Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 102 – Genève, le 29 avril 2015

Du sang des Yanomami de retour sur la terre ancestrale de ce peuple / Brasilia : Une forte mobilisation indigène / « Sauver la planète » un message-testament d’Almir Suruí
/ La forêt amazonienne est malade

« AYA Info » est en ligne sur les sites Internet :
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Du sang des Yanomami de retour sur la terre ancestrale de ce peuple
Le 3 avril, au cours d’une cérémonie, qui a eu lieu dans la communauté de Piaú, dans la région de Toototobi, dans la Terre Indigène Yanomami, les Indiens ont pu enterrer les premiers échantillons de sang, collectés sans autorisation sur environ 3’000 Yanomami entre 1967 et 1970. Ils avaient été prélevés par le généticien américain James Neel et utilisés aux USA pour des recherches génétiques. L’affaire avait été révélée en 2000 par Patrick Tierney* dans un ouvrage « Darkness in Eldorado » qui, à l’époque, a suscité de vivres réactions.
En novembre 2002 déjà, Davi Kopenawa, et la communauté de Paapiú, avaient demandé le retour de ce matériel génétique : « Notre coutume est de pleurer les morts, brûler les corps et tout ce qu’ils ont utilisé. Il ne peut rien rester, sinon nous restons avec la rage et notre pensée ne reste pas tranquille. Les Américains, eux, ne respectent pas notre coutume. Pour cela nous voulons le retour des échantillons de sang et de tout ce qu’ils ont tiré de notre sang pour étudier« .
Après des années de démarches, une grande partie de ces prélèvements vient enfin d’être rapatriée au Brésil*. Ils ont été remis à Davi Kopenawa et à son fils Dário, le 26 mars à Brasilia, par le Procureur général de la République, Rodrigo Janot et Deborah Duprat du Ministère public fédéral. Les deux Yanomami étaient dans la capitale brésilienne pour présenter la carte du « Territoire et communautés Yanomami Brésil Venezuela » élaborée fin octobre – début novembre à l’occasion d’une rencontre binationale des Yanomami du Brésil et du Venezuela**. Pour les Yanomami, une bonne partie de ce sang est celui de membres des communautés maintenant décédés. Leur sang conservé aux Etats Unis n’avait pas reçu une sépulture correcte.
* Voir « AYA Info » No 51 du 20 juin 2010
** Voir « AYA Info » No 98 du 29 novembre 2014
Brasilia : Une forte mobilisation indigène
Venus de tout le pays, ils étaient entre 1\’200 et 1\’500 indigènes présents à Brasilia du 13 au 16 avril pour la onzième édition du « Campement Terre Libre ». L\’appel lancé le 5 mars par l\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a été entendu*.
Une réunion plénière a permis de rappeler les principales revendications du mouvement indigène, en particulier celles qui touchent les droits territoriaux : l\’annulation par le Tribunal Suprême Fédéral de l\’homologation d\’une Terre Indigène (TI) et la révision des arrêtés de deux autres TI; l\’Arrêté 303 pris par l\’Avocat Général de l\’Union qui veut réglementer le processus de démarcation des TI; et la volonté d\’une grande partie des membres du Congrès de réduire ces droits pour faciliter l\’exploitation économique des TI. C\’est bien au niveau des trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire que les Indiens ont voulu se faire entendre.
L\’ensemble de ces revendications a été adressé dès le 26 mars dans une lettre à la présidente de la république, Dilma Rousseff.
À la Présidence de la république, le 15 avril, une délégation a eu une entrevue avec Michel Rossetto, le Secrétaire général de la présidence de la république. Le même jour, c\’est à Eduardo Cunha, président de la Chambre des députés qu\’une délégation a sollicité le classement de la Proposition d\’amendement constitutionnel No 215 qui, si elle était adoptée, donnerait au congrès le pouvoir ultime de la démarcation des TI.
Le 16 avril, une délégation a rencontré le ministre Dias Toffoli, du Tribunal Suprême Fédéral. Ce juge devra se prononcer sur le recours présenté par la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI à propos de l\’annulation de l\’homologation la TI Limão Verde située dans le Mato Grosso do Sul.
Une session solennelle a eu lieu à la Chambre des députés au cours de laquelle plusieurs indigènes ont pris la parole : Sônia Guajara de l\’APIB, le cacique Raoni. Ont également pris la parole plusieurs députés hostiles à l\’adoption de la PEC 215 : Sarney Filho, Nilto Tatto, Vicentinho Júnior, Ivan Valente… Ce dernier a rappelé que la PEC 215 est anticonstitutionnelle.
Le même jour, le Sénat était réuni pour un hommage aux peuples indigènes. Plusieurs sénateurs ont dit leur intention de défendre les droits des indigènes. Par exemple, le sénateur João Capiberibe, a rappelé la demande des peuples indigènes adressée à la présidente de la république de démarquer toutes les terres indigènes du Brésil.
La Commission des Droits humains et des Minorités – CDHM de la Chambre des députés a également reçu une délégation indigène. Le président de la Commission s\’est dit disposé à donner un maximum de visibilité à la cause des indigènes.
