Nicaragua:les défis du pouvoir sandiniste

Ernesto Zelaya est avocat à San Marcos, dans le département de Carazo. Il est âgé de 55 ans, marié et père de 4 enfants. Membre de la Jeunesse sandiniste depuis 1976 (trois ans avant la Révolution sandiniste) et du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) dès 1978, il analyse la situation actuelle au Nicaragua.
Q: Après 16 ans de gouvernements néo-libéraux, le Front sandiniste est de retour au pouvoir depuis 5 ans et demi. Quelles améliorations le Nicaragua a-t-il connu pendant ces années d’administration sandiniste ?
On a pu observer d’importants changements pour ce qui est de l’attention portée aux secteurs sociaux les plus vulnérables. Lorsque les néo-libéraux étaient au pouvoir, les pauvres ont été délaissés et la priorité a été donnée au développement du commerce et aux secteurs qui étaient proches des gouvernements de l’époque. Avec le retour de Daniel Ortega, la gratuité d’une série de services publics a été restaurée, par exemple dans les domaines de la santé et de l’éducation. Sous les régimes néo-libéraux, ces services se virent exclus des programmes du gouvernement, tant et si bien que, par exemple, les vaccins étaient payants. Dans certains, cas les soins hospitaliers furent privatisés, et ils tentèrent même de privatiser la sécurité sociale.
En outre, le gouvernement sandiniste a décidé de subventionner certains biens et services en faveur de l’ensemble de la population, comme c’est le cas du combustible dans le secteur du transport. Il faut mentionner aussi que, durant les années de pouvoir néo-libéral, un des problèmes les plus graves fut l’exonération fiscale accordée au capital privé : on arrêta d’encaisser des impôts dus au fisc national, alors que ces revenus étaient nécessaires pour aider les plus nécessiteux.
 
Q: Des reculs se sont-ils également produits sous le gouvernement actuel ?
Du point de vue social, je ne crois pas qu’il y ait eu de reculs. Politiquement non plus, mais je ferai quelques remarques sur le mode de gestion politique du pays. Par exemple dans le domaine de l’application des lois ou sur les modalités de fonctionnement de l’Assemblée nationale. Il devrait exister une réelle indépendance des pouvoirs de l’État, afin de renforcer l’état de droit tel que l’établit notre Constitution. Or on constate  qu’aujourd’hui cette autonomie des différents pouvoirs n’est pas réalisée, qu’elle n’est pas solide. Et cela pas uniquement parce que ce serait peut être la volonté du gouvernement. Une des causes en est que l’opposition, pour se maintenir au pouvoir, cède certains espaces tout en négociant chaque poste qui pourrait bénéficier à ses dirigeants.
 
Q: Vous entendez par là que les pouvoirs de l’État ne sont pas totalement indépendants les uns des autres?
En effet. On parle du pouvoir judiciaire, du pouvoir des électeurs et de l’Assemblée nationale. Mais il n’y a pas d’équilibre entre ces pouvoirs et le pouvoir exécutif.
 
Q: Si les pouvoirs que vous mentionnez ne sont pas indépendants, de qui dépendent-ils donc?
Au Nicaragua les divers organes de l’État ont toujours dépendu du parti au pouvoir. Lorsque l’exécutif était libéral, ce sont les libéraux qui dirigeaient les autres pouvoirs de l’État. Actuellement, c’est le Front sandiniste qui est au gouvernement et qui contrôle l’ensemble des autres pouvoirs.
 
Q:Cette absence d’autonomie des pouvoirs de l’État semble être une tradition au Nicaragua. Qu’est-ce qui devrait changer pour qu’elle soit dépassée?
C’est un peu complexe. Pour y arriver, il devrait exister un strict respect de la Constitution et des lois. Cependant, à l’Assemblée nationale, où ont lieu les principales batailles politiques, beaucoup de députés, surtout à droite, sont susceptibles d’accepter des prébendes. Durant les gouvernements néo-libéraux, beaucoup de députés bénéficièrent de ces avantages, et le gouvernement d’Arnoldo Aleman fut le plus corrompu de l’histoire du pays. Actuellement, le Front sandiniste, avec 62 députés, domine l’Assemblée nationale et il devient très difficile pour l’opposition d’équilibrer ou de contrebalancer le pouvoir. Pour y arriver, il faudrait une véritable opposition, une opposition forte. Mais elle n’existe pas et je ne crois pas que ce sera le cas dans les prochaines années.
 
Q: Quel est votre souhait pour l’avenir du peuple nicaraguayen?
Paix, travail et liberté.
 
Josua Schädelin, ex-cooper-acteur E-CH au Nicaragua
 

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