Les acteurs de la société civile suisse font le bilan de la coopération 2011

 
« L’aspect positif »
 
Peter Niggli est le directeur d’Alliance Sud, plateforme réunissant six des plus importantes ONG suisses œuvrant dans la coopération. Il affirme que la décision du Parlement suisse « constitue l’élément le plus significatif de 2011 ».
 
Il déclare que c’est l’heureuse conclusion d’un long chemin d’exigences et de mobilisation des ONG qui a commencé en 1992 déjà. Cette lutte est illustrée par la pétition populaire lancée en 2008 pour exiger une augmentation du budget attribué à la coopération afin de le porter à 0,7 % du PIB. Plus de 200’000 personnes ont signé cette pétition.
 
« Même si nous ne sommes pas parvenus à l’objectif maximum prévu, l’augmentation est significative », ajoute Peter Niggli. Il souligne la signification toute spéciale de cette décision en ce temps de crise qui affecte toute l’Europe et le monde occidental en général.
 
Le directeur d’Alliance Sud rappelle qu’il existait même une proposition de réduire le budget national destiné à la coopération et que, finalement, il fut augmenté…
 
« Les gens sont sensibilisés »
 
Maxime Gindroz est responsable de la communication à la FEDEVACO, une fédération qui réunit 38 associations et ONG du canton de Vaud qui travaillent pour la coopération avec les pays du Sud. Il abonde dans le sens de Peter Niggli. « C’est un succès considérable mais toutefois incomplet » puisque la société civile misait sur une augmentation plus importante. Cela implique de nouvelles tâches pour le futur, entre autres maintenir une étroite relation avec les parlementaires et les personnages politiques afin que le thème de la coopération continue à occuper la place qui lui revient. »
 
Maxime Gindroz énumère également quelques initiatives d’information et de sensibilisation publique que la FEDEVACO a mené à bien en 2011. La manifestation la plus récente fut la 5ème édition du Marché Solidaire de Noël qui eut lieu à Lausanne en décembre dernier. « Des milliers de personnes se sont mobilisées et ont acheté des produits du commerce équitable liés à des projets de nos associations membres, avec un bénéfice de plus de 30’000 francs qui seront affectés au Sud. »
 
« Cette action démontre que les gens continuent de répondre positivement. Ils restent activement sensibilisés malgré la situation de crise qui sévit en Europe. Ils expriment leur solidarité et leur générosité à travers des actions concrètes », souligne Gindroz.
 
Maxime Gindroz relève une autre initiative très positive de l’année 2011: la Rencontre Nationale sur la santé publique et la nutrition, organisée par les autorités cantonales vaudoises en charge de ce secteur qui ont notamment invité des représentants du Népal. « Nous avons pu constater une fois de plus que nous appartenons à un monde globalisé, que nous devons sortir de l’auto-centrisme et reconnaître qu’il existe des réalités et des préoccupations communes. Si le problème majeur du Sud lié à la nutrition est la sous-alimentation, dans nos sociétés du Nord, l’une de nos inquiétudes principales est l’obésité », souligne-t-il.
 
 
Un échange Nord-Sud plus complet
 
Diverses expériences vécues dans les pays du Sud constituent « d’importants points de référence au moment de réaliser le bilan 2011 », explique à E-CHANGER.COM Martin Schreiber, secrétaire général de UNITE.
 
UNITE est une plateforme qui rassemble 22 ONG suisses qui travaillent dans le domaine de l’échange de personnes, c’est-à-dire qui soutiennent des volontaires suisses actifs dans des projets en Afrique, Asie et Amérique latine.
 
L’un de ces « moments significatifs » fut la rencontre des coordinateurs locaux des organisations de UNITE présentes en Afrique. Cette réunion s’est déroulée en octobre dernier à Nairobi, Kenya.
 
« Le thème de la jeunesse a constitué le cœur du débat. Comment favoriser des projets durables de production avec un accent mis sur le renforcement de l’autonomie? Comment éviter l’abus des jeunes de la part des élites économiques et politiques? Et comment promouvoir une coopération suisse plus effective qui prioriserait ces acteurs stratégiques de la société civile africaine? » se demande Martin Schreiber.
 
Un autre apport significatif se trouve dans les réflexions du Forum International de Mombasa, Kenya, forum organisé également en octobre lors duquel « nos partenaires africains nous ont confronté à des thèmes sensibles comme la nécessité de promouvoir le volontariat Sud-Sud en Afrique même et de créer des opportunités pour que de jeunes volontaires africains puissent également venir faire des expériences en Suisse », commente le secrétaire de UNITE.
 
Lors de cette réunion, on souligna « la préoccupation de plusieurs représentants d’ONG du monde entier devant la tendance croissante de certains pays occidentaux d’instrumentaliser l’envoi de volontaires pour favoriser leurs propres priorités politiques ou économiques, dévalorisant ainsi le rôle de la coopération vue comme un apport réellement solidaire au développement du Sud ».
 
Ce thème est central dans le débat sur les perspectives d’avenir proche. Peter Niggli confirme: « Je suis préoccupé par la tendance actuelle toujours plus hégémonique de nombreux pays riches qui cherchent à manipuler la coopération au développement pour qu’elle coïncide avec leurs propres objectifs de rentabilité ». Autrement dit, en essayant de conditionner « la coopération au Sud à leurs propres intérêts structurels, économiques et stratégiques ».
 
« Bien que cette tendance soit assez faible en Suisse pour le moment, il est fondamental d’analyser la situation internationale et les lignes d’action qui se profilent dans la coopération au développement au niveau mondial, parce que cela aura toujours une incidence directe dans notre propre débat au niveau suisse », conclut Peter Niggli.
 
Sergio Ferrari
Traduction Rosemarie Fournier
Collaboration E-CHANGER
 
www.alliancesud.ch
www.fedevaco.ch
www.unite-ch.org
 
 
Une hausse du budget pour la coopération
 
Le Parlement suisse a décidé cette année d’augmenter le budget affecté à la coopération au développement. D’ici à 2015, ce dernier devrait grandir jusqu’à atteindre 0,5 % du Revenu National Brut.
 
La décision des Chambres fédérales a mis fin à une année de débats. C’est la première fois que le Parlement décidait de lui-même une augmentation de l’aide au développement.
 
Selon les ONG suisses, c’est la Campagne 2007-2008 « Tous contre la pauvreté » demandant le passage à 0,7 % du budget d’aide aux pays en voie de développement qui fut déterminante quant à la décision des parlementaires.
 
Cette campagne a été soutenue par plus de 70 organisations de développement, de droits humains, écologiques, syndicales, religieuses… parmi les plus importantes de Suisse. Elle parachevait une pétition présentée au Parlement en mai 2008, munie de plus de 200’000 signatures.
 
Le canton de Genève a inscrit dans sa propre constitution le chiffre de 0,7 % de budget destiné à la coopération. De nombreuses communes de ce canton appliquent déjà ce pourcentage.
 
La commune de Mies vient d’annoncer qu’elle destinera le 0,7 % de son budget pour des projets au Sud. C’est la première commune vaudoise à adopter ce pourcentage qui est l’un des principaux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) que promeuvent les Nations Unies (Sergio Ferrari/ E-CHANGER)

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