Toujours le 16 avril, le Vice-Président de la république, Michel Tremer a accordé une audience à plusieurs leaders indigènes. Sônia Guajajara lui a rappelé les 12 processus de démarcation des TI bloqués au Ministère de la justice. Les leaders ont protesté contre l\’avis exprimé par la Présidente de la république qui, dans une entrevue concédée le 14 avril aux représentants de la presse alternative, a affirmé que le mouvement indigène n\’était pas unifié… À la question d\’une journaliste de savoir si elle allait recevoir les indigènes, elle a répondu qu\’elle en avait reçu plusieurs et qu\’elle ne les recevrait pas tous…
Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs États du Brésil : Bahia, Paraíba, Rondônia, Maranhão, Rio Grande do Sul et Minas Gerais.
L\’APIB a qualifié de timide et insatisfaisante la réponse du Gouvernement aux demandes formulées lors de la rencontre avec le Vice-président de la république, à savoir l\’homologation de la démarcation de trois TI dans la région nord du pays : la TI Mapari (1\’572,46 km2), habitée par le peuple Kaixana et la TI Setemã (497,72 km2) occupée par le peuple Mura, les deux dans l\’État d\’Amazonas; la TI Arara da Volta Grande do Xingu (255,24 km2) habitée par les peuples Arara et Juruna, dans l\’État du Pará, proche de l\’usine hydroélectrique de Belo Monte. La démarcation de cette TI est une des exigences voulues par le Ministère public fédéral pour permettre l\’autorisation de fonctionnement de l\’usine. Les décrets d\’homologation, datés du 17 avril, ont été publiés au Journal Officiel de l\’Union – DOU le 20 avril.
Le gouvernement a également autorisé la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI à mettre au concours 220 postes d\’agents ce qui renforcera son activité.
Au nom de l\’APIB, Sônia Guajajara a remercié les participants et partenaires qui ont participé et soutenu la manifestation de Brasilia.
Une délégation indigène du Brésil est présente à la 14e session de l\’Instance permanente sur les questions autochtones – IP (ONU), qui se tient à New York du 20 avril au 1er mai 2015. La délégation a dénoncé la politique indigène du gouvernement brésilien et a demandé le soutien de l\’Instance.
* Voir « AYA Info » No 101
PS : Pour les précédentes mobilisations, voir « AYA Info » No 93 du 30/05/2014, No 92 du 30/04/2014, No 87 du 30/10/2013, No 82 du 29/04/2013, No 73 du 28/06/2012, No 71 du 30/04/2012, No 61 du 29/05/2011, No 60 du 28/04/2011 et No 53 du 28/09/2010
« Sauver la planète » un message-testament d\’Almir Suruí
Le prologue de l\’ouvrage publié chez Albin Michel* rapporte un dialogue entre Almir Narayamoga Suruí et son garde du corps. Ce dernier confie à Almir avoir été réticent quand il a reçu la mission de le protéger en raison des menaces de mort qui pesaient sur lui, mais il ajoute : « … en fait, je n\’ai jamais été traité avec autant de respect et je tiens à te le dire aujourd\’hui, je suis honoré d\’avoir pour mission de te protéger« .
Ce à quoi Almir répond : « Je te remercie pour ces mots Sergente, ils me font du bien. Je peux te confier quelque chose moi aussi ? » Almir lui remet une clé USB qu\’il conservait toujours dans sa poche. « Pourrais-tu donner cette clé à mes enfants si jamais… Je ne sais pas si ce qu\’elle contient participera à éveiller la conscience de ceux qui détruisent la forêt, mais ils sauront que notre peuple a fait sa part et qu\’il est urgent pour eux de faire la leur.« 
L\’ouvrage, également signé par Corine Sombrun, est effectivement le message–testament qu\’Almir adresse à ses parents, à ses épouses, à ses enfants et à la forêt amazonienne. Dans la première partie, il rappelle comment le premier contact avec les blancs, au début des années 60, a réduit à quelques centaines d\’individus, les cinq mille Suruí vivant sur une aire – la Terre Indigène Sete de Setembro – d\’environ 20\’000 km2, située dans l\’État du Rondônia, dans l\’ouest de l\’Amazonie brésilienne. Almir explique son « apprentissage » de la forêt et les actions qu\’il a entreprises pour la sauver, par exemple, les appuis apportés par l\’ONG genevoise « Aquaverde » pour la reforestation, son partenariat avec Google qui, maintenant, signale son combat sur sa mappemonde électronique… Il rappelle les menaces de mort dont il est l\’objet et les controverses que son action suscite chez certains de ses pairs, comme l\’a été récemment, le « Plan carbone » de l\’association Metareilá. La controverse principale est celle opposant partisans et adversaires des mécanismes permettant à des pollueurs d\’acheter des droits de polluer.
Dans un ouvrage comme celui-ci, il aurait été judicieux de consacrer quelques lignes à la lutte conduite par les organisations indigènes du pays pour le respect des droits territoriaux.
