Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil

AYA – Appui aux Yanomami d’Amazonie présente sa lettre lettre d’information pour soutenir les peuples indigènes du Brésil No 27. Au sommaire : Le diocèse de Roraima suspend le service de santé chez les Yanomami, La SECOYA étend son aire d’activité, Raposa Serra do Sol : le Tribunal Suprême Fédéral suspend l’opération UPATAKON 3, Viande de l’Amazonie*, la forêt ou le filet de bœuf ?, Un ministre extraordinaire explique son « Projet Amazonie »

« AYA Info » peut être consulté sur les sites Internet :
Le diocèse de Roraima suspend le service de santé chez les Yanomami
L’évêque de Roraima, Dom Roque Paloschi a annoncé le 24 mars que le diocèse devait suspendre le service de santé qu’il développe dans une partie de la Terre Indigène Yanomami. Cette décision a été prise faute d’avoir reçu de la Fondation Nationale de la Santé (FUNASA) – avec laquelle il est lié par une convention – les fonds nécessaires au fonctionnement du service. Les traitements qui ne peuvent être interrompus, comme la lutte contre la tuberculose et les urgences, ont été maintenus. La FUNASA explique que la remise des fonds est retardée en raison de l’approbation tardive du budget 2008 de l’Union, intervenue seulement le 12 mars.
La SECOYA* étend son aire d’activité
La convention passée entre l’association « Service et Coopération avec le peuple Yanomami » (SECOYA) et la FUNASA pour le service de santé aux Yanomami de l’Etat d’Amazonas a été étendue à une grande partie de la Terre Indigène Yanomami de l’Etat de Roraima. La signature de l’accord a eu lieu le 10 mars et un extrait en a été publié dans le Journal Officiel de l’Union le 12 mars dernier**. Le nombre de villages concernés sera de 183 contre 20 précédemment, soit une population d’environ 12’500 Yanomami (2’500 pour la précédente convention)***. L’enveloppe budgétaire passe de 3,9 à 16 millions de Reais par année pour garantir les activités sur un immense territoire difficile d’accès. Le personnel nécessaire pour assurer le service passera de 85 à 370 professionnels. Cette extension, souhaitée notamment par les Yanomami, intervient dans un contexte de crise. En 2007, le Tribunal des Comptes de l’Union n’a pas autorisé la FUNASA à reconduire la convention passée avec la Fondation de l’Université de Brasilia qui a interrompu le service de santé auprès des Yanomami relevant de sa responsabilité. En fait, la SECOYA « reprend » cette convention. Plus tard, c’est le Ministère du Travail qui a exigé que le personnel recruté dans le cadre d’une convention avec la FUNASA le soit par la voie d’un concours public fédéral. La FUNASA devra régulariser cette situation dans les trois prochaines années. D’autre part, les associations qui ont passé un accord avec la FUNASA se plaignent des fréquents retards apportés par la Fondation dans le versement des fonds nécessaires au fonctionnement des services de santé. Consciente de la situation à risques dans laquelle elle va exercer son activité, la SECOYA a adressé un courrier au service du Ministère Public Fédéral chargé des questions indigènes pour lui faire part de ses préoccupations. Cela concerne particulièrement la gravité de la situation de santé dans les villages Yanomami laissés sans assistance adéquate depuis plus de six mois; le mauvais état du matériel et des infrastructures et le manque de médicaments.
* Partenaire de AYA / **Diário Oficial da União – Seção 3, No 49 p.196, quarta-feira 12 de março de 2008 / *** Les Yanomami sont 16’000 au Brésil.
Raposa Serra do Sol : le Tribunal Suprême Fédéral suspend l’opération UPATAKON 3
Avec deux ans de retard, la Police Fédérale (PF) préparait depuis quelques semaines le retrait des non-indiens – surtout une demi-douzaine de riziculteurs – qui sont encore sur la Terre Indigène Raposa Serra do Sol dans l’État de Roraima. Celle-ci a été démarquée en avril 2005. L’opération porte le nom d’Upatakon, « Notre terre » en langue Macuxi. Depuis la fin mars, les opposants à l’évacuation ont manifesté, parfois violemment, leur hostilité à l’action en préparation. Ils ont commis des dégâts aux infrastructures routières et créé un climat de forte tension dans la région. Le 9 avril, le Tribunal Suprême Fédéral (STF), suite à une requête du Gouverneur de l’État de Roraima, a demandé à la PF de suspendre l’opération. Le STF base sa décision sur le fait que d’autres recours sont encore à l’étude. Le Conseil Indigène de Roraima – CIR a publié un document dans lequel les communautés indigènes expriment leur amertume « Nous croyons dans le gouvernement, mais la lenteur des autorités fédérales, a permis que les ennemis de nos droits se manifestent violemment et réussissent à inverser la situation, nous sacrifiant, nous, peuples indigènes ». Elles affirment leur volonté de poursuivre la lutte engagée depuis plus de trente ans. En visite en Hollande, le président Lula a déclaré vouloir agir dans la paix et la tranquillité : « Les victimes ici sont les indiens qui habitent l’espace que nous avons démarqué ».
