« Nous devons battre ce gouvernement golpiste! » : João Pedro Stedile, coordination nationale du MST.

Le coup d’Etat parlementaire, judiciaire et médiatique est consommé, après de longs chapitres d’une série dont le dénouement était connu d’avance – car la plus grande partie de ses acteurs avait été déjà rétribuée pour appliquer un unique scénario.

Le problème n’était pas la présidente Dilma Rousseff, qui s’était même efforcée d’adopter le programme d’austérité exigé par la Bourgeoisie et avait mis la direction de la politique économique du pays dans les mains de la Bradesco [en nommant Joaquim Levy, ex-cadre supérieur au sein de la plus grande banque privée brésilienne, Bradesco, à la tête du Ministère de l’économie, fin 2014. Note de la traduction, NdT]. Mme Rousseff n’a pas non plus commis de crime, car M. Temer [issu du PMDB, ancien vice-président de Dilma Rousseff et maître d’œuvre de sa destitution, aujourd’hui à la tête du gouvernement provisoire, NdT] avait aussi signé les décrets de «pédalage fiscal» [Pour maintenir les programmes sociaux, Dilma Rousseff a fait appel à deux banques publiques, la Banco do Brasil et la Caixa Econômica Federal. Peu après, le Trésor National a fait un dépôt équivalent à la somme ayant été retirée des banques publiques, NdT], ainsi que plus de 17 gouverneurs, dont M. Anastasia, relateur de la commission spéciale chargée d’instruire le procès de la présidente. Aucun d’entre eux n’a été puni.

La farce était si énorme qu’ils n’ont même pas eu le courage de retirer ses droits politiques à Dilma Rousseff. Ils lui ont juste volé son mandat de présidente.

La bourgeoisie avait besoin d’un gouvernement totalement à ses ordres pour pouvoir mettre en place son plan néolibéral et redresser ainsi ses profits et son processus d’accumulation de capital, dans le contexte de la grave crise économique qui impacte aujourd’hui le Brésil, l’Amérique latine et le monde entier. Concrètement, leur objectif est de jeter le poids de cette crise sur les épaules du peuple. Pour cela, il est nécessaire de contrôler de manière absolue l’ensemble des pouvoirs de la République: l’exécutif, le législatif, le judiciaire et le médiatique.

Maintenant, la tâche qui incombe aux forces populaires et à leurs différentes expressions (partis, mouvements populaires, églises, intellectuels, artistes et moyens de communication) est d’analyser nos erreurs, de les corriger et de rester fermes et unis pour affronter les prochaines batailles, qui seront aussi importantes que le combat contre le coup d’Etat.

La prochaine bataille sera celle que nous mènerons pour défendre les droits sociaux et des travailleurs face à l’avalanche néolibérale venue du Congrès, qui aura pour objectif de démonter l’ensemble des droits conquis au cours du dernier siècle!

Ensuite – sans recourir à un ordre chronologique. Vient la bataille pour la défense des ressources naturelles – pétrole du pré-sal [pétrole en eaux profondes au large des côtes brésiliennes, dont le gouvernement veut confier l’exploitation à des transnationales étrangères, NdT], terres, biodiversité, minerais, eau, etc. –  que la bourgeoisie veut privatiser afin de redresser son taux d’accumulation.

Nous devrons aussi mener la bataille pour garantir que les ressources publiques – nos impôts – soient destinées à la couverture des besoins de la population, à la santé (car le démantèlement du SUS, le système public de santé, se rapproche), à l’éducation, au logement populaire et à la réforme agraire.

Nous ne pouvons pas non plus nous taire devant les dénonciations de l’opération Lava jato [Lavage express, méga-scandale de corruption lié à l’entreprise pétrolière nationale Petrobras, qui éclabousse l’ensemble de l’establishment politique, NdT], qui mettent en cause le vice-président imposteur ainsi que plusieurs ministres. Nous devons exiger une juste punition pour ces dirigeants du PSDB [Parti de la social-démocratie brésilienne, droite, principale opposition au PT], DEM [Démocrates, droite conservatrice], PP [Parti populaire, droite conservatrice] et PMDB [Parti du mouvement populaire brésilien, dont est issu Michel Temer, anciennement allié au PT], qui aujourd’hui font comme s’ils ne devaient rien à personne… et se cachent derrière des poursuites judiciaires sélectives, qui visent uniquement les dirigeants du PT.

Nous devons battre ce gouvernement golpiste. Il n’a aucune légitimité. Il n’a pas été élu par le peuple. Nombre de sénateurs qui l’ont choisi répondent à des procès pour corruption et autres méfaits. Le programme qu’il est en train de mettre en place est celui d’attaques aux droits populaires, et il n’a pas été choisi par les urnes. C’est pour cela que le mot d’ordre « Temer, dehors » est une nécessité pour reconstruire le processus démocratique brésilien.

Et la plus grande de toutes les batailles est celle de la lutte pour changer le système politique du pays, par le biais d’une réforme politique et médiatique, qui ne pourra être réalisée qu’à travers la mise sur pied d’une assemblée nationale constituante et exclusive.

Toutes ces batailles exigent des luttes massives et de grandes mobilisations populaires. L’issue la plus rapide que les rues puissent arracher est l’exigence de la réalisation d’un plébiscite populaire, qui permette au peuple de décider: de l’avenir du pétrole du pré-sal ; de la mise sur pied d’élections anticipées ; de la convocation d’une assemblée constituante.

De nombreuses luttes nous attendent.

Aux golpistes, il ne reste que les railleries que leur destinent les poubelles de l’histoire.

 

Revue, Caros Amigos, 1.09.2016

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