Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil AYA Info – No 119 Genève, le 21 octobre 2017

« AYA Info » est en ligne sur deux sites Internet : Humanitaire.ws et MCI

 

La SECOYA célèbre son 25 anniversaire

Pendant plusieurs jours, du 18 au 22 septembre, le Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA (le partenaire de AYA), a célébré son 25e anniversaire à Manaus. Une manifestation à laquelle ont participé une dizaine de leaders Yanomami, dont deux femmes, venus de diverses communautés des Rios Demini et Marauiá. Parmi eux des dirigeants de l’association yanomami « Kurikama » fondée en 2013.

Au programme : la projection de documentaires suivies de discussions; des débats sur les menaces qui pèsent actuellement sur les peuples indigènes, les services de santé et d’éducation qui leur sont destinés. Des rencontres avec des représentants du Ministère Public Fédéral et des Municipalités de Santa Isabel do Rio Negro et de Barcelos. Mais aussi, une réunion avec des représentants de mouvements sociaux en vue de la constitution de liens plus étroits, voire d’alliances. Le dernier jour a été consacré à une réunion entre représentants du mouvement indigène et la délégation Yanomami consacrée à l’actuelle politique indigéniste du gouvernement.

L’histoire de Secoya n’est pas celle d’un long fleuve tranquille. Un quart de siècle bien rempli d’abord pour coopérer avec les communautés yanomami. Un appui essentiellement donné par la formation dans plusieurs domaines. Celle des agents indigènes de santé où la médecine traditionnelle est prise en compte. La qualification de professeurs Yanomami où l’éducation se veut différenciée par la valorisation de la culture particulière de ce peuple. En matière de développement durable en tenant compte du savoir faire des Yanomami en matière de préservation de l’environnement. Sans négliger la formation à la citoyenneté, tant le contexte politique est susceptible d’influencer le vécu et le devenir des communautés indigènes. Cela sur un espace géographique étendu, difficile d’accès. Dans ses domaines d’activité, l’expertise de la Secoya est reconnue. Pour réaliser cette coopération, les responsables de la Secoya, sont à la recherche incessante de financements pour la réalisation des cours, moyens jamais assurés sur le long terme. À plusieurs reprises, AYA et plusieurs communes genevoises lui ont apporté leur soutien. Depuis peu, une autre ONG genevoise, le Mouvement pour la Coopération Internationale – MCI appuie également la Secoya. Un documentaire est en cours de réalisation pour faire connaître le travail de la Secoya.

Bravo pour le travail accompli au cours de ce quart de siècle ! Meilleurs vœux pour les années à venir.

 

La COIAB désigne une femme comme Coordinatrice générale

La Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB qui représente 160 peuples de cette partie du pays a tenu sa XIe Assemblée générale du 28 au 30 août dans la Terre Indigène Alto Rio Guamá, dans l’État du Pará. Les participants ont désigné Nara Baré, au poste de Coordinatrice générale de l’organisation. C’est la première femme à occuper cette fonction. Nara était déjà trésorière de la Coordination dont le siège est à Manaus. Une fonction qui lui a permis de bien connaître l’organisation de l’intérieur. Elle est originaire de São Gabriel da Cachoeira, dans l’État d’Amazonas. Mário Nicacio (de l’État de Roraima) a été élu Vice-Coordinateur.

Comme c’est souvent le cas dans ce genre de rencontres, il est procédé à une analyse de conjoncture sur les droits indigènes et la politique indigéniste. Plusieurs plénières thématiques ont abordé en particulier le rôle des femmes dans le mouvement indigène, la participation indigène dans les partis politiques.

Le matin du deuxième jour a été consacré au rapport d’activité des quatre dernières années (de 2013 à 2017) et à la présentation des comptes et audits pour la même période. L’après-midi, les participants ont parlé d’avenir (2017 – 2021) : quelle stratégie de renforcement, d’autonomie et de « soutenabilité » du mouvement indigène en Amazonie brésilienne ? Mais aussi le renforcement des partenariats. Un moment a été consacré au plan de communication au sujet du 30e anniversaire (2019) de la fondation de la COIAB.

Les élections au sein des diverses instances de la COIAB ont occupé l’essentiel du dernier jour.

De sa fondation en 1989 et jusqu’en 2006, elle a été soutenue par l’ONG genevoise, le Mouvement pour la Coopération Internationale – MCI. Quand, en 2012, le MCI a fêté son 50e anniversaire, il a tenu à inviter la COIAB. Il a aussi consacré un chapitre de sa « capitalisation » au partenariat avec la Coordination. Un texte consultable sur Internet.

