Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 34 Genève, le 14 décembre 2008

Assemblée de l’Hutukara Associação Yanomami, Un Séminaire international sur la Convention 169, Raposa Serra do Sol, une victoire mitigée encore provisoire, Vers une Conférence nationale d’éducation indigène, La lutte des Guarani portée sur les écrans.

« AYA Info » peut être consulté sur les sites Internet :

http://www.terrabrasilis.ch > Aya Info et http://www.humanitaire.ws

 

Assemblée de l’Hutukara Associação Yanomami*

Du 22 au 30 novembre, la communauté indigène de l’Ajanari, dans la municipalité de Caracaraí (État de Roraima) a accueilli les 200 à 300 Yanomami venus participer à la IIIe Assemblée générale de l’Hutukara Associação Yanomami (HAY). La réunion avait pour thème principal l’organisation, la défense, la protection du Peuple et de la Terre Yanomami. À l’ordre du jour, essentiellement quatre points : les discussions internes et préoccupations de l’association, les échanges avec les représentants des entités invitées, l’adoption d’un plan d’action pour les trois années à venir (2009, 2010 et 2011) et l’élection de la direction de l’association. Davi Kopenawa a été réélu à la tête de l’association. Devant les représentants de la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI), les Yanomami ont dénoncé la présence de garimpeiros (chercheurs d’or) et de fazendeiros qui mettent en danger l’intégrité territoriale et environnementale de la Terre Indigène Yanomami (TI Y). C’est également devant le représentant de la Fondation Nationale de la Santé (FUNASA) que plusieurs dizaines de leaders indigènes ont exprimé leurs doléances quant au mauvais fonctionnement du service de santé. Silvio Cavuscens, coordinateur de l’association « Service et Coopération avec le Peuple Yanomami » (SECOYA) a présenté un état des lieux de la santé indigène dans la TI Y. Il a également évoqué les difficultés multiples rencontrées pour assurer le service de santé dans les villages indigènes dont la SECOYA a la charge. Dans le domaine de l’éducation, la réunion a été l’occasion de rappeler l’engagement pris, par le Secrétariat de l’Education de l’État de Roraima, de reconnaître la formation des professeurs Yanomami qui va se terminer en 2009. Des Yanomami de l’État d’Amazonas et du Venezuela ont également participé à cette assemblée.

* Les Yanomami sont 12 à 13’000 dans l’État de Roraima.

Pour en savoir pus (en portugais) : http://www.socioambiental.org/nsa/detalhe?id=2822

http://www.proyanomami.org.br/pdf/convite_3_assembleia_geral_da_hay_2008.pdf

http://www.proyanomami.org.br/pdf/programacao_assembleia_hay_2008.pdf

 

Un Séminaire international sur la Convention 169

Les 10 et 11 novembre s’est tenu, à Brasilia, un séminaire international sur « Les opportunités et les défis pour la mise en œuvre de la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ». Cette Convention, adoptée à Genève en 1989 et ratifiée par le Brésil, vise à protéger les peuples indigènes et tribaux*. Si l’élaboration et l’adoption de tels instruments internationaux constituent souvent un véritable défi, leur application ne va pas de soi, d’où l’utilité d’un tel séminaire. La rencontre a été organisée par la Commission Pró-Índio de São Paulo et l’Institut Socio Environnemental (ISA). Elle a compté avec la présence de leaders indigènes et de la Coordination Nationale d’Articulation des Communautés Noires Rurales Quilombolas (CONAQ) du Brésil. Il y avait également des membres d’organisations indigènes de Bolivie, Colombie, Equateur, Guatemala et Pérou venus expliquer leur expérience. Le séminaire a particulièrement traité de l’obligation faite aux gouvernements signataires de consulter – au préalable, de manière libre et informée – les peuples indigènes et tribaux avant de prendre toute décision susceptible d’affecter leurs biens ou leurs droits (Art. 6 de la Convention). Des représentants des Ministères du Travail et de la Justice, de la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI) et un membre du Bureau de l’OIT à Brasilia, ont apporté leur contribution. Les leaders indigènes et des communautés quilombolas ont démontré par des exemples comment la consultation préalable n’avait pas été faite. Ainsi, un représentant de l’Association de la Terre Xingu (ATIX) a évoqué la décision prise par les autorités, de construire des barrages sur les rivières de cette Terre, sans avoir consulté aucune des communautés concernées par ces ouvrages. La principale conclusion de ce séminaire a été de constater qu’il y avait encore beaucoup à faire pour que les droits reconnus par la Convention 169 soient appliqués.

