Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 87 – Genève, le 30 octobre 2013

Vandœuvres solidaire des Yanomami / Une forte mobilisation nationale pour la défense des droits constitutionnels des indigènes dans tout le pays et à Brasilia / Démarcation des terres indigènes : une nouvelle controverse.

« AYA Info » est en ligne sur les sites Internet :
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Vandœuvres solidaire des Yanomami
C\’est maintenant d\’une pirogue neuve, équipée d\’un moteur de 15 CV, dont dispose le Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA pour son travail avec les communautés Yanomami de l\’État d\’Amazonas. Il y a moins d\’un an, notre association, Appui aux Indiens Yanomami d\’Amazonie – AYA a reçu un don de la commune genevoise de Vandœuvres permettant à la SECOYA de faire cet investissement en remplacement d\’un ancien matériel usagé. La pirogue a été achetée directement chez le fabricant. Il a été demandé à ce dernier d\’apporter des modifications au matériel standard pour répondre aux besoins de SECOYA : ajouter trois paires de poignées latérales pour faciliter le transport du bateau quand il faut passer les « cachoeiras » (les rapides); renforcer la quille et, sur la poupe, renforcer le support du moteur. Ces aménagements spéciaux ont retardé la livraison de plusieurs mois. La pirogue a été peinte. Elle porte le logo de SECOYA et les armoiries de Vandœuvres. Construite à Manaus, elle a été transportée par barge à 780 km de là, à Santa Isabel do Rio Negro où elle est stationnée. Cette petite ville se trouve près de l\’embouchure du rio Marauiá. C\’est dans cette région que la SECOYA développe l\’essentiel de ces programmes dans les domaines de la santé, de l\’éducation, de citoyenneté et de développement durable. Les rivières sont les principaux moyens d\’accès aux communautés Yanomami. Au nom de son partenaire brésilien, AYA tient à remercier les autorités et les habitants de Vandoeuvres pour ce geste de solidarité envers les Yanomami.
Selon le relevé effectué par la Fédération Genevoise de Coopération en 2010 (pp. 142 -143), cette commune de 2\’600 habitants avait consacré 1,5% de son budget de fonctionnement pour la coopération au développement, soit une contribution de près de 49 CHF par habitant. Une générosité à remarquer.
Une forte mobilisation nationale pour la défense des droits constitutionnels des indigènes
Il a été reçu, l\’appel à une semaine de mobilisation nationale, lancé à la fin du mois d\’août par l\’Articulation des Peuples et Organisations Indigènes du Brésil – APIB* pour la « Défense de la Constitution et du droit des peuples à la terre« . Est particulièrement visée par cette campagne la Proposition d\’amendement constitutionnel, la PEC 215/00, qui veut transférer du gouvernement au parlement le pouvoir de démarquer les Terres Indigènes. Entre le 30 septembre et le 5 octobre, il y a eu de nombreux « événements » dans les différentes régions du Brésil. Cette mobilisation indigène a certainement été la plus importante depuis l\’adoption de la Constitution le 5 octobre 1988. Elle a eu des échos, non seulement sur les réseaux sociaux, dans les médias nationaux, sur YouTube, mais également au niveau international. Ainsi, le quotidien français « Le Monde » a publié plusieurs articles relatifs à cette mobilisation, notamment dans son édition des 6 et 7 octobre. Selon une évaluation de l\’Instituto Socioambiental – ISA ce sont environ 13\’000 personnes qui ont participé à des manifestations. Cette note a été rédigée à partir des informations diffusées sur divers sites Internet et diverses agences, dont Agência Brasil. Elle veut donner un reflet de cette mobilisation sans prétendre en dresser un tableau exhaustif.