 

Des artistes pour défendre l’Amazonie

A Rio d’abord. Le 17 septembre, lors du Festival Rock in Rio, devant des milliers de spectateurs, la chanteuse Alicia Keys a interprété une des ses dernières chansons « Kill Your Mama » qui évoque la dévastation de l’environnement. Elle a, pour quelques instants, cédé le micro à Sônia Guajajara, la coordinatrice exécutive de l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB. Sônia a rappelé les attaques contre la forêt amazonienne, la volonté du Président Temer de supprimer la réserve Renca. Elle a demandé la démarcation des Terres Indigènes. L’intervention de Sônia a eu un immense écho dans les médias. Pour ne pas manquer l’opportunité de s’exprimer lors de ce festival carioca, Sônia a annulé le voyage qu’elle avait prévu de faire à Genève à l’occasion d’une rencontre prévue au Conseil des droits humains.

Trois jours plus tard, loin de Rio, le 20 septembre à Cayenne, en Guyane, plusieurs centaines de personnes ont pu découvrir le clip « Amazonie » réalisé par trois chanteurs guyanais Rikmann, Wayana Boy et Mr Den. Ils dénoncent l’orpaillage illégal et industriel comme le projet de méga mine de la Montagne d’or. Questionné par Guyane 1ère, au sujet de la Montagne d’or Rickmann est d’avis que « Ce genre de projet, ça détruit le forêt, ça la pollue et ça fait d’énormes trous où les arbres ne repoussent plus. Ils déversent beaucoup de produits chimiques comme du cyanure qui infiltre le sous-sol et les nappes souterraines, après ces endroits deviennent toxiques autant pour les animaux que pour les êtres humains. » Le président Temer a renoncé à son projet, mais la bataille contre le projet de mine d’or en Guyane n’est pas encore gagnée.

 

Temer annule la révocation de Renca

Le 22 août, par décret, le président Temer avait supprimé la Réserve Nationale de Cobre e Associados – RENCA* pour l’ouvrir à l’exploitation minière. Une réserve d’une superficie de 47’000 km2, située à cheval sur les deux États du Pará et de l’Amapá. Cette décision a suscité de nombreuses réactions, à l’intérieur comme à l’extérieur du Brésil. Celles-ci ont poussé le Président à publier, le 25 septembre, un décret annulant cette extinction.

* Voir AYA Info No 118 du 31 août 2017

 

Terres Indigènes, une annulation, deux reconnaissances

Le 15 août, Le Ministre de la Justice, Torquato Jardim, a annulé un arrêté du 29 mai 2015 qui déclarait d’occupation traditionnelle par des Indiens Guarani, la Terre Indigène Jaraguá située dans les municipalités de São Paulo et Osasco, dans l’État de São Paulo. Une TI d’une superficie de 532 ha sur laquelle vivent près de 700 Indiens Guarani. Une première démarcation en 1987 reconnaissait aux Guarani une aire de seulement 1,7 ha sur laquelle ils sont maintenant confinés. Selon le Ministère, un vice de procédure – une démarcation sans la participation de l’État de São Paulo – est à l’origine de cette annulation. La décision du Ministre a soulevé de nombreuses protestations, notamment celles des Guarani qui, le 30 août, ont occupé le Secrétariat de la Présidence de la république à São Paulo.

Le 31 août, le même Ministre, a signé un arrêté déclarant la Terre Indigène – TI Tapeba comme étant traditionnellement occupée par le peuple du même nom. Il s’agit d’un territoire de 52,94 km2, ayant un périmètre de 99 km situé sur la municipalité de Caucaia, dans l’État du Ceará (CE), non loin de Fortaleza, dans le Nordeste brésilien. Selon les données les plus récentes, elle est occupée par environ 6’650 indigènes.

L’identification de la TI des Tapeba a commencé il y a plus de trente ans, en 1985 ! Une identification contestée à diverses reprises. Plusieurs fois, au cours de ces années, le peuple Tapeba a été victime de nombreuses violences. Il appartient maintenant à la Fondation Nationale de l’Indien – Funai de finaliser la procédure en préparant le décret d’homologation que devrait signer le Président de la République.

Le 6 septembre, toujours ce Ministre a signé un arrêté reconnaissant la TI Jurubaxi-Téa comme étant d’occupation traditionnelle par un millier d’Indiens appartenant à une dizaine de peuples. Il s’agit d’un territoire 12’081,55 km2 situé dans les municipalités de Barcelos et Santa Isabel do Rio Negro dans l’État d’Amazonas. Quand elle a approuvé l’étude relative à cette TI en 2016, la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI a rappelé que la présence des indigènes dans cette région avait déjà été mentionnée par les Espagnols au 16e siècle.

Depuis qu’il occupe le Planalto, siège de la présidence de la République en mai 2016, Michel Temer n’a pas encore signé un seul décret d’homologation de Terre Indigène. Pour rappel, de janvier 1995 à décembre 2002, Fernando Henrique Cardoso en avait démarqué 145. De janvier 2003 à décembre 2010, Lula en a démarqué 87. De janvier 2011 à mai 2016, Dilma Roussef en avait démarqué 21.

