Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 51 – Genève, le 20 juin 2010

Le gouvernement lance un programme national de production d’huile de palme / Le sang des Yanomami / La restructuration de la FUNAI divise le mouvement indigène / Au Mato Grosso, un important trafic illégal de bois est mis à jour.

« AYA Info » peut être consulté sur les sites Internet :
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Le gouvernement lance un programme national de production d’huile de palme
Le 6 mai, Lula était à Tomé-Açu, une municipalité de l’Etat du Pará, pour lancer le « Programme de production soutenable de palmier à huile ». L’objectif annoncé est d’encadrer l’augmentation de la production d’huile de palme pour que celle-ci se fasse sur des bases environnementales et sociales soutenables. Le programme comporte cinq mesures. La première est un zonage des lieux sur lesquels la culture du palmier est autorisée. Il s’agit notamment de zones déjà dégradées de huit États amazoniens. Cette culture ne devrait pas couvrir plus de 3,7% de la surface du pays. La deuxième est la création d’un système de crédit à des taux différenciés selon le type de producteur. Il est, par exemple, de 2% sur 14 ans pour les agriculteurs inscrits au « Programme national d’Agriculture Familiale – PRONAF. Le troisième volet concerne la recherche et l’innovation pour lequel le gouvernement a ouvert un crédit de 60 millions de reais (environ 34 millions de US$). La quatrième mesure concerne l’assistance technique aux producteurs. Enfin, il est créé une « Chambre sectorielle du palmier à huile », composée de représentants du Gouvernement fédéral, des producteurs et des consommateurs. Selon les autorités brésiliennes, la culture du palmier à huile est susceptible d’améliorer sensiblement le revenu des producteurs familiaux. Dans le même temps, cette production permettra de réduire les importations brésiliennes en huile de palme. Ce programme a un véritable enjeu stratégique. Plusieurs responsables d’organisations écologistes ont exprimé leur scepticisme, notamment à l’égard de la viabilité économique du projet. Greenpeace craint que la production d’huile de palme ne génère une déforestation indirecte. L’organisation rappelle les dommages causés à l’environnement par la culture du palmier à huile en Indonésie.
Pour en savoir plus (en portugais) : Le discours de Lula : http://www.imprensa.planalto.gov.br/ > Discursos e Entrevistas > Discursos – busca por data > Maio 2010 > 06/05/2010; le programme : http://www.agricultura.gov.br/portal/page?_pageid=33,39498590&_dad=portal&_schema=PORTAL; l’écho dans des associations : http://www.amazonia.org.br/noticias/noticia.cfm?id=355003 et
Le sang des Yanomami
Le 9 mai, la « Folha de São Paulo » a fait état d’une proposition d’accord, envoyée en mars dernier, par le gouvernement brésilien à cinq centres de recherche nord-américains pour la restitution de milliers d’échantillons de sang prélevés sur des Yanomami dans les années 60 et 70. Selon le quotidien, ces entités seraient disposées à rendre ce matériel, mais la date de la restitution n’a pas été donnée, diverses questions devant encore être résolues, notamment la décontamination des échantillons. Cette collecte de sang avait été réalisée par un généticien, James V. Neel avec la collaboration d’un anthropologue, Napoleon Chagon. En septembre 2000, un journaliste, Patrick Tierney, a publié un ouvrage : « Darkness in El Dorado« , dans lequel il révèle que les échantillons ont été conservés dans un laboratoire de l’Université d’État de Pennsylvanie. À l’époque, cette publication avait provoqué une vive controverse, notamment aux USA. Dès le début de 2001, une ONG brésilienne, la Commission pour la Création du Parc Yanomami – CCPY, s’est mobilisée pour faire connaître l’avis des Yanomami sur cette question par la voix de l’un de leurs leaders, Davi Kopenawa. Celui-ci, dès la fin 2001, a souhaité la restitution des échantillons. Il a demandé l’intervention des autorités brésiliennes auprès du gouvernement nord-américain. Questionné à diverses reprises sur l’usage qui serait fait des échantillons, Davi a déclaré que le sang sera remis dans les eaux d’une rivière : « Notre créateur, Omama, a pêché sa femme, notre mère, dans la rivière, au premier temps »… Pour les Yanomami, c’est une manière de rendre leur sang à leur créateur. Ce peuple attribue son origine à l’union du dieu Omama avec la fille d’un monstre aquatique nommé Tëpërësiki, propriétaire des plantes cultivées. À Omama est également attribuée l’origine des règles de la société et de la culture yanomami actuelles. Davi, encore questionné sur l’intérêt des études sur le sang et l’ADN des Yanomami, et la perte, pour toujours, d’informations potentiellement précieuses pour toute l’humanité causées par la destruction des échantillons, répond : « La science n’est pas un dieu qui sait tout pour tous les peuples… Qui décide si les enquêtes sont bonnes pour notre peuple, c’est nous, les Yanomami ».
