Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 72 – Genève, le 30 mai 2012

Les 20 ans de la démarcation Terre Indigène Yanomami / Code forestier : le veto partiel de Dilma / La victoire des Pataxó-Hã-Hã-Hãe au STF / Amazonie péruvienne : Mobilisation à Iquitos contre l’extraction pétrolière.

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Les 20 ans de la démarcation Terre Indigène Yanomami
Le Décret présidentiel d’homologation de la Terre Indigène Yanomami – TI-Y, signé par Fernando Collor le 25 mai 1992, compte trois articles. Le premier déclare cette Terre d’occupation indigène traditionnelle et permanente. Il mentionne les municipalités des États d’Amazonas et de Roraima sur lesquelles elle s’étend. Il en précise la superficie (96’649,80 km2) et le périmètre (3’370 km). Le deuxième est une longue suite de coordonnées géographiques qui donne le contour exact de ce territoire d’un seul tenant. Le troisième en annonce l’entrée en vigueur dès la publication, le 26 mai 1992, au Journal Officiel de l’Union. Mais pour en arriver là que d’années de luttes, que de souffrances ! La Terre des Yanomami est sur la ligne de partage des bassins de l’Orénoque et de l’Amazone qui marque la frontière, d’abord entre les possessions espagnoles et portugaises, puis entre le Venezuela et le Brésil. Les « blancs » ont eu des contacts épisodiques avec les Yanomami par les expéditions de reconnaissance des frontières. Puis, dès la fin des années 1930, il a y eu des contacts plus permanents avec la progression des différents fronts « extrativistes » (les exploitants des ressources forestières, caoutchouc, etc.), les orpailleurs, les missions religieuses, le Service de Protection des Indiens – SPI et les militaires. Ces contacts ont été ponctués d’actes de violences. Le « choc microbien » a provoqué de nombreuses maladies. Les premiers projets d’aire préservée pour les Yanomami datent de la fin des années 60. Il y a eu un projet formulé par les missionnaires de la Consolata (de l’Eglise catholique); d’autres par la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI en 1977 et 1978. Une organisation indigéniste, la Commission pour la Création d’un Parc Yanomami – CCPY, créée en 1978, va jouer un rôle décisif pour la démarcation de la TI-Y. Son projet est combattu par un important lobby anti-indigènes qui propose une démarcation « en îles ». Il s’agit de protéger les environs immédiats des villages tout en laissant libre accès aux zones d’orpaillage. La décision de F. Collor suscite l’opposition des militaires pour lesquels les TI aux frontières de l’État constituent une menace pour la souveraineté du pays. Le contexte international a aussi facilité le geste du président : le Brésil allait accueillir la première Conférence des Nation Unies sur le développement durable : RIO 92. La démarcation ne signifie pas pour autant que ce territoire est protégé. Cette absence de protection a maintes fois été rappelée dans ce bulletin. L’opération « Agata 4« , conduite par l’armée en ce début mai, a montré après d’autres actions similaires, que la surveillance du territoire doit être constante. Pour célébrer le 20e anniversaire de la démarcation de leur Terre, l’Hutukara Associação Yanomami – HAY, à l’invitation de son président Davi a organisé, fin avril, une rencontre de chamans dont quelques reflets peuvent être visualisés sur Youtube. Une autre rencontre de leaders a eu lieu du 22 au 25 mai pour parler des politiques publiques qui devraient être développées dans les différentes communautés. D’autres événements devraient marquer cet anniversaire.
En 2010, deux ouvrages ont été édités en français qui permettent de mieux connaître les Yanomami :
– « Les Yanomami du Brésil – Géographie d’un territoire amérindien » de François – Michel Le Tourneau. Collection « Mappemonde », Editions Belin (Paris) / ISSN 1275-2975 / ISBN 978-2-7011-5316-2 / 480 pages.
– « La chute du Ciel – Paroles d’un chaman yanomami » . Auteurs : Davi Kopenawa et Bruce Albert. Collection « Terre Humaine ». Éditions Plon (Paris). 825 p. ISBN Plon : 978-2-259-21068-3 – ISSN : 0492-7915
Code forestier : le veto partiel de Dilma
C’est au terme du délai légal d’un mois que la présidente, Dilma Rousseff, devait se prononcer sur le sort qu’elle réservait au nouveau Code forestier voté le 25 avril dernier par la Chambre des députés.
