Libéria: après les élections, le pays marche sur un fil

Les élections d’octobre et novembre 2005 sont-elles enfin annonciatrices d’une ère de paix et de stabilité au Libéria ou sont-elle plutôt porteuses de tensions politiques et de troubles meurtriers? Le peuple libérien reste dans l’expectative, accompagné pour l’épreuve par quelques 15,000 troupes de l’ONU qui contribuent grandement à conférer une apparence de calme dans ce pays déchiré de toutes parts.
Si le conflit donne aujourd’hui l’impression d’être terminé, la majorité de la population n’en continue pas moins de lutter au quotidien, en particulier dans les zones rurales, pour assurer sa survie.
La situation sanitaire reste très précaire et les structures de soins sont bien incapables de faire face aux besoins. Dans le nord du pays, dans le Nimba County où MSF intervient depuis plus de deux années auprès des populations tant pour la prise en charge des soins de santé primaires que dans un hôpital, il reste, pour les autorités beaucoup à faire pour que les populations puissent bénéficier de services de soins acceptables. Tout manque, depuis les médicaments jusqu’aux moyens pour payer les salaires des personnels de santé et rien ne permet de penser que cette situation va s’améliorer rapidement. Comme toujours, ce sont les plus démunis qui en souffrent et parmi eux, en premier lieu les femmes et les enfants.
 
La grande majorité des populations dont MSF a pris la charge au Liberia depuis le début des années 90, sont des personnes déplacées, qui ont dû quitter leurs villages à cause de l’insécurité, en laissant sur place le peu qui leur appartenait. Qu’ils soient libériens, déplacés à l’intérieur de leurs frontières ou réfugiés de Côte d’Ivoire, fuyant les troubles qui jettent les unes contre les autres des communautés désemparées, ils vivent tous encore aujourd’hui dans une précarité qui fait apparaître la reconstruction comme un mirage bien virtuel.
 
C’est bien de virtualité en effet dont il faut parler lorsqu’il est question de reconstruction du secteur sanitaire au nord du Libéria. Là, encore aujourd’hui, plus de deux années après la fin du conflit, les structures sanitaires sont quasiment inexistantes. A Saclapea, au centre géographique du county, qui se trouve à plus de 8 heures de route de la capitale, Monrovia, c’est toujours aujourd’hui l’hôpital provisoire sous tente construit par MSF qui assure le service hospitalier. Les gens viennent de parfois plus de 100 kilomètres pour recevoir des soins qui y sont dispensés gratuitement. On peut cependant imaginer facilement, compte tenu des distances, de l’état lamentable des pistes et du manque général de moyens de transport, que bon nombre de personnes malades ne reçoivent jamais de soins.
 
Des cliniques mobiles à la rencontre des patients :
C’est pour faire face à cette situation que MSF a mis en place des cliniques mobiles dont la vocation est d’aller à la rencontre des patients, dans les zones isolées du county. En effet, si la population de Saclapea n’est que de 30,000 « résidents » en ville, le county compte plus de 200,000 personnes. Les cliniques mobiles se déplacent dans 8 sites différents du Nimba County, choisis afin d’assurer une présence médicale dans des endroits identifiés comme particulièrement sensibles.
 
C’est dans ce contexte qu’Adam Walter, infirmier, vient de passer 6 mois cette année à Nimba pour la section Suisse de MSF. Volontaire néo-zélandais recruté à Sydney par MSF Australie, Adam Walter a sillonné la région dans les cliniques mobiles de MSF, jour après jour, semaine après semaine. Il est souvent allé jusqu’à la frontière de la Côte d’Ivoire et a pénétré avec l’équipe de MSF dans les parties les plus éloignées du pays pour prodiguer des soins médicaux de base. Les maladies les plus fréquentes sont habituelles en terre africaine ; elles sont aussi souvent meurtrières : le paludisme, pour un tiers des cas, les maladies sexuellement transmissibles et les infections respiratoires aiguës.
 
Pour Adam Walter  » le manque d’infrastructure sanitaire est tel qu’il nécessite toute la mobilisation du peuple libérien » et d’ajouter : « y compris des ex-combattants et des anciens rebelles dont la réintégration dans la société civile est un enjeu majeur au Liberia aujourd’hui. »
 
Le but, à court terme pour 2006, est de tout faire pour transformer ces unités mobiles en centres de santé fixes, avec le soutien et l’apport direct de la population locale et en poussant aussi les autorités à apporter leur concours. Et de fait, certains villages en sont déjà à aménager ou à reconstruire des centres qui avaient subi des dégâts pendant la guerre
« A part le financement, explique Adam, c’est aussi le manque de ressources humaines qui est problématique. La société a été complètement déstructurée et fracturée après presque 15 ans de guerre civile. A moins, en particulier, d’une réintégration des ex-combattants, les problèmes ne vont pas être résolus. Au contraire ils persisteront et la situation risque bien de dégénérer à nouveau. »Le désarmement et la réinsertion, restent donc, encore aujourd’hui, des enjeux clés d’un futur succès de la reconstruction et de la pérennisation de la paix. Une ombre noire au tableau, ce sont ces soldats libériens démobilisés de leurs anciens postes et désenchantés par la vie civile qui ont décidé de rejoindre les milices ivoiriennes, en plein essor de l’autre côté de la frontière.Le travail de MSF sur le terrain se poursuit dans ce contexte et les équipes présentes continuent de dispenser des soins médicaux gratuits à toute une population fragilisée et fortement traumatisée par 15 années de guerre civile.Les traumatismes de cette société qui sort avec difficulté de cette guerre, ce sont bien souvent les femmes qui les subissent de plein fouet, conséquences des violences faites par des combattants ayant perdu leurs repaires. C’est pour faire face à cette réalité que MSF vient de lancer un programme dont le but est d’aider ces femmes et aussi ces enfants qui subissent dans le Nimba county des violences qu’ils préfèrent souvent taire par peur des conséquences. »La résistance du peuple libérien, conclut Adam Walter, a été mise à trop rude épreuve pendant toutes ces années. Si aujourd’hui le pays semble en marche, cette marche se fait sur un fil qui, d’un seul coup peut encore se briser. Dans ce contexte, la présence de MSF auprès des libériens défavorisés prend donc encore maintenant toute sa signification. »
 
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