Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil AYA Info – No 117 Genève, le 29 juin 2017

« AYA Info » est en ligne sur deux sites Internet : Humanitaire.ws et MCI

 

La Secoya et le DSEI Yanomami réalisent un cours destiné aux AIS

Entre le 30 avril et le 15 mai, dans le Xapono* (village) de Komixiwë*, le District Sanitaire Spécial Indigène Yanomami – DSEI-Y et le Service et Coopération avec le peuple Yanomami – Secoya, ont réalisé un cours de formation destiné à une trentaine d’Agents Indigènes de Santé – AIS en fonction dans plusieurs communautés du bassin du Rio Marauiá (un affluent du Rio Negro), dans la commune de Santa Isabel do Rio Negro, dans l’État d’Amazonas.

Ce cours est le résultat d’un riche processus de construction collective de connaissances, de réflexion et de débat sur le processus santé/maladie. Cela à partir des compétences et attributions des AIS dans leur zone d’activité. Le cours a été animé par le professeur Fernando Antonio da Silveira et Sylvie Petter, la coordinatrice du programme d’éducation en santé de la Secoya. Il s’agissait de montrer comment, la prévention et les services de base assurés par les AIS peuvent réduire environ 80% des maladies à l’intérieur des communautés.

Une partie du cours a été consacrée à l’étude du cadre institutionnel dans lequel agissent les AIS : le Sous-système de santé indigène institué à l’intérieur du Système Unique de Santé national. Ont aussi été abordées les incidences du cadre géographique et les relations intercommunautaires qui peuvent avoir une incidence dans le domaine de la santé. Globalement le cours a permis de renforcer, chez les participants, la compréhension de l’importance de leur rôle dans le travail d’éducation en santé dans leurs communautés.

Il a été financé par la Ville de Genève et le Secrétariat Spécial de Santé Indigène – SESAI.

* Prononcer « Chapono » et « Komichiwé »

 

Sylvie Petter avec les Yanomami : « La solidarité est essentielle ».

Depuis plus de six ans, Sylvie Petter, infirmière de son état, responsable du programme d’éducation à la santé de SECOYA, passe de nombreux mois dans les communautés Yanomami du Rio Marauiá. Dans un entretien qu’elle a accordé à Sergio Ferrari*, elle parle de son travail et du contexte dans lequel elle agit. Elle rappelle la difficulté d’atteindre – par bateau et pirogue – la quinzaine de communautés Yanomami de cette région de l’État d’Amazonas. La situation économico-politique dans laquelle se trouve le Brésil est à l’origine d’une détérioration de l’état de santé des communautés indigènes, notamment une augmentation de la malaria. Les programmes de prévention développés dans les communautés doivent être complétés par le renforcement de la capacité de celles-ci à défendre leurs droits à la santé, à l’accès à l’eau potable entre autres.

Après avoir évoqué le contexte culturel, notamment la conception du temps dans la culture yanomami où seul le présent existe, Sylvie est questionnée sur le rôle, les priorités de la coopération et de la solidarité. Sa réponse mérite attention : « La solidarité est essentielle, surtout dans ce moment politiquement si difficile. Dans le monde de la coopération, la tendance actuelle est d’exiger des partenaires au Sud des objectifs très clairs et la mesure des résultats, les impacts quantifiables, etc. Dans le travail avec les communautés indigènes, nous ne pouvons pas toujours répondre à ces exigences de mesure de l’impact. Raison pour laquelle on doit développer un paradigme de coopération réellement solidaire et compréhensive. Comprendre que notre rôle consiste à accompagner le chemin des Yanomami, selon leur rythme. Y compris accepter que les communautés puissent parfois prendre des décisions qui peuvent nous étonner et avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Nous devons accepter leur droit à faire des erreurs, leur droit à se chercher. Nous sommes avec eux en les accompagnant et nous devons leur répondre lorsqu’ils sollicitent de notre part une opinion ou une orientation. Mais il n’est pas acceptable d’imposer nos vues qui sont culturellement différentes. Il ne faut pas non plus élaborer des projets résultant de nos analyses. Pour être solidaires, nous devons nous approprier et vivre à fond la véritable essence de l’interculturalité. Et respecter profondément les différences conceptuelles dans la notion de temps… »

La réflexion de Sylvie interpelle sur la nature même de la solidarité que le « Nord » pratique avec le « Sud ». Notre pratique de la coopération n’est-elle pas fortement influencée par un ethnocentrisme probablement inconscient ?

* Sergio Ferrari est journaliste. Il collabore notamment avec les associations E-Changer et Novo Movimento.

