Le village de Jayyous mise sous pression par l’armée israélienne

Par Cindy Zahnd
Jayyous, le 20 février 2009

Nous sommes le 19 février 2009. Avec un ami qui habite Jayyous et qui me sert d’interprète, nous recueillons les témoignages de villageois:

« Mon fils de 17 ans à été arrêté à 2 heures du matin. Plus de 15 soldats sont entrés de force dans la maison, ils l’ont menotté et lui ont bandé les yeux. Ils l’ont emmené dans le bâtiment de l’école pour l’interroger. Depuis il est détenu en Israël dans un lieu inconnu, on a aucune nouvelles de lui. »
« Ils sont entrés au milieu de la nuit, ont fouillé dans toute la maison et sont montés sur le toit. Je suis monté pour voir ce qui se passait, après cela je ne me souviens plus de rien. ». Sa femme complète: « Neuf soldats l’ont porté dans la chambre à coucher, il était inconscient, l’un d’entre eux l’a frappé dans l’estomac. Un soldat lui a fait une injection intraveineuse, il a commencé à saigner beaucoup. Ils ont appelé le médecin de l’armée mais il ne pouvait rien faire de plus. 3 heures plus tard ils ont finalement appelé l’ambulance.»
«Il était 8 heures du matin quand les soldats sont entrés chez nous pour nous arrêter mon frère et moi. Ils nous ont bandé les yeux, mis des menottes et emmenés dans le bâtiment de l’école ou étaient déjà détenus plusieurs dizaines de jeunes du village. Au bout d’un moment ils m’ont emmené dans autre pièce ou j’ai été interrogé. Le capitaine m’a demandé si je voulais travailler pour eux, menaçant de retirer à mon père son permis de travail (il travaille en Israël). Je lui ai répondu qu’ils m’avaient déjà tiré dessus la semaine dernière, qu’ils pouvaient me tuer si ils voulaient mais que jamais je ne les aiderai. »

«Au bout d’un moment je ne pouvais plus supporter la position avec les mains attachées dans le dos. J’ai crié pour demander qu’on me détache. Quand le soldat à détaché les menottes, je suis tombé par terre en avant. Puis ils m’ont emmené dans une autre pièce. Là j’ai été interrogé par 5 capitaines différents. »
«Un capitaine m’a interrogé. Il m’a posé des questions sur ma famille, mes enfants. Lorsqu’il m’a demandé quel est mon rêve je lui ai répondu que je rêve de la fin de l’occupation et de vivre en paix. Pendant ce temps, dans notre maison, tous les membres de la famille ont étés emmenés de force dans une pièce, y compris mes enfants Alaa(6), Abed El Jaber (4) et Adnan (3). Ils ne les ont pas autorisé à sortir de cette pièce, pas même pour aller aux toilettes. Ils ont fouillé partout dans la maison et ont volé 450 Shekels dans un sac. Environ 20 soldats ont occupé la maison, de 2h30 jusqu’à 7h du matin. Certains ont dormi dans nos lits.»
« Ils ont lancé des bombes sonores dans la maison et ont volé un album avec des photos de famille. »
« Mon frère et moi avons été arrêtés et emmenés dans le bâtiment de l’école. Après m’avoir interrogé, ils ont attaché mes mains et mes jambes ensemble, un soldat m’a poussé par terre et m’a donné des coups de pieds. »
« Quand j’ai entendu mon frère crier j’ai commencé à hurler d’arrêter de frapper mon frère. Un soldat est venu derrière moi, il a pointé un couteau dans mon dos, me menaçant de me tuer si je ne me taisais pas. Le soldat qui battait mon frère est ensuite venu vers moi et a commencé à me frapper, je suis resté silencieux. »

« Ils ont forcé toute la famille à rester dans une pièce pendant qu’ils occupaient toute la maison. Ils sont montés sur le toit et y ont hissé des drapeaux israéliens. Ils ont occupé la maison de 2h du matin jusqu’à 7h le soir suivant. »

