« L’EAU N’EST PAS DU COCA-COLA »

Quelques pas en avant

Un regard en arrière permet de signaler des avancées dans la réflexion planétaire sur l’eau, devenue l’un des thèmes les plus largement débattus tant dans les institutions des Nations Unies que dans les forums alternatifs.

Le rapport 2006 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) demande aux gouvernements de reconnaître l’accès à l’eau comme un droit humain et de fournir à leurs concitoyens de l’eau potable pour éviter les maladies.

De son côté, le 27 novembre 2006, le Conseil des droits humains a chargé le haut commissariat des Nations Unies de mettre en chantier une étude qui devrait être présentée avant septembre 2007 sur « … L’accès équitable à l’eau potable… selon les lois internationales des droits humains… ».

Malgré ces pas concrets, l’accès à l’eau potable reste un immense défi. Et pour parler des défis futurs, l’un d’entre eux est la nécessité d’une convention internationale sur ce thème, relève Rosemarie Bär, responsable à la politique du développement d’Alliance Sud et animatrice du séminaire de Berne.

Même si cette convention ne résoudrait pas tous les problèmes d’un coup de baguette magique, elle définirait un nouveau cadre institutionnel planétaire : en considérant le droit à l’eau comme un droit humain fondamental (contraignant sur le plan juridique) ; en protégeant les réserves et leur caractère de bien public de l’humanité

Division des « eaux »

La proposition d’une convention internationale motive aussi Maude Barlow, présidente du « Conseil des Canadiens », co-fondatrice du « Projet Planète Bleue » et titulaire du Prix Nobel alternatif (qui lui a été décerné pour son engagement écologique). Cette convention des Nations Unies servirait de modèle aux constitutions des différents Etats.

« L’eau n’est pas du coca-cola », souligne la militante canadienne pour différencier la notion de bien public et celle de marchandise négociable. Et bien que la lutte pour assurer l’accès à l’eau continue d’être la partie la plus importante du mouvement global pour la défense de ce liquide vital, la convention fait figure de proposition dynamique pour unir le mouvement.

Une vision latino-américaine

« L’eau représente l’un des principaux champs de lutte dans une Amérique latine, indignée par le processus de privatisation croissante appliquée sur toute la planète », souligne le juriste mexicain Rodrigo Gutiérrez Rivas, qui revendique aussi la valeur d’un traité international.

« Ce sont des aspects différents d’une même stratégie », déclare ce jeune chercheur de l’Université nationale autonome de México (UNAM), par ailleurs membre de la « Coalition des organisations mexicaines pour le droit à l’eau » (COMDA).

Gutiérrez Rivas considère que « l’échec fracassant des privatisations d’entreprises d’eau » en Amérique latine et la nouvelle étape de construction démocratique que vit ce continent « confèrent un rôle très important à la mobilisation pour ce liquide vital. C’est une revendication très ressentie, chaque jour, en tous lieux… »

Il se réfère aux combats contre la privatisation menée en Bolivie et en Argentine, à la mobilisation pour faire reconnaître le droit à l’eau comme un droit constitutionnel en Uruguay, à la participation croissante du Mexique à ce mouvement.

Et l’expérience ne cesse de nous enrichir, affirme le jeune militant mexicain. Dernier épisode en date : la lutte menée par les habitants de La Perota (Etat de Guerrero), près d’Acapulco, contre un barrage qui inonderait 7000 hectares.

« C’est un combat emblématique », poursuit-il, parce qu’il est mené par des paysans menacés d’être délogés. « Ils impulsent une stratégie combinée de recours politiques et juridiques », en revendiquant aussi l’eau comme un droit fondamental universel (1). Ce qui « leur garantit une certaine protection et une reconnaissance. En tout cas, cela empêche de les traiter comme des subversifs et des criminels (2) », conclut Gutiérrez Rivas.

*Sergio Ferrari
Trad H.P.Renk
Collaboration E-CHANGER, ONG suisse de coopération solidaire

1) un développement très contemporain du droit à l’existence, reconnue dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1793), en prélude à la première Constitution républicaine en France.
2) Cf. sur le site Internet www.risal.collectifs.net les articles consacrés à la répression menée ces derniers mois par les autorités mexicaines contre l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca.

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