Almir était déjà à Genève en juin 2007. Il avait participé à la fête du développement durable. Au cours d\’une cérémonie en présence des autorités de la Ville, il avait planté un Açaí (Euterpe oleracea) dans la serre tempérée du Jardin botanique. Le palmier n\’a malheureusement pas survécu à ce « climat » trop frais. Depuis, il a été remplacé par plusieurs « congénères » qui prospèrent maintenant dans la serre chaude du jardin.
En mars dernier, Almir était au Salon du livre de Paris où il a présenté son ouvrage. Récemment, il a fait un nouveau passage en Suisse. Il a signé son livre dans une librairie de la place. De nombreux médias ont consacré des articles, ou des émissions, à l\’occasion de la publication de l\’ouvrage. Parmi ceux-ci, la Radio Télévision Suisse – RTS. D\’abord, Corine Sombrun a été interviewée par Madeleine Caboche, animatrice de l\’émission** « Détour » diffusée le 16 mars. Puis Nancy Ypsilantis a reçu Almir, Corine Sombrun et Thomas Pizer, président d\’Aquaverde, dans « Babylone » diffusée le 19 avril.
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* Sauver la planète – Le message d\’un chef indien d\’Amazonie / Almir Narayamoga Suruí et Corine Sombrun / 192 pages / ISBN : 978-2-226-25705-5 / Editions Albin Michel – Paris / 18 euros
http://www.albin-michel.fr/Sauver-la-planete-EAN=9782226257055
** Les émissions peuvent être écoutées sur le site de la radio romande pendant un mois après leur diffusion.
PS : Voir également « AYA Info » No 30 du 27 juin 2008, No 33 du 9 novembre 2009, No 42 du 27 septembre 2009 et No 81 du 28 mars 2013.
La forêt amazonienne est malade
En mars dernier « Nature« , la bien connue revue scientifique britannique a publié les résultats d\’une étude* conduite depuis une trentaine d\’années par de nombreux chercheurs : la forêt amazonienne absorbe de moins en moins le dioxyde de carbone (CO2) anthropique. Dans les années 90, chaque année, l\’Amazonie retirait de l\’atmosphère environ 2 milliards de tonnes de CO2. Aujourd\’hui, elle n\’en absorberait seulement que la moitié. Plusieurs medias ont relayé l\’information.
Parmi ceux-ci, le quotidien français Le Monde qui relève que le taux de mortalité des arbres a augmenté de 30% en trente ans. Entre 1990 et 2000, le surplus de gaz carbonique rejeté dans l\’atmosphère a favorisé la croissance de la forêt. C\’est ce que souligne sur France tv info Jérôme Chave, spécialiste en évolution et diversité : « L\’arbre d\’Amazonie a plus de nourriture, il grandit plus vite, c\’est le premier effet que l\’on observe… Comme tous les gens qui mangent trop, les arbres ont une certaine capacité, puis ils saturent à un certain point et ils ne sont plus capables d\’absorber aussi vite le dioxyde de carbone que l\’on met dans l\’atmosphère« .
À l\’occasion de la conférence « Bonn Challenge » qui a eu lieu en mars dernier dans la ville allemande, sous les auspices de l\’Allemagne, de la Norvège et de l\’Union Internationale pour la Conservation de la Nature – UICN, 15 pays se sont engagés à replanter, sur leur territoire, 60 millions d\’ha de forêt d\’ici 2020, l\’équivalant de ce qui a été détruit ces dix dernières années en Amazonie. Le Brésil est dans la liste des six pays qui se sont engagés à restaurer moins d\’un million d\’hectares.
Les chiffres relatifs à la déforestation en Amazonie brésilienne montrent qu\’entre août 2013 et juillet 2014 celle-ci était de l\’ordre de 4\’848 Km2, soit une réduction de 18 % par rapport à la même période 2012 – 2013 où elle avait été de 5\’891 km2. Cependant l\’Institut de l\’Homme et du Milieu Ambiant de l\’Amazonie – IMAZON n\’a pas écarté la possibilité d\’une forte augmentation de la déforestation qui doublerait pour la période 2014 – 2015. Dans son bulletin de mars 2015, l\’organisation compare l\’évolution de la déforestation de la période d\’août 2013 à mars 2014 où elle avait été de 560 km2 et la même période (août 2014 à mars 2015) où elle a été de 1\’761 km2, soit une augmentation de 214 %. Le 11 mars, les ministères brésiliens de l\’Environnement et celui de la justice ont signé un accord avec la Banque Nationale de Développement Economique et Social – BNDES pour financer des opérations de lutte contre la déforestation illégale de la forêt amazonienne.
Le réseau Globo, dans la série « Fantastico », sous le titre « Amazônia Sociedade Anônima » a diffusé, du 22 mars au 19 avril, cinq émissions d\’une dizaine de minutes chacune, montrant les enjeux du développement actuel de l\’Amazonie, ce qui doit être fait pour en garantir l\’avenir.
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Rectificatif : Dans le dernier « AYA Info » (No 101) une erreur s\’est glissée dans la note relative au « Partage des savoirs », il faut lire : « un fonds de 50 millions de « Nuevo Soles » et non de « Soles Novos ».
Bernard Comoli
Important : L\’activation des liens hypertextes (en bleu) renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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