L’ONU et la CIDH s’inquiètent de la situation des droits des peuples indigènes au Brésil

Le 8 juin, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, Mme Tauli-Corpuz (Droits des Peuples autochtones), M. Michel Forst (Défenseurs des droits humains), M. John Knox (Environnement) et Francisco José Eguiguren Praeli (Rapporteur de la Commission Interaméricaine des Droits Humains – CIDH sur les droits des peuples indigènes) ont publié conjointement un communiqué pour dénoncer les attaques contre les droits des Peuples indigènes et la protection de l’environnement au Brésil.

Ils rappellent le nombre élevé d’assassinats de militants écologistes et indigènes : en moyenne un mort par semaine au cours de ces 15 dernières années. Les peuples indigènes étant spécialement menacés. « Dans ce contexte, le Brésil devrait renforcer la protection institutionnelle et légale des peuples indigènes, des quilombolas* et des autres communautés qui dépendent de leur terre ancestrale pour leur existence culturelle et matérielle. »

Les rapporteurs s’inquiètent des propositions contenues dans le rapport – adopté le 30 mai – de la Commission Parlementaire d’Enquête (de la Chambre des Députés) sur l’activité de la Funai et l’Institut National de la Réforme Agraire – INCRA** qui, entre autres, veut réduire les attributions de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI. Elle est également préoccupée par la criminalisation arbitraire de nombreux anthropologues, leaders indigènes et défenseurs des droits humains engagés en faveur de la défense des intérêts des peuples indigènes.

Les auteurs du communiqué regrettent que cette Commission encourage le gouvernement à dénoncer son adhésion à la Convention 169 de l’OIT… Les auteurs sont d’avis que « Les tensions sur les droits à la terre doivent être traitées par la reconnaissance de droits et par la médiation et non par la réduction substantielle des garanties dues aux peuples indigènes, communautés quilombolas et à la protection de l’environnement. »

Cette prise de position a fait réagir le Ministère brésilien des Affaires étrangères : « Le Brésil considère infondée, l’affirmation des rapporteurs selon laquelle « les droits des peuples indigènes et le droit environnemental sont attaqués. »

Une quarantaine d’organisations indigènes, indigénistes et écologistes, ont signé une note de protestation exposant les faits qui justifient les préoccupations des rapporteurs onusiens et de la CIDH : « Nous redisons l’importance primordiale de la nécessité pour l’État brésilien de respecter les droits garantis par la Constitution fédérale du pays et par les traités internationaux auxquels le Brésil a souscrit. Cela pour interrompre l’offensive contre les droits humains et la protection socio-environnementale en cours dans le pays. »

* Communautés de descendants d’esclaves marrons

** Voir « AYA Info No 116 »

 

Intense mobilisation des Indiens du Brésil*

Du 24 au 28 avril à Brasilia, le mouvement indigène brésilien a vécu quatre jours d’intense mobilisation lors du 14e « Campement Terre Libre » qui a réuni, selon les organisateurs, plus de 4’000 représentants de deux cents peuples indigènes de tout le pays.

Un programme fourni d’ateliers, de manifestations culturelles, de débats sur les sujets qui préoccupent les Indiens, mais aussi de rencontres avec des responsables politiques, du Ministère Public fédéral et autres. Le 25 avril, une marche, en direction du Congrès, a été perturbée par la police qui a fait usage de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc**.

La « Déclaration finale » adoptée par les participants veut alerter l’opinion publique nationale et internationale sur les attaques et mesures adoptées par l’Etat brésilien qui tendent à supprimer leurs droits garantis par la Constitution fédérale et les traités internationaux ratifiés par le Brésil. « Une offensive orchestrée par les trois pouvoirs de la République en collusion avec les oligarchies économiques nationales et internationales dont l’objectif est d’usurper et d’exploiter nos territoires traditionnels et de détruire les biens naturels essentiels à la préservation de la vie et au bien être de l’humanité et de dévaster le patrimoine socioculturel que nous préservons depuis des millénaires…  Depuis qu’il a pris le pouvoir, le gouvernement de Michel Temer a adopté de graves mesures pour démanteler toutes les politiques publiques destinées à répondre de manière différenciée aux besoins de nos peuples, comme le sous-système de santé, l’éducation scolaire indigène, l’identification, la démarcation, la gestion et la protection des terres indigènes… ». Le document évoque les coupes budgétaires qui fragilisent davantage les organes publics en charge de la protection des Indiens, les projets de lois ou d’amendements constitutionnels contraires aux droits fondamentaux des peuples indigènes. En conclusion du texte, ils appellent l’ensemble de la société brésilienne et la communauté internationale à se joindre à la lutte des peuples autochtones pour la défense des territoires traditionnels et de la mère nature pour le bien-être de toutes les formes de vie.

