Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 78 – Genève, le 26 décembre 2012

Après une visite chez le président français, Raoni était de passage à Genève / Les Xavante Marãiwatsédé retrouvent leur terre, un évêque est menacé de mort / La COIAB participe à la COP-18 à Doha.

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Après une visite chez le président français, Raoni était de passage à Genève
Cet automne, Raoni, le leader Kayapó était de nouveau en tournée en Europe. Une fois de plus, il est venu alerter l\’opinion publique sur les dommages qu\’entraînent la destruction de la forêt et la construction d\’infrastructures, notamment les barrages, en Amazonie. Depuis 1989, constatant qu\’il n\’était pas entendu des autorités brésiliennes, Raoni a multiplié les voyages en Europe pour demander l\’appui de nombreuses personnalités, notamment les anciens présidents français : Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Il avait également été reçu à Berne, en juin 2001, par le président de la Confédération Moritz Leuenberger. Le 29 novembre dernier, il était à Paris. Il a été reçu par F. Hollande au palais de l\’Elysée. Pour le président français : « Ce qui se passe dans la forêt amazonienne nous concerne directement. Si la déforestation continue, si la forêt amazonienne est progressivement amputée, ce n\’est pas un problème seulement pour les peuples autochtones, c\’est un enjeu pour le monde ! » Selon le communiqué publié par l\’Elysée, le président « a souligné l\’importance d\’une participation des peuples autochtones aux débats et négociations qui engagent leur avenir. » Raoni a remis au président la « Déclaration des peuples indigènes », adoptée en juin 2012, lors du campement « Terre Libre » tenu en parallèle à la Conférence Rio+20. Déclaration destinée aux chefs d\’États. Raoni a demandé à F. Hollande de transmettre ce texte à Dilma Rousseff, la présidente brésilienne, en visite officielle à Paris les 11 et 12 décembre. Le 10 décembre, Journée des Droits de l\’homme, il était à Genève pour demander l\’aide de l\’ONU. Après avoir été invité au Club suisse de la presse pour une rencontre (! 1:05:08) avec les journalistes, il est allé au Palais Wilson où il a été reçu par Navi Pillay, la Haut-Commissaire aux Droits de l\’Homme. Pour ce voyage en Europe, Raoni était accompagné de deux autres membres de sa famille, son neveu, le cacique Megaron Txucarramae, et de son petit-neveu, Bemoro Metuktire. Une nouvelle génération de leaders, une relève peut-être moins médiatisée (ils ne portent pas de labret), mais tout aussi engagée dans la défense des droits des indigènes. Les associations Planète Amazone et la Société pour les Peuples Menacés qui ont organisé le séjour en Europe et en Suisse de la délégation Kayapó veulent également mettre la pression sur les entreprises européennes qui participent, ou qui sont susceptibles de participer, à « l\’invasion industrielle » et à l\’exploitation des matières premières de l\’Amazonie. Une stratégie peu utilisée jusqu\’à présent…
Les Xavante Marãiwatsédé retrouvent leur terre, un évêque est menacé de mort
En ce début décembre, sur ordre de la justice, les forces de l\’ordre évacuent les occupants illégaux de la Terre Indigène (TI) Marãiwatsédé. C\’est une page qui se tourne de la dramatique histoire de cette partie du Peuple Xavante du Mato Grosso. En août 1966, pour permettre l\’avancée de la colonisation agricole la dictature déporte, par avion militaire, cette communauté d\’environ 400 personnes à 400 km plus au sud, à la Mission salésienne de São Marcos. Une épidémie de rougeole a causé la mort de 150 de ses membres. Le peuple de Marãiwatsédé tente alors de retourner sur son aire d\’origine. Leur Terre était devenue propriété d\’une immense fazenda, rachetée dans les années 80 par AGIP Petrol, la société italienne. À l\’approche de la Conférence de Rio de 1992, sous la pression d\’une campagne internationale, le président d\’AGIP promet de remettre leur Terre aux Xavante. C\’était sans compter sans l\’opposition de politiciens et fazendeiros locaux opposés au retour des indigènes. Les opposants ont envahi les lieux. La Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI a « identifié » la TI en 1992. Délimitée en 1993, elle a une superficie de 1\’650 km2. Elle s\’étend sur trois municipalités : Alto Boa Vista, Bom Jésus de l\’Araguaia et São Felix de l\’Araguaia. Son homologation par Fernando Henrique Cardoso date du 11 décembre 1998. Mais les occupants illégaux n\’ont jamais abandonné le terrain. En août 2004 des Xavante ont occupé environ 10% de leur Terre. Ils sont maintenant 928 à y habiter. Des moments de vive tension ont marqué toutes ces vingt dernières années. En juin 2011, l\’Assemblée législative du Mato Grosso a adopté une loi demandant la transformation du Parc National d\’Araguaia en Terre Indigène pour y installer les Xavante. Une bataille juridique a conclu à l\’inconstitutionnalité de cette loi. Le 19 octobre dernier, le Tribunal Suprême Fédéral a fini par confirmer l\’évacuation des non – indiens. La FUNAI (voir dès le 11/12/12) a coordonné l\’opération qui a commencé le 10 décembre. Même si l\’occupation par les fazendeiros a été jugée comme étant de « mauvaise foi » par la justice, le gouvernement s\’est engagé à réinstaller les familles répondant aux normes de la réforme agraire. Ce sont 455 personnes qui ont reçu un avis leur accordant un délai de 30 jours pour quitter les lieux avant le 17 décembre. Les vingt-deux plus grandes fazendas s\’étendent sur un tiers de l\’aire indigène. Elles sont les principales responsables de la déforestation. En 1992, la FUNAI avait constaté qu\’environ 66% de la TI était recouverte de forêt et 11% de « cerrado » (savane). Actuellement, 61,5% de la surface est utilisée pour l\’agriculture et l\’élevage. L\’évacuation a été marquée par des incidents : barrages sur les routes, confrontations avec les forces de l\’ordre.