Cet automne, les éditions Plon (Paris), dans la collection « Terre Humaine » publieront un ouvrage « La Chute du ciel » dans lequel Davi Kopenawa raconte à Bruce Albert son combat pour les Yanomami*. Sortie prévue : le 30 septembre 2010.
La restructuration de la FUNAI divise le mouvement indigène
La restructuration de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI, décrétée par le président de la République à la fin décembre 2009, est encore l’objet de controverses au sein du mouvement indigène. Dès janvier 2010, des indiens ont établi un campement sur l’Esplanade des ministères de Brasilia. Ils demandent la révocation du décret présidentiel et la démission du président de la FUNAI, Márcio Meira. Ce « Campement Révolutionnaire Indigène »- ARI, a été à l’origine de divers incidents et il a eu des rapports difficiles avec les autorités. La FUNAI en a condamné les actes de violence et dénoncé le refus de dialogue de ses participants. Le 6 juin, l’ARI a publié une « Lettre ouverte au peuple brésilien » dans laquelle il exprime ses revendications. Le 14 juin, une délégation d’indiens restés sur place a eu un entretien avec Luiz Paulo Barretto, Ministre de la justice. Suite à cette rencontre, le ministre a adressé un mémorandum au président de la FUNAI pour lui soumettre des modifications à apporter au décret controversé. Moins médiatiques, les tensions, les divisions, qui se manifestent au sein du mouvement indigène, à propos de cette restructuration : Organisations indigènes favorables ou défavorables au décret, désaveu d’organisations, ou de groupes indigènes locaux, vis-à-vis de leur organisation régionale. Dans une « Note publique » du 2 juin, l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB, qui est un organe national, représentant les principales organisations indigènes régionales du pays, demande au gouvernement d’admettre publiquement son entière responsabilité dans la publication de ce décret, pris sans avoir consulté les peuples indigènes conformément aux dispositions de la Convention 169 de l’OIT. Ils reprochent également à la FUNAI de n’avoir pas encore réalisé l’engagement, pris en février 2010, d’organiser des séminaires et consultations en vue de modifier le décret. Cette note a été lue devant le Président Lula lors de la 13e réunion ordinaire de la Commission Nationale de Politique Indigéniste – CNPI, au cours de laquelle le gouvernement a présenté son bilan en matière de politique indigéniste. Ce texte énumère différentes mesures importantes que l’APIB voudrait voir être prises avant la fin du mandat présidentiel. AYA Info reviendra sur ce bilan.
Voir AYA Info Nos 46, 47, et 48.
Pour en savoir plus (en portugais) : Acapamento Indígena Revolucionário : http://acampamentorevolucionarioindigena.blogspot.com/2010/06/carta-aberta-ao-povo-brasileiro.html; la FUNAI : http://www.funai.gov.br/ > Noticias > 31/05/2010 Nota oficial… et L’APIB : http://blogapib.blogspot.com/2010/06/movimento-indigena-se-reune-com.html
Au Mato Grosso, un important trafic illégal de bois est mis à jour
Au matin du 21 mai, après deux ans d’enquête, la Police fédérale a déclenché l’opération « Jurupari » qui a conduit à l’arrestation de plus de 60 personnes, principalement domiciliées dans l’État du Mato Grosso, accusées de trafic illégal de bois. Parmi eux, il y a des fazendeiros, des exploitants et ingénieurs forestiers, des fonctionnaires de diverses administrations, y compris de l’Assemblée législative et du Secrétariat d’État de l’environnement du Mato Grosso. Selon la police fédérale, ces personnes auront à répondre de crime environnemental : notamment formation de bande, corruption active et passive, rédaction et usage de faux documents. Les dommages causés sont estimés à environ 900 millions de reais (494 millions US$), principalement au détriment des forêts de quatre Terres indigènes situées dans cet État, dont le Parc Xingu. Le 27 mai, un juge du tribunal fédéral régional a considéré que la prison préventive ne se justifiait pas, il a accordé l’habeas corpus aux 95 accusés, ce qui signifie la remise en liberté des personnes déjà arrêtées. Le juge a estimé que l’accusation de la police fédérale était insuffisamment individualisée. Le Mato Grosso est l’un des États amazoniens où la déforestation est la plus forte.
Bernard Comoli
AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie
15 Chemin de la Vie-Longe – CH – 1213 Onex /Genève – CCP 17-5506-2

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