Ce rassemblement a compté avec la présence – et l’appui – d’autres mouvements sociaux comme le Mouvement des travailleurs ruraux Sans Terre – MST, le Mouvement des Travailleurs Sans Toit – MTST, la Centrale Unique des Travailleurs – CUT et la Confédération Nationale des Travailleurs de l’Agriculture – CONTAG.

Le 28 avril était journée de grève générale au Brésil. Un mouvement d’ampleur nationale qui a mis des milliers de Brésiliens dans les rues. Les peuples indigènes ne sont pas seuls à affronter des temps difficiles !

* Cette note aurait dû être publiée dans le précédent « AYA Info » No 116 du 31 mai dernier.

** Pour visionner une brève vidéo de l’Agence France Presse (1’18’’) sur cette manifestation cliquer :

> ICI <

 

Les Amérindiens de Guyane tiennent des « États Généraux »

Dans la foulée du mouvement social qui a marqué la Guyane en mars et avril derniers*, le Collectif de la Jeunesse autochtone a organisé un rassemblement des six nations autochtones du territoire. La réunion a eu lieu du 19 au 21 avril, au village Pierre, à Saint-Laurent du Maroni. Plus d’une quinzaine de communautés ont envoyé une délégation de cinq personnes conduite par leur chef coutumier. Étaient également présents des représentants de l’Alliance Collective des Amérindiens de Guyane – ACAG, du Collectif des Premières Nations, de la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane – FOAG et de l’Organisation des Nations Amérindiennes de Guyane – ONAG. Une réunion représentative de la grande majorité des Amérindiens Guyanais.

Les discussions, organisées par ateliers, ont porté sur cinq thèmes d’intérêt majeur pour les Amérindiens : Territoire et Foncier; Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail – OIT; Santé et spiritualité; Education et transmission; et Culture et patrimoine.

Au terme de ces discussions, sur ces cinq thèmes, l’assemblée a retenu une vingtaine de propositions particulières. Par exemple, en ce qui concerne le foncier, les Amérindiens veulent élaborer une stratégie d’occupation territoriale pour la répartition et l’usage des 400’000 ha que l’État s’est engagé à remettre aux communautés amérindiennes; et cela en se basant sur des cartographies à réaliser et autres études pertinentes. À propos de la santé et de la spiritualité, ils ont l’intention de créer un comité de suivi pour l’application des 37 propositions du rapport parlementaire remis au 1er Ministre le 30 novembre 2015 sur le suicide des jeunes amérindiens de Guyane**. Ils s’engagent à soutenir toutes les initiatives visant à éradiquer l’orpaillage illégal qui impacte la santé des populations. Pour appuyer leur demande au gouvernement de ratifier la Convention 169 de l’OIT, ils proposent à celui-ci d’inviter la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Sur cette question, les Amérindiens ont reçu un appui non négligeable : en février 2017, la Commission Nationale (française) Consultative des Droits de l’Homme – CNCDH a adopté un avis dans lequel elle recommande au gouvernement de ratifier ce texte de l’OIT. En conclusion des travaux, parmi les demandes prioritaires, ils demandent la constitution d’un comité de suivi pour veiller au respect de l' »Accord de Cayenne » ratifié le 2 avril dernier.

Est en cours, le processus de désignation des représentants Amérindiens qui siégeront au sein du « Grand Conseil Coutumier » dont la création est prévue par la loi de février 2017 sur « l’Égalité réelle outre-mer ».

La période des élections du Président de la république et celle de l’Assemblée nationale se termine. Vient maintenant le moment de l’application des accords qui ont mis un terme au mouvement social… Il y a une forte attente chez les Amérindiens, eux qui sont depuis de trop nombreuses années les « Oubliés de la République »***

* Voir « AYA Info » No 116, ** Voir « AYA Info » No 113 et « AYA Info » No 107, *** Voir « AYA Info » No 98

 

 

 

Bernard Comoli

(avec l’aide d’Alexandre Sommer-Schaechtelé pour la « brève » sur la Guyane)

 

Important :

– L’activation des liens hypertextes (en rouge pourpre) renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s’agit d’anciens « AYA Info ».

PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch

AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie

13 Rue des Bossons – CH 1213 Onex / Genève / CCP 17-55066-2

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