Les étudiants colombiens impulsent un nouveau type de protestation sociale

Jeudi 10 novembre , 80.000 manifestants ont mené « la prise de Bogota ». Selon des dirigeants de mouvements sociaux colombiens, il s’agit de la principale manifestation de cette dernière décennie dans la capitale. Jusqu’ici, la plus importante manifestation s’était produite en novembre 2007, avec 50.000 participants ayant répondu à l’appel contre la guerre lancée par la Route pacifique des femmes.

Dans un communiqué, quelques heures avant la manifestation, les organisateurs ont réitéré leurs exigences d’« une éducation alternative, démocratique, gratuite, au service de la majorité ».

Depuis le 12 octobre, plus d’un demi-million d’étudiants universitaires participent à une grève générale dans 32 universités. Ils exigent le retrait du projet de loi sur l’éducation supérieur, présenté au Congrès par le président Juan Manuel Santos.

« Une nouvelle culture politique »

Cette protestation étudiante « déconstruit toute la logique traditionnelle de manifestations violentes, en vigueur depuis des décennies dans notre pays », estime Diana Sanchez, dirigeante de l’Association MINGA, l’une des organisations les plus importantes des mouvements sociaux dans l’accompagnement des droits humains.

« C’est un mouvement novateur, créatif, jamais vu auparavant. Il amène de l’air frais dans le scénario des luttes sociales colombiennes. Avec un contenu clair, des messages directes, une méthodologie non-violente, un grand pluralisme et une diversité de ses participants », explique Diana Sanchez. L’ampleur du mouvement « exprime une condamnation claire de tout type de violence », souligne-t-elle.

Des contenus clairs

Ces dernières heures, le Bureau national élargi des étudiants (MANE), organe coordinateur de la protestation dès ses débuts, a réitéré son appel au gouvernement pour la tenue d’un débat public, le 15 novembre. En même temps, dimanche passé, il a commencé à élaborer un projet de loi alternatif à celui du gouvernement.

Le projet étudiant reprend les principes basiques de son « Programme minimum », annoncé en septembre. Premièrement, l’exigence « de garantir l’éducation comme un droit et une condition du développement national, en écartant toute connotation mercantile ». Les étudiants rejettent donc « intégralement et catégoriquement » le projet de la nouvelle loi sur l’éducation supérieure et toute mesure ouvrant au profit et aux transnationales de l’éducation supérieure, y compris celles qui font partie des traités de libre commerce et d’autres accords commerciaux sur cette matière signés par la Colombie.

Le mouvement étudiant préconise aussi « le renforcement de l’autonomie universitaire » et de l’Université publique, contre la vision gouvernementale favorisant la privatisation du niveau tertiaire.

Il défend la qualité académique, le plein exercice des libertés démocratiques dans l’éducation, en soulignant l’étroite relation entre éducation et société. Il appelle donc tous les secteurs de la société civile à soutenir cette lutte qui concerne « l’ensemble de la société colombienne ». Il préconise un nouveau modèle pédagogique, qui génère des alternatives aux problématiques sociales, économiques et environnementales du pays, dans l’unité des « groupes ethniques et culturels formant la nation colombienne ».

« Pédagogie, sans violence » fut l’une des consignes les plus chantées durant les manifestations du 10 novembre. Des groupes d’étudiants très bien organisés, avec des affiches pacifiques, s’interposèrent lorsque des groupes de manifestants plus radicaux tentaient de provoquer les cordons de police installés le long des principales artères de Bogota.

Sergio Ferrari,  depuis Bogotá
collaboration E-CHANGER et Le Courrier
Traduction H.P.Renk
 

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