Un fazendeiro a accusé publiquement Paulo Maldos, chargé de l\’articulation sociale au Secrétariat de la présidence de la république, et à ce titre chargé de suivre les opérations, d\’avoir sollicité le versement d\’un « pot-de-vin » pour permettre aux occupants illégaux de rester sur place. Le Secrétaire général de la présidence de la république, Gilberto Carvalho, a publié un communiqué de presse pour redire sa confiance en son subordonné. Plus grave, des opposants ont adressé des menaces au cacique Xavante Damião Paradzine et à Wanderley Perin, le maire de Alto Boa Vista. Des menaces de mort ont également visé Dom Pedro Casaldáliga, 84 ans, évêque émérite de São Felix do Araguaia où il a exercé son ministère de 1970 à 2005. Pour le protéger, la police l\’a invité à quitter sa résidence pour un lieu tenu secret. Plusieurs organisations ont tenu à manifester leur solidarité envers celui qui est connu pour son engagement en faveur du respect des droits des indigènes. Dom Leonardo Ulrich Steiner, Secrétaire de la Conférence Nationale des Evêques du Brésil – CNBB s\’est adressé aux évêques du pays pour expliquer la situation des Xavante et sa solidarité envers Dom Pedro.
Au nom de sa communauté, le 8 décembre, le cacique Damião a signé une lettre, adressée à la société brésilienne, dans laquelle il remercie les autorités et toutes les entités qui ont appuyé leur lutte pour la vérité contre le mensonge. Il rappelle le nom des Xavante qui ont payé de leur vie leur engagement pour la défense de leurs droits territoriaux. Faisant allusion à la destruction de la forêt, il conclut ainsi sa lettre : « Les animaux ne peuvent souffrir davantage avec une telle destruction de la nature. Quand la terre sera rendue à notre peuple, la forêt va vivre à nouveau. Les animaux et les plantes vont revenir. Notre mère va rester plus forte et plus belle comme elle l\’a toujours été. C\’est ainsi que nous voulons que ce soit ».
La COIAB participe à la COP-18 à Doha
Les peuples indigènes sont préoccupés par les changements climatiques. Ils suivent de près les négociations internationales à ce sujet. Sônia Guajajara, membre de la Coordination des Organisations Indigènes de l\’Amazonie Brésilienne – COIAB était à Doha (Qatar) pour suivre les travaux de la COP-18, la 18e Conférence des parties à la convention de l\’ONU sur les changements climatiques qui a eu lieu du 26 novembre au 8 décembre 2012. On sait que la conférence n\’a abouti qu\’a un accord minimal consistant à prolonger le protocole de Kyoto jusqu\’en 2020. Les États les plus pollueurs ne sont tenus à aucun engagement. En août 2011, les représentants des organisations indigènes des neuf pays amazoniens étaient réunis à Manaus pour adopter une position commune sur les changements climatiques. Depuis, ils ont été présents à Durban en 2011 pour la COP-17 et à la Conférence Rio+20 de juin 2012 sur le développement durable. À Doha, à l\’occasion d\’une conférence de presse, Sônia a rappelé que « le modèle de développement du Brésil est basé sur l\’industrie extractive et l\’agriculture d\’exportation. Ce modèle requiert nécessairement le renforcement des infrastructures et l\’implantation de grands ouvrages (usines hydroélectriques, lignes de chemin de fer, ports, etc) qui, inévitablement, impactent les terres et territoires, la vie socio – économique, physique, culturelle et spirituelle des peuples indigènes et autres populations locales ». Selon Sônia, pour promouvoir ce modèle, le gouvernement brésilien a été complice de l\’offensive des secteurs politiques et économiques qui s\’opposent aux droits territoriaux des indigènes. Elle énumère ensuite les projets de lois ou dispositions administratives visant à réduire les droits des indigènes. À ceux qui pourraient s\’interroger sur le lien entre ces droits et le climat, sujet de la conférence, elle rappelle qu\’en préservant, sur leurs terres, les forêts, l\’environnement et la nature, les peuples indigènes contribuent à maintenir la biodiversité et à éviter les émissions de gaz à effet de serre.
« AYA Info » souhaite à chacune de ses lectrices et chacun de ses lecteurs de voir se réaliser au moins l\’un ou l\’autre de ses vœux les plus chers en 2013 !
Bernard Comoli
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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