Les partenaires de l’Alliance2015 & ACTED signent une tribune adressée au sommet du G20 dans le journal Le Monde

Frédéric Roussel, Tom Arnold, Shenggen Fan, Wolfgang Jamann et Giangi Milesi
La crise financière et les menaces de récession seront au centre de toutes les attentions lors du sommet du G20 de Cannes. Pour autant, la gravité des problèmes économiques ne doit pas occulter une autre urgence qui continue d’affecter près d’un milliard de personnes à travers le monde : la faim. Dans le cadre de sa présidence du G20, la France a intégré à son agenda les problématiques de la sécurité alimentaire et de la hausse des prix agricoles. C’est une bonne chose, mais il faut maintenant concrétiser.
Quelle est l’ampleur de cette urgence ? Selon l’Indice 2011 de la faim dans le monde, la planète produit assez de calories pour couvrir les besoins de sa population. Pourtant, si la faim dans le monde a diminué en proportion depuis deux décennies, les chiffres absolus restent inchangés.
Certes, quelques progrès ont été enregistrés depuis 20 ans, et certains pays ont même connu des améliorations substantielles : le Cambodge, le Ghana et le Nicaragua ont ainsi nettement amélioré leur indice de la faim depuis deux décennies. Mais la faim demeure encore à des niveaux inacceptables en Asie du sud et en Afrique subsaharienne, où la santé et la survie de millions de personnes sont menacées par l’absence d’une alimentation nutritive. Surtout, ces progrès sont en danger, car depuis quelques années, la montée en puissance d’une nouvelle économie alimentaire mondiale, marquée par l’instabilité et l’imprévisibilité des prix des denrées agricoles de base, compromet sérieusement l’objectif de réduction durable de la faim dans le monde, fixé par les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Cette instabilité des prix agricoles de base, après des décennies de stabilité, est certes liée à la croissance démographique et à la hausse des niveaux de revenus mais elle est surtout considérablement aggravée par la production d’agrocarburants, les chocs climatiques, la réduction des politiques agricoles, voire la spéculation.
L’impact sur les consommateurs les plus pauvres est évident, en mettant les aliments les plus nutritifs, les fruits, les légumes et la viande hors de leur portée. Mais quelle est la conséquence pour les fermiers ? Profitent-ils de la hausse des prix pour accroître leurs bénéfices et pour produire davantage ? En théorie peut être, mais la réalité est toute autre. Nombre de fermiers dans les pays en développement demeurent en effet des consommateurs alimentaires nets : ils achètent davantage de nourriture qu’ils sont capables de produire. Pour ces communautés, la hausse des prix est un fardeau supplémentaire plus qu’un avantage.
D’autant plus que le yo-yo des cours alimentaires occulte la visibilité sur les revenus des récoltes à venir. Les fermiers pourraient investir dans l’achat de semences de qualité ou dans des engrais – des investissements qui contribueraient à accroître le niveau de l’offre agricole et, de fait, à réduire le prix des denrées. Mais face à l’absence de prédictibilité des marchés, ces investissements sont considérés comme trop risqués, de nombreux fermiers craignant que la baisse des prix agricoles ne vienne annuler leur marge.
Chaque jour, nos équipes sont les témoins au quotidien de ces difficultés, de ces drames parfois, de la Corne de l’Afrique à l’Asie centrale, d’Haïti au sous-continent indien, et tentent de contribuer à la sécurité alimentaire de millions de personnes, dans les contextes d’urgence ou d’appui au développement. Que demandons-nous aux représentants du G20 réunis à Cannes cette semaine ?
Ces pays ont promis un soutien à l’agriculture et à la sécurité alimentaire des pays en développement. Lors du sommet de l’Aquila en Italie en 2009, les membres du G20 se sont engagés sur des financements et des investissements à hauteur de 16,6 milliards d’euros sous trois ans. En juin 2011, le G20 a en outre pris des engagements supplémentaires pour contribuer à stabiliser les prix alimentaires en développant l’information sur le niveau des prix et l’état des stocks mondiaux, et en décidant de la mise en place de réserves alimentaires pour prévenir les conséquences des hausses des prix alimentaires.
Pourtant, deux ans après le sommet de l’Aquila, les promesses n’ont pas toutes été tenues et les efforts doivent être accrus pour s’attaquer durablement aux causes sous-jacentes de la volatilité des prix alimentaires : les politiques en matière d’agrocarburants, l’impact du changement climatique, ainsi que le manque d’investissements agricoles pour appuyer la productivité des fermiers les plus vulnérables et leur capacité de résilience.
Les pays industrialisés représentés au sommet du G20 font face à des problèmes graves, un système financier instable et en crise, une croissance économique moribonde et un niveau de chômage toujours plus élevé. Mais nous ne devons pas oublier pour autant les perspectives d’avenir dramatiques des populations du Sud dépourvues de moyens de subvenir à leurs besoins alimentaires les plus élémentaires et dont la survie est menacée. Il est temps pour le G20 de mettre en œuvre ses promesses et de s’engager de manière déterminée pour stabiliser le système alimentaire mondial.
http://www.acted.org/fr/g20-face-faim-il-faut-concr-tiser

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