Pour en savoir plus (en portugais) : http://www.cir.org.br
L’Instituto Socioambiental publie (en portugais) deux de ses récentes « Notícias socioambientais » sur le sujet : http://www.socioambiental.org/nsa/index_html et un choix important d’articles sur la TI RSS
Viande de l’Amazonie*, la forêt ou le filet de bœuf ?
En 2007 et pour la première fois, dix millions de bovins ont été abattus en Amazonie légale**, soit une augmentation de 46 % par rapport à 2004. Cela représente 41 % du total des bovins abattus dans tout le pays. Cette part était de 34 % en 2004. Un tiers des exportations brésiliennes de viande « in natura » est originaire d’Amazonie, principalement des Etats du Mato Grosso, Pará, Rondônia et Tocantins. Dans une étude (1) publiée en janvier 2008, les Amis de la Terre/Brésil montrent que l’extension de l’élevage en Amazonie s’est intensifiée de manière sans précédent au long des derniers cinq ans. « Le phénomène exige une attention nouvelle spéciale en quantité et qualité de la part des autorités gouvernementales, de la chaîne commerciale, des institutions financières, scientifiques et des organisations de la société civile. Encore aujourd’hui, le Brésil sous-estime – et même ignore – les dimensions et les dynamiques de ce phénomène », par exemple sur l’importance des émissions de gaz à effet de serre. De son côté, l’association brésilienne des industries exportatrices de viande – ABIEC (2), indique que les exportations de viande bovine brésilienne vers la Suisse ont été de 9’212 tonnes en 2005, 9’820 t en 2006, 6’790 t en 2007 et 1’125 t en janvier et février 2008. L’essentiel est constitué de viande « In natura ». Sur la liste des entreprises brésiliennes exportatrices vers la Suisse publiée par la Chambre de commerce Suisse – Brésil (3), on trouve bien JBS, une multinationale de la viande, mais la liste des élevages autorisés à l’exportation n’est pas rendue publique. Ainsi, il reste difficile de savoir si les distributeurs offrent de la viande « amazonienne » aux consommateurs helvétiques.
*Voir « AYA Info No 26 » / ** Constituée des Etats suivants : Acre, Amapá, Amazonas, Maranhão, Mato Grosso, Pará, Rondônia, Roraima et Tocantins.
(1) « O Reino do Gado – Uma nova fase na pecuarização da Amazônia Brasileira » (São Paulo – Janvier 2008). Pour consulter l’étude (en portugais) : http://www.amazonia.org.br/arquivos/259381.pdf
(2) Associação brasileira das indústrias exportadoras de carne : http://www.abiec.com.br/estatisticas.asp > exportações de carne bovina brasileira por pais importador > Suiça
(3) Chambre de commerce Suisse – Brésil : http://www.swisscam.com.br/pt/info/comercio.php
Un ministre extraordinaire explique son « Projet Amazonie »
En juin 2007, Lula a appelé dans son gouvernement l’un de ses anciens opposants, Roberto Mangabeira Unger qui occupe maintenant le poste de Ministre extraordinaire des sujets stratégiques. Le Président de la République a demandé à cet ancien professeur de droit de l’université de Harvard (USA) de penser le Brésil pour les prochains 20 – 30 ans. Depuis janvier dernier, M. Mangabeira a fait plusieurs voyages en Amazonie. Au début du mois de mars, il était présent à la 37e Assemblée des Tuxauas de Roraima. À l’occasion de ses contacts, il fait connaître son « Projet Amazonie ». Pour le ministre, le Brésil du XIXe siècle a complété l’occupation du littoral atlantique; le XXe siècle a été celui de l’avance dans le Centre – ouest du pays. Au XXIe siècle, le Brésil se reconstruira à réinventer l’Amazonie. Le « Projet Amazonie » de Mangabeira nécessite un zonage économique et écologique qui rendra possible des stratégies économiques distinctes. Il distingue essentiellement deux zones. La première, l’Amazonie sans forêt, soit les parties orientale et méridionale de l’Amazonie légale et la zone franche de Manaus, dans laquelle doit être mis en œuvre un nouveau modèle économique. La deuxième, l’Amazonie avec forêt, dans laquelle doit être développée une gestion contrôlée et soutenable de la forêt. Mangabeira voit un ensemble de problèmes liés à son projet : les transports, l’énergie, l’eau (l’eau de l’Amazonie pour le semi-aride Nordestin), l’exploitation minière et les indigènes. Selon le Ministre, la transformation de l’Amazonie doit être accompagnée par la libération des indigènes. Le « relèvement » (o soerguimento) des peuples indigènes sera l’un des indices les plus importants du succès dans la transformation de l’Amazonie. Le « Projet Amazonie » doit être en premier lieu un projet brésilien de construction nationale.
Pour en savoir plus (en portugais) : http://www.amazonia.org.br/noticias/print.cfm?id=259846
Bernard Comoli avec l’aide de Silvio Cavuscens

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