Un peu partout dans le pays
Dans le courant de cette semaine de mobilisation des barrages ont été dressés sur plusieurs routes. La BR-101, cette longue route de plus de 4\’700 km, qui suit la côte atlantique entre l\’État du Rio Grande do Norte et celui du Rio Grande do Sul, a été barrée par les Indiens Pataxó, Tupinamba et Pataxó Hã-Hã-Hãe près de Itamaraju, au sud de l\’État de la Bahia. Sur la même route, mais beaucoup plus au sud, ce sont des Indiens Guarani qui ont établi un barrage au lieu dit Morro dos Cavalos, dans la municipalité de Palhoça (État de Santa Catarina). Des Indiens Xavante ont également barré la BR-070 près de la localité de Primavera do Leste, dans l\’État du Mato Grosso. Des Indiens Guajajara ont occupé la BR-316 dans l\’État du Maranhão. Dans le Nordeste, sous l\’impulsion de l\’Articulation des Peuples et Organisations Indigènes du Nordeste, Minas Gerais et Espirito Santo – APOINME, des barrages ont été signalés dans le Nordeste, dans les Etats de l\’Alagoas et du Pernambuco. Organisés au sein de Conseil Indigène de Roraima – CIR, les peuples indigènes de cet État ont organisé un rassemblement pour la défense de la Constitution de1988. La manifestation a eu lieu le 2 octobre sur la BR-174, près de la communauté indigène Sabia, dans la Terre Indigène São Marcos (municipalité de Pacaraima). Pendant quelques heures, le 3 octobre, des Indiens Terena ont occupé la fazenda São Pedro do Paratudal, dans la municipalité de Miranda (État du Mato Grosso do Sul). Les Terena revendiquent une portion de la propriété comme faisant partie de la Terre Indigène Cachoeirinha.
Des manifestations ont eu lieu aussi dans les centres urbains. Ainsi, à São Paulo, le 2 octobre en fin d\’après-midi, un cortège a eu lieu sur une partie de l\’Avenida Paulista. ISA a filmé la manifestation et interviewé plusieurs leaders indigènes et sympathisants de leur cause. Parmi eux, Ana Maria Antunes Machado a adressé un message de solidarité aux Yanomami, dans leur propre langue. Le professeur José Ribamar Bessa Freire, de l\’Université fédérale de l\’État de Rio de Janeiro, a participé à cette manifestation. Le 6 octobre, sur son site Internet, il a publié une note intitulée « Le beuglement des vaches » dans laquelle il répond aux attaques dont sont l\’objet les droits indigènes. À Rio de Janeiro, le 4 octobre, des indigènes de plusieurs ethnies et, là aussi, des sympathisants de leur cause, ont organisé un rassemblement devant l\’immeuble de la Petrobras, puis sont partis en cortège sur l\’avenue Rio Branco.
À Brasilia
Environ 1\’500 leaders indigènes de tout le pays se sont donné rendez-vous à Brasilia, la capitale de l\’État qui, évidemment, a connu plusieurs manifestations.
Le 1er octobre, des militants de Greenpeace Brésil ont grimpé au mât du drapeau brésilien, et sous les couleurs nationales, ils y ont accroché l\’effigie d\’un Indien et, plus bas encore, une banderole portant l\’inscription : « Nos forêts ont plus de vie ». Au Sénat, la Commission des droits humains et de la législation participative, présidée par Ana Rita, a reçu des leaders indigènes qui ont exprimé leurs inquiétudes face aux attaques dont les droits territoriaux sont l\’objet. Ce même jour, la présidente de la république Dilma Rousseff, a fait savoir que son gouvernement était hostile au Projet d\’amendement constitutionnel No 215/00.
Le 2 octobre, la police a empêché les manifestants d\’entrer au parlement. Cependant, une délégation de leaders a été reçue par André Vargas, ce jour-là président en exercice de la Chambre des députés. La délégation a évoqué les principales revendications des organisations indigènes, notamment, le classement de la PEC 215/00. Il a été convenu qu\’un document mentionnant ces revendications serait remis le lendemain aux parlementaires (voir ci-dessous « Déclaration »). Les députés Nilmário Miranda et Padre Ton ont déposé une Proposition d\’amendement constitutionnel (No 320/2013) créant quatre sièges de députés fédéraux indigènes élus par les communautés elles-mêmes.
Sur l\’Esplanade des Ministères, le 3 octobre, un groupe a enterré symboliquement – en fait l\’image – de quatre personnes qui, aux yeux des indigènes, sont particulièrement actives pour réduire leurs droits territoriaux constitutionnels. Il s\’agit de la Ministre-chef de la Maison Civile de la présidence de la république, Gleisi Hoffmann; la sénatrice Katia Abreu, présidente de la Confédération Nationale de l\’Agriculture et de l\’Elevage – CNA; le député fédéral Ronaldo Caiado, membre de la « Bancada ruraliste » et l\’Avocat Général de l\’Union Luis Inácio Adams. Au cours de l\’après-midi des leaders indigènes ont occupé pacifiquement, pendant un peu plus d\’une heure, le siège de la CNA. Le temps pour Sônia Guajajara de l\’APIB, d\’exprimer les griefs adressés à la Confédération et à sa présidente. La police militaire était sur les lieux, mais a seulement suivi l\’événement. La Commission Nationale de Politique Indigéniste – CNPI a tenu sa 21e réunion ordinaire au siège de la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI. À cette occasion, le Ministre de la justice, José Eduardo Cardozo a annoncé qu\’il adressait au président de la Chambre des députés une note technique qui démontre le caractère anticonstitutionnel de la PEC 215/00.