 

Onça Puma paralysée par la justice

Déjà en 2015, la justice brésilienne avait ordonné à la multinationale Vale SA d’interrompre ses activités sur son site d’exploitation de nickel « Onça Puma » dans l’État du Pará. Le 13 septembre dernier, l’entreprise est une nouvelle fois l’objet d’une telle décision prise par le Tribunal Régional Fédéral –TRF1. Il est reproché à l’entreprise de ne pas avoir mis en œuvre un plan de gestion économique et environnemental en faveur des communautés indigènes Xikrin* affectées par son activité. Vale SA a fait savoir qu’elle fera recours contre cette décision. Elle rappelle qu’elle subventionne les activités des communautés Xirin et qu’elle est ouverte au dialogue.

Le Docteur João Paulo Botelho Vieira Filho**, au service des communautés Xirin depuis de nombreuses années, par ses rapports attire régulièrement l’attention sur la pollution du Rio Cateté par les métaux lourds libérés par l’usine Onça Puma. Dans son dernier rapport de juillet 2017, il affirme que si la pollution continue, se seront les localités de Parauapebas et Marabá, situées en aval, qui seront touchées. En avril dernier il dénonce cette pollution sur Youtube.

Vale International SA a son siège en Suisse, à Saint-Prex dans le canton de Vaud, à quelques kilomètres de Genève.

* Prononcer « Chikrin »

** Voir AYA Info No 111 du 29 août 2016, No 105 du 29 août 2015, No 98 du 29 novembre 2014, No 91 du 20 mars 2014

 

La Convention de Minamata sur le mercure entre en vigueur.

Signée par 128 pays en 2013 et ratifiée par 83 pays et parties, la Convention de Minamata sur le mercure est entrée en vigueur le 16 août dernier*. Les gouvernements qui ont ratifié la Convention sont tenus de prendre une série de mesures pour protéger la santé humaine et l’environnement en traitant le mercure tout au long de son cycle de vie. Celles-ci incluent l’interdiction de nouvelles mines de mercure, l’élimination progressive de celles existantes et la réglementation de l’utilisation du mercure dans les mines d’or artisanales et à petite échelle, les processus de fabrication et la production d’objets de tous les jours tels que les cosmétiques, les ampoules, les batteries et les garnitures dentaires.

Pour l’OMS, le mercure est l’un des dix produits chimiques les plus dangereux qui mettent en danger la santé et l’environnement. L’exposition au mercure peut avoir des effets toxiques sur les systèmes nerveux, digestif et immunitaire, et sur les poumons, les reins, la peau et les yeux, en particulier chez les enfants à naître et les nourrissons.

La première Conférence des Parties à cette Convention s’est tenue à Genève du 28 au 30 septembre. Les représentants des 150 États réunis à cette occasion ont décidé de baser le Secrétariat de la Convention dans cette ville qui abrite déjà de nombreuses organisations internationales.

Dans un rapport publié cette année, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement – UNEP a dressé un état des lieux relatif à la production et au commerce du mercure dans le monde, notamment la situation en 2015. On y voit que la Suisse est active sur ce marché. Selon la statistique de l’Administration fédérale des douanes, de 2010 à 2016, elle en a exporté 577 tonnes pour un montant de 10,2 millions de CHF. Pour les neuf premiers mois de 2017, elle en a exporté 16’649 kg pour un montant de 623’427 CHF. Des chiffres en baisse par rapport à la même période de 2016 (25’736 kg pour 1’203’280 CHF).

Notre pays doit encore adapter sa législation, (notamment l’Ordonnance No 814.81) pour se conformer à la Convention. Membre du Conseil National, la Genevoise Lisa Mazzone a déjà interpellé le Conseil Fédéral sur la manière dont il entend appliquer la nouvelle Convention en regard au commerce de l’or pratiqué par la Suisse.

Souvent dans ce bulletin, il a été question de l’usage du mercure dans la pratique de l’orpaillage illégal en Amazonie que cela soit en Guyane, au Brésil ou au Pérou. Si la majorité des neuf pays du bassin amazonien** sont Parties à la Convention, il faut relever que la Colombie et le Venezuela l’ont signée, mais pas ratifiée. Le Suriname ne l’a ni signée, ni ratifiée. Dans le rapport de l’UNEP cité ci-dessus, il est dit qu’en 2015, près de 37% du mercure mis sur le marché mondial – 1’740 t sur 4’720 t, dont 680 t pour l’Amérique du Sud – est utilisé pour l’exploitation de l’or à petite échelle dont la totalité est dispersée dans l’environnement. Le défi est de mettre un terme à cette utilisation.

 

* Voir AYA Info No 88 du 29 novembre 2013 et No 79 du 30 janvier 2013

** Les pays amazoniens : Bolivie, Brésil, Colombie, Equateur, France (pour la Guyane), Guyana, Pérou, Suriname et Venezuela.

 

Bernard Comoli

 

Important :

– L’activation des liens hypertextes (en rouge pourpre) renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s’agit d’anciens « AYA Info ».

PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch

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