Les troupes israéliennes ont envahi le village au milieu de la nuit, de nombreuses maisons ont été occupées et utilisées comme bases militaires. Des familles avec des enfants ont été forcées de rester dans une pièce pendant que les soldats fouillaient leur maison. Environ 80 hommes ont été arrêtés et ont été conduits jusqu’au bâtiment de l’école menottés et les yeux bandés. Là ils ont été interrogés pendant des heures, beaucoup ont étés maltraités. Certains ont étés relâchés dans l’après-midi, d’autres ont été emmenés en Israël dans des lieux inconnus. Les familles et les organisations n’ont pu obtenir aucune nouvelle d’eux.
Apparemment cette opération aurait été menée pour décourager les manifestations hebdomadaires contre la barrière de séparation qui ont lieu à Jayyous chaque vendredi.
Les habitants de Jayyous sont épuisés, ils passent la plupart de leurs nuits sur le toit de leur maison à guetter l’entrée de soldats dans le village. Quand ils s’endorment, c’est avec la menace qu’on envahisse leur village, leur maison, qu’on terrorise leurs enfants. Malgré cela ils continuent à manifester, malgré la violence de la répression, malgré le fait que plusieurs d’entre eux se soient fait tirer dessus durant les dernières manifestations. Ils n’ont peur de rien, un peu comme s’ils n’avaient plus grand-chose à perdre.
Leur combat, ce n’est pas seulement pour leur village qu’ils le mènent, mais pour toute la Cisjordanie, pour tous les opprimés. Et pour les oppresseurs aussi. « Tous ceux qui préfèrent la paix à la puissance et le bonheur à la gloire devraient remercier les peuples colonisés de leur mission civilisatrice. »1 Parce que leur résistance rend leurs oppresseurs « un peu plus modestes, moins racistes et plus humains ».
Quand les soldats sont entrés dans leur maison au milieu de la nuit, la femme d’Abed leur a demandé « Qu’est-ce que vous voulez, un thé, un café ? ».

Facts :

Jayyous est une communauté agricole de 3700 habitants au nord de la Cisjordanie.

La colonie Israélienne de Zufin à été construite en 1989 sur les terres appartenant a Jayyous. Un plan d’expansion est prévu pour Zufin.

Le mur de séparation à été érigé en 2003 6km à l’intérieur des terres depuis de la frontière d’armistice de 1948.

Le mur à isolé 75% des terres cultivables de Jayyous. Pour cultiver leurs terres les paysans sont maintenant contraints de passer par des portails aux heures d’ouvertures contraignantes. Pour obtenir l’autorisation de traverser ces portails, les habitants doivent passer par un système bureaucratique aléatoire qui peut prendre plusieurs années. Actuellement seulement 18% des habitants ont obtenu ce permit.

Les restrictions d’accès aux terres cultivables représentent une menace pour des centaines de famille pour lesquelles l’agriculture est la principale source de revenus.

La barrière de séparation est entrain d’être déplacée maintenant, ce qui aura pour résultat de détruire encore plus des terres de Jayyous. C’est pourquoi chaque vendredi à Jayyous sont organisées des manifestations contre la barrière de séparation.

Source : The Humanitarian Impact of the Barrier, july 2008 reported by
United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (UNOCHA)
United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East (UNRWA)

Les opinions émises dans cet article sont personnelles et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Peace Watch Switzerland ou du Conseil Œcuménique des Églises. Pour publier cette information ou la diffuser plus loin, contactez Peace Watch Switzerland : infosuisseromande@peacewatch.ch

Peace Watch Switzerland s’occupe de la recherche, de la formation et du suivi de volontaires souhaitant s’engager pour un minimum de trois mois avec le projet EAPPI (programme d’accompagnement œcuménique pour la Palestine/Israël). Ce projet a été initié par le Conseil Œcuménique des Églises en 2001 et a comme buts : l’observation des droits humains, la protection et l’accompagnement des populations civiles, le soutien aux organisations israéliennes et palestiniennes pour la paix et aux communautés chrétiennes.
Pour plus de renseignements : www.peacewatch.ch infosuisseromande@peacewatch.ch, pour votre soutien: CCP 87-356427-6

1. BRICMONT Jean, Impérialisme Humanitaire.

Laisser un commentaire