Le 4 octobre des représentants de la mobilisation ont remis un document destiné aux juges du Tribunal Suprême Fédéral – STF. Ils y expriment leurs préoccupations quant aux droits constitutionnels menacés par des initiatives des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires tendant à restreindre et retirer des droits qui paraissaient consolidés et définitifs. Ils rappellent également la suspension par le STF des processus de démarcation des Terres Indigènes, principalement au Mato Grosso do Sul. Ils demandent que les décisions du STF soient favorables aux peuples indigènes, conformément à leurs droits historiques et fondamentaux garantis par la Constitution fédérale et les Traités internationaux signés par le Brésil.
La « Déclaration » publiée le 3 octobre par l\’APIB résume les revendications des peuples indigènes du pays : « Nous déclarons que si les ruralistes arrivent à changer la Constitution, ou si le pouvoir exécutif modifie les processus de démarcation de nos terres et continue la paralysie de démarcation de nos territoires, pour nous, ces mesures seront nulles. Nous continuerons à résister et à risquer nos vies pour ce que prescrivent la Constitution de 1988 et les traités internationaux signés par le Brésil… Nous exigeons la fin de toutes ces attaques contre nos droits… » Le document se termine par des demandes plus précises : le classement immédiat et définitif de toutes les initiatives qui portent atteintes aux droits indigènes; la création du Conseil National de Politique Indigéniste; l\’approbation du Statut des Peuples Indigènes et de la Proposition d\’amendement constitutionnel No 320/2013 qui veut la création de quatre sièges pour des députés fédéraux indigènes… « Enfin, nous réitérons notre détermination à rester unis et en alliance avec les mouvements et organisations sociales qui, comme nous, luttent pour la construction d\’une société véritablement démocratique, juste et plurielle« .
Après une telle mobilisation, la question est maintenant de savoir comment le pouvoir brésilien va répondre à l\’interpellation des peuples indigènes ?
* Voir AYA Info No 86
Démarcation des terres indigènes : une nouvelle controverse
En mars 2009, le Tribunal Suprême Fédéral – STF avait validé le décret de démarcation, en aire continue de la Terre Indigène (TI) Raposa Serra do Sol* –TI RSS. Un décret signé en avril 2005 par le président Lula. Pour appuyer son jugement, le STF avait assorti sa décision de 19 conditions. Cette décision de 2009 a fait l\’objet de plusieurs recours qui ont été jugés ce 23 octobre. Le STF a validé la démarcation de 2005. Il a confirmé ces conditions. Pour le rapporteur de la cause, le juge Roberto Barroso, ces dernières valent pour résoudre le différend Raposa Serra do Sol. Elles ne lient pas les juges et les tribunaux qui auraient à se prononcer sur des procès concernant d\’autres procès relatifs à d\’autres TI.
C\’est avec des danses et des chants qu\’un millier d\’indigènes de Raposa Serra do Sol, réunis dans la communauté indigène de Barro, ont accueilli cette nouvelle.
Après l\’annonce de ce jugement, le service de l\’Avocat Général de l\’Union, Luis Inácio Adams, a publié un communiqué dans lequel il dit attendre la publication de l\’intégralité du jugement pour étudier comment il pouvait remettre en vigueur l\’arrêté No 303/2012 qu\’il avait pris en juillet 2012**, puis suspendu deux mois plus tard en attendant ce jugement du STF. Cet arrêté, censé encadrer le processus de démarcation des TI avait soulevé une vague de protestation de la part des organisations indigènes. Il fait partie de la liste des textes que la mobilisation nationale du début octobre demande le classement définitif. L\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a demandé à nouveau l\’abrogation définitive de cet arrêté. Elle demande aussi la démission du ministre Adams…
* La Terre Indigène Raposa Serra do Sol a une superficie de 17\’474 km2. Elle est située au nord du Brésil à la frontière avec le Venezuela et la Guyana. Elle est habitée par 5 peuples : Macuxi, Wapixana, Ingarikó, Taurepang et Patamona. La démarcation a été acquise après une lutte qui a duré plus de trente ans, au cours desquels plusieurs indigènes ont payé de leur vie leur engagement en faveur de cette cause.
** Voir « AYA Info » Nos 74 et 75
Bernard Comoli
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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