ce style de tourisme reste sans contexte la bonne gouvernance entre les deux parties (la structure d’accueil et les hôtes). Pour que de tels projets réussissent il faut que les bénéficiaires locaux soient maître des activités qu’ils tenteront de promouvoir sur le site. Même si une aide logistique, formatrice et médiatrice est amenée par des organisations du nord. Ces sites doivent apporter de la formation (source d’enseignement), de l’analyse et de l’organisation (donc de pérennité) dans les initiatives locales. Et bien évidemment (il ne faut pas se leurrer!) des retombées économiques pour toute une région et ses habitants. C’est ici que la notion de développement durable entre en jeux. Former, oui, mais IL FAUT donner de l’emploi. Assister, oui, mais pas seulement financièrement. Analyser, oui, mais pour du long terme. Que se passera t’il quand les touristes seront moins nombreux (saison des pluies), que ferons nous ? Comment de ces sites hôteliers extraire aussi des retombées parallèles ? Pouvons-nous nous intéresser à l’épargne ? Pourrions-nous sensibiliser le public (touristes) au besoin du micro-crédit …..etc….Nos partenaires sur place doivent aussi être amenés à cette réflexion.

4/Comment le faire connaître du grand public et le promouvoir?

Le promouvoir c’est revenir un peu aux choses citées plus haut. C’est réussir des projets qui donneront confiance aux voyageurs. Mais aussi aux financeurs ! D’une utopie, nous devons prouver au nord comme au sud, que ce genre de tourisme est la meilleure mobilité pour demain et que de ce genres d’opérations découleront (peut-être pour la première fois !) une solidarité réelle entre une mondialisation aux revenus colossaux et sa répartition envers les pays les plus démunis.

5/ Quels sont les moteurs indispensables de cette nouvelle manière de voyager?

L’envie, c’est beau de dire cela mais………. c’est la stricte vérité.
Pour nos amis des pays en voie de développement, l’envie. De se faire connaître, d’accorder le droit aux étrangers (nous autres du vieux continent) de les approcher, de vivres quelques moments avec eux. D’exposer leur culture, leur rite et leur religion.

A nous voyageurs, l’envie.
De voir ailleurs ce qui se passe. Dans quel monde vivons-nous vraiment? Envie de partager et comprendre les autochtones de nos destinations de repos.

L’envie aussi pour les promoteurs financiers (publics ou privés) de croire en ce genre de tourisme. Eradiqué la pauvreté, tel est le maître mot de tous ces sommets qui trônent sur le toit du monde. Il faut s’en donner le moyen, garantir une longévité dans les aides financières dispensées au pays les plus pauvres c’est les soutenir aussi en les accompagnant dans la gestion de leur patrimoine touristique.

Que signifie pour vous tourisme de masse ?

Le tourisme de masse est un tourisme qui dépasse par son nombre le bon fonctionnement de l’endroit où il est accueillit.
Souvent par des prix attractifs les tours opérateurs désignent des destinations phares (qu’ils auront bien soin par avance de « marchander ») pour en faire une référence en matière de voyages économiques. Malheureusement, économique ne rime pas avec écologique et même si le bien fondé de la démocratisation du déplacement de loisirs (finalement tout le monde a droit à des vacances !), les visiteurs ne sont pas tous « éduqués » aux rencontres avec d’autres civilisations.
Donc, le voyage pour tous, oui, mais avec préservation de l’identité culturel, faune, flore, rite, site etc……Le tourisme solidaire se veut en quelque sorte un précurseur (mais est-ce une utopie ? l’avenir nous le dira) en matière de conscientisation ?

A ce sujet : Lire : Jean-Didier Urbain « L’idiot du Voyage »

Quels sont à votre avis les impacts de ce type de tourisme ?

Par masse, on entend (et on imagine très bien tout ce qu’il a déjà de péjoratif). Masse de touristes veut obligatoirement dire masse de déchets (après consommation), masse d’eau utilisée, masse de pas sur les monuments historiques, masse de véhicules pour les transporter (avions, bus…) tout en régulation non contrôlée. Le tourisme durable et responsable est l’apôtre à fortiori d’un tourisme « doux ».
De plus, le tourisme dit « grand public », n’est pas mesurable de la même façon au nord comme au Sud. S’il arrive des charters entiers à Malaga, que les côtes son t de plus en plus goudronnées, nous pouvons nous dire que c’est bien dommage. L’Espagne perd ainsi son identité (mais depuis elle réagit et a mit au point des normes draconiennes dans l’octroi de permis pour les nouveaux projets hôteliers), la richesse de sa culture est ainsi bafouée….mais finalement on se dit, ils sont européens, ils savent ce que sont des normes, le jour où ils seront vraiment dégoûtés de cet afflux massif ils réagiront ….ce qu’ils ont fait d’ailleurs.
Quand nous nous implantons dans un pays du sud, notre responsabilité est tout autre. En évitant le protectorat (colonialiste ou paternaliste, comme on veut….) nous avons un réel enjeu, une réelle responsabilité à faire connaître un lieu, un pays, une population. Il va de notre crédibilité et de notre devoir, d’entreprendre un travail de formation, d’éducation, de connaissances des peuples et de leurs différences. Nous devons aussi à une moindre échelle que chez nous (au Nord), engagé un processus de responsabilisation dans la gouvernance de son propre monde. Accueillir, oui, mais à quelle hauteur de notre dévouement. Jeter, oui mais comment. Accepter de l’argent, oui mais pour quoi. Un engagement de parts et d’autres, oui, mais lequel…..etc. Ces questions sont déjà un réel souci dans notre société de consommation alors comment y parvenir dans un monde de précarité.

Isabelle Lanfranconi- Lejeune
(août 2005)- www.tourismforhelp.org

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