*Voir AYA Info No 31. Pour en savoir plus (en portugais) :

http://www.socioambiental.org/nsa/detalhe?id=2804

 

Raposa Serra do Sol, une victoire mitigée encore provisoire

Le décret présidentiel d’avril 2005 qui a homologué la démarcation de la Terre Indigène Raposa Serra do Sol – 17’000 km2 dans l’Etat de Roraima – a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal Suprême Fédéral (STF). Les opposants à cette démarcation en aire continue souhaitaient une démarcation « en îles » qui aurait permis à des envahisseurs, par exemple des fazendeiros, de rester ou de s’installer dans l’aire indigène. Le 27 août dernier*, la Cour suprême a déjà traité de ce recours, mais seul le rapporteur de la cause avait voté, l’un des juges ayant fait valoir un « droit de regard ». Cette demande a suspendu le vote du tribunal. Le jugement a repris ce 10 décembre qui a vu huit juges (sur onze) se prononcer pour la démarcation en aire continue de Raposa. Ce vote affirme également la régularité de la procédure aboutissant à la démarcation, régularité mise en cause par les recourants. C’est encore l’affirmation par la majorité des juges que les Terres indigènes situées aux frontières du Brésil ne sont pas une menace pour la sécurité et la souveraineté nationales. Le juge qui avait fait valoir son « droit de regard » au mois d’août a formulé dix-huit restrictions qui, selon lui, seront également à prendre en compte pour les futures démarcations. Leur impact doit encore être apprécié. Un des juges a demandé à exercer, lui aussi son « droit de regard » ce qui a ajourné, pour la deuxième fois, une décision en plénière du STF, seule déterminante. L’évacuation des non-indiens, notamment les riziculteurs, qui sont encore sur Raposa Serra do Sol est également suspendue. La date de la reprise, et peut-être de la conclusion du jugement, n’est pas encore connue. Le Conseil Indigène de Roraima (CIR), se réjouit de ce premier pas important.

*Voir AYA Info No 31. Pour en savoir plus (en portugais) : http://www.cir.org.br/ et

http://www.socioambiental.org/nsa/detalhe?id=2829

 

Vers une Conférence nationale d’éducation indigène

Les 2’422 écoles indigènes recensées en 2006 dans les Terres indigènes, recevaient 174’255 élèves, inscrits dans les différents degrés, de l’éducation infantile à l’enseignement moyen, mais aussi ceux de l’éducation des jeunes et des adultes. Vingt-quatre États de l’Union administrent 53% de ces écoles, 46% sont des écoles municipales et 1% relèvent du privé. L’école est un lieu stratégique pour l’apprentissage des langues indigènes (il y en a environ 180 au Brésil) et le maintien de la culture propre à chaque peuple. Les organisations indigènes ont toujours demandé une éducation différenciée et bilingue pour les jeunes indiens. Cette revendication correspond aux termes de la Constitution de 1988 et de la Partie VI de la Convention 169 de l’OIT. Pour répondre aux attentes des peuples indigènes, le Ministre de l’Education, Fernando Haddad, a convoqué une première Conférence Nationale de l’Education Scolaire Indigène qui devrait se tenir en octobre 2009. L’objectif est d’analyser l’offre en éducation scolaire indigène et de proposer des lignes directrices susceptibles de la faire avancer. Le ministre veut que cette conférence soit le résultat d’une démarche participative avec tous les acteurs impliqués dans cet enseignement. Pour cela, il a décidé que cet événement national serait précédé de dix-huit conférences régionales à organiser entre décembre 2008 et août 2009. Une de ces premières rencontres régionales doit avoir lieu du 16 au 18 décembre à São Gabriel da Cachoeira dans le Haut Rio Negro (État d’Amazonas). Pour préparer cette conférence régionale, les écoles locales doivent organiser, entre le 8 et le 12 décembre, des rencontres appelées « Communauté – école », avec la participation des professeurs et des caciques. L’un des artisans de cette conférence nationale est Gersem José dos Santos Luciano, plus connu sous le nom de Gersem Baniwa, (du nom de son ethnie). Gersem est un leader indigène, né à São Gabriel da Cachoeira où il a été responsable du Secrétariat municipal de l’éducation. Dans le mouvement indigène, il a été fortement engagé à la Fédération des Organisations Indigènes du Rio Negro (FOIRN), ainsi qu’à la Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne (COIAB). Il a étudié la philosophie et l’anthropologie à l’Université Fédérale d’Amazonas. Il est maintenant coordinateur de l’éducation indigène au Secrétariat de l’Education Continue, Alphabétisation et Diversité (SECAD) du Ministère de l’éducation.