Elle a décidé d’opposer son veto sur 12 points et d’apporter 32 modifications au nouveau code. De celles-ci, 14 sont reprises du texte voté par le Sénat le 6 décembre 2011, 5 correspondent à des dispositifs nouveaux et 13 sont des ajustements de contenu. Parmi les modifications apportées par la présidente, on trouve une différenciation entre les obligations des petits et grands propriétaires en ce qui concerne les « Aires de Protection Permanentes » à devoir être conservées. La décision de la présidente a été annoncée à l’occasion d’une conférence de presse tenue au Palais présidentiel de Brasilia ce 25 mai. Ce sont les ministres de l’environnement (Izabella Texeira), de l’agriculture (Mendes Ribeiro), du développement agraire (Pepa Vargas) et l’Avocat général de l’Union (Luis Inácio Adams) qui en ont présenté les grandes lignes. Le détail des modifications fait l’objet d’une « Mesure provisoire » publiée, le 28 mai, au journal officiel de l’Union. Le Code forestier est maintenant la Loi No 12’651 du 25 mai 2012. Le Sénat et la Chambre des députés devront se prononcer en dernier ressort – à la majorité absolue et par bulletin secret – sur le texte final. Les réactions à ce veto partiel sont multiples. Pour le « Comité Brésil de défense des forêts et du développement soutenable », organisateur de la campagne pour le veto total, la décision présidentielle « renforce la nécessité d’amplifier la mobilisation des Brésiliens d’avoir un code forestier qui concilie conservation et production« . De son point de vue, le veto maintient l’amnistie de ceux qui ont pratiqué des déforestations illégales et il ouvre la brèche pour de nouveaux crimes environnementaux. Pour le député Ronaldo Caiado, membre du lobby de l’agro-business, le veto est un affront au Congrès national. Le débat sur le code forestier n’est pas terminé !
Pour en savoir plus (en français), voir divers No de « AYA Info » : No 71, No 66, No 61 et le No 52
La victoire des Pataxó-Hã-Hã-Hãe au STF
Les indiens Pataxó Hã-Hã-Hãe ont pu manifester leur joie : le 2 mai, le Tribunal Suprême Fédéral – STF, a déclaré nuls les titres de propriété de terres détenus par des fazendeiros installés de longue date sur la Terre Indigène (TI) de Caramuru-Catarina Paraguassu. C’est la Terre de 3’200 indiens Pataxó Hã Hã Hãe. Cette TI, d’une superficie de 540 km2, s’étend sur trois municipalités de l’État de Bahia. Elle avait déjà été délimitée en 1937 par le Service de Protection de l’Indien – SPI. Mais, dans les années 60 et 70, le Gouvernement de l’État a distribué des titres de propriété aux fazendeiros qui avaient envahi la TI, créant ainsi une situation conflictuelle permanente. En 1982 déjà, la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI a engagé une action en justice pour la reconnaissance des droits des indiens sur leur Terre. C’est une procédure de trente années qui vient de trouver son épilogue ! Malheureusement ce conflit a coûté la vie à une trentaine de leaders indigènes. Le cas de Galdino Jesus dos Santos est certainement celui qui a marqué le plus l’opinion publique brésilienne et internationale : le 21 avril 1997, une bande de jeunes lui a bouté le feu après l’avoir arrosé d’essence alors qu’il dormait sur un banc public de Brasilia. Il était dans la capitale pour faire reconnaître les droits de son peuple sur leur Terre. L’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a manifesté sa satisfaction après la décision du STF, un jugement qui avait débuté en septembre 2008 ! (voir « AYA Info » No 32 ).
Amazonie péruvienne : Mobilisation à Iquitos contre l’extraction pétrolière
Le 8 mai dernier, une large coalition d’organisations de la société civile de la ville d’Iquitos, située dans la région du Loreto, au coeur de l’Amazonie péruvienne, s’est rassemblée pour protester contre les activités exploratrices de la multinationale pétrolière américaine ConocoPhilips. Cette entreprise envisagerait de perforer plusieurs dizaines de puits dans les lots 123 et 129 qui se superposent avec la zone de conservation régionale Nanay-Pintuyacu-Chambira (voir carte). Cette région, presque entièrement recouverte de forêt tropicale humide, est reconnue au niveau international pour sa richesse en biodiversité et assure l’alimentation en eau potable de la ville d’Iquitos (environ 500’000 habitants). Selon la « Déclaration d’Iquitos » émise par le Comité de Défense de l’Eau d’Iquitos, ConocoPhilips. aurait déjà ouvertplus de 768 km de tranchées pour réaliser de la prospection sismique. La poursuite de ces activités pourrait affecter directement la qualité de l’eau et les stocks de poissons dont dépend la population d’Iquitos pour subvenir à ses besoins. Le Comité réclame de la part du Gouvernement régional une position plus claire sur l’exploitation du pétrole dans cette région, davantage d’informations concernant les activités futures de la multinationale et le respect de l’ordonnance régionale qui définit d’intérêt public régional la protection des têtes de bassin versant. Aux Etats-Unis des organisations font également pression sur la multinationale.
Pour en savoir plus, en anglais : l’action d’AmazonWatch, d’Allianza Arkana ; en espagnol : la mobilisation à Iquitos ; la localisation (3,2 Mo) des lots 123 et 129.
Bernard Comoli (et Aurélien Stoll pour la note sur l’Amazonie péruvienne)
Important : L’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s’agit d’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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