Pour en savoir plus (en portugais) :

http://portal.mec.gov.br/index2.php?option=com_content&task=view&id=11748&pop=1&page=0

http://portal.mec.gov.br/secad/arquivos/pdf/educacaoindigena.pdf

http://portal.mec.gov.br/secad/arquivos/pdf/censosecad.pdf

 

La lutte des Guarani portée sur les écrans

Deux films ont été produits ces derniers mois qui ont pour sujet les luttes du peuple Guarani. Le premier est dû à l’initiative du Ministère Public Fédéral (brésilien) qui a confié à André Luis da Cunha la réalisation d’un documentaire intitulé « Ñande Guarani » (Nous, les Guarani). Ce film de 76′ a été présenté à la 41e édition du Festival du cinéma brésilien de Brasilia qui a eu lieu du 18 au 25 novembre 2008. Il traite de l’intégration des politiques publiques entre le Brésil, le Paraguay et l’Argentine pour la population guarani qui vit dans les trois pays. Le second, un film de Marco Bechis, intitulé « Terra Vermelha » (Terre rouge), avait déjà été présenté le 1er septembre au Festival de Venise. Il a ouvert le 32e Festival international du cinéma de São Paulo. Il est sur les écrans brésiliens depuis le 28 novembre. Le film – une fiction – retrace la difficile, mais bien réelle lutte pour la terre et pour le maintien de la culture des Guarani Kaiowá dans l’État du Mato Grosso do Sul. Une partie des acteurs sont des Guarani. Dans sa version française, le film est intitulé « La terre des hommes rouges ». Sa sortie est prévue le 17 décembre sur les écrans français; en mars 2009 en Suisse alémanique avec le titre anglais « Birdwatchers ». La sortie sur les écrans romands est prévue pour 2009, sans autre précision de date. Le titre italien est « La terra degli uomini rossi », mais, pour l’instant, il n’y a aucune indication de présentation en Suisse italienne.

Pour en savoir plus (en portugais), sur « Ñande Guarani » : http://noticias.pgr.mpf.gov.br/noticias-do-site/indios-e-minorias/documentario-sobre-guaranis-e-premiado-em-festival-de-cinema , http://www.youtube.com/watch?v=5Jk_Zd8AaGw et http://www.new.divirta-se.uai.com.br/html/sessao_8/2008/11/22/ficha_cinema/id_sessao=8&id_noticia=5232/ficha_cinema.shtml

Sur « Terra Vermelha » : http://www.terravermelhaofilme.com.br/ et

http://www.youtube.com/watch?v=FLUF8J0-Q6M.

Appréciation du Conseil Indigéniste Missionnaire (CIMI) et de l’Institut socio – environnemental (ISA) :

http://www.cimi.org.br/dev.php?system=news&action=imprimir&id=3555&eid=352 et

http://www.socioambiental.org/nsa/detalhe?id=2816

Version française : http://www.toutlecine.com/film/histoire/0038/00386945-la-terre-des-hommes-rouges.html. Renseignements pour la Suisse : http://www.procinema.ch/f/index.html >Banque de données > Birdwatchers

Bernard Comoli

(avec l’aide de Silvio Cavuscens, Fátima Cilene de Souza et Gérard Perroulaz)

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