Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 95 – Genève, le 28 août 2014

La Commune de Plan-les-Ouates et l\’ASF solidaires des Yanomami / Davi Kopenawa et l\’Hutukara menacés / Violences contre les peuples indigènes, le rapport annuel du CIMI / Un groupe d\’indiens isolés contacte pour la première fois un village Ashaninka / Une nouvelle loi menace l’environnement au Pérou.

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La Commune de Plan-les-Ouates et l\’ASF solidaires des Yanomami
À la fin du mois de juin, la Commune genevoise de Plan-les-Ouates (devenue « ville » en décembre 2012 quand elle a compté plus de 10\’000 habitants) a donné son accord pour subventionner partiellement le projet de promotion de la santé dans les communautés Yanomami du rio Marauiá. Un projet mis en œuvre par le Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA de Manaus, le partenaire de AYA. Depuis 2001, cette municipalité alloue 0,9 % de son budget global à l\’aide au développement.
Une autre partie du soutien à ce projet a été apportée par l\’intermédiaire de l\’ambassade de Suisse au Brésil (voir AYA Info No 93). En fait, l\’ambassade est chargée du suivi du projet, mais le financement vient de l\’Association Suisse de Football – ASF. Cette dernière a décidé de soutenir un projet de coopération dans chacune des villes brésiliennes où elle a disputé les matchs du premier tour du Mondial 2014 : Brasilia, Salvador et Manaus. À Manaus, le 25 juin, le jour de la rencontre qui a opposé la « Nati » au Honduras*, une cérémonie a été organisée au siège de la Secoya pour la signature du partenariat avec l\’ambassade. Entre autres présents : M. André Regli, ambassadeur de Suisse au Brésil; MM. Peter Gilliéron et Alex Miescher, président et secrétaire général de l\’ASF et M. Arthur Neto, maire de Manaus.
Par ailleurs, le quotidien français « Le Monde », dans son édition du 26 juin, sous le titre « Amers Indiens » a consacré un article, signé de Benoît Hopquin, sur la situation des peuples indigènes brésiliens. Le journaliste a questionné Silvio Cavuscens qui a l\’occasion de s\’exprimer sur les conditions de vie des Yanomami : « La dénutrition touche encore près d\’un enfant sur deux en pays Yanomami. Les besoins en matière de santé et d\’éducation restent considérables. Isolées, fragiles ces populations sont la proie de chercheurs d\’or clandestins, des trafiquants ou d\’employeurs sans scrupule qui les réduisent en quasi-esclavage« .
* La Nati a gagné 3 à 0.
PS : Nos lecteurs qui souhaiteraient participer au financement de ce projet, peuvent le faire par le moyen du CCP d\’AYA No 17-55066-2.
Davi Kopenawa et l\’Hutukara menacés
Le 28 juillet, Davi Kopenawa, le président de l\’Hutukara Associação Yanomami – HAY a rencontré le délégué adjoint de la Police Fédérale à Boa Vista (la capitale de l\’État de Roraima) pour l\’informer des menaces de mort dont il est l\’objet. L\’HAY a remis un rapport dans lequel elle fait état du climat d\’insécurité dans lequel vivent les responsables de l\’association. Est particulièrement visé son président, Davi Kopenawa. En mai, à São Gabriel da Cachoeira (AM), le directeur de l\’HAY, Armindo Góes a été abordé par des garimpeiros. Ceux-ci lui ont déclaré que des personnes, qui avaient subi des préjudices lors des opérations de lutte contre l\’orpaillage illégal dans la Terre Indigène Yanomami, recherchaient Davi, affirmant que celui-ci n\’arriverait pas vivant à la fin de l\’année.
En juin, à Boa Vista (la capitale de l\’État de Roraima), le siège local de l\’Institut Socio-environnemental – ISA (une organisation indigéniste) a été victime d\’un « assalto » au cours duquel du matériel a été volé.
L\’HAY a pris des mesures pour augmenter la sécurité de son siège à Boa Vista. Elle a restreint les activités et les déplacements de son président. Elle demande à la Police Fédérale d\’enquêter sur toute la chaîne de l\’or dans la Terre Indigène Yanomami pour savoir qui finance les opérations d\’orpaillage, qui achète l\’or ? « Malheureusement ceux qui financent l\’exploitation illégale du minerai sont rarement identifiés et les garimpeiros sont rapidement libérés et retournent à leur activité illégale« . L\’HAY demande à l\’État brésilien, non seulement la protection et la surveillance du territoire du peuple Yanomami, mais aussi d\’assurer l\’intégrité physique de Davi Kopenawa.
Ces faits ont conduit la Police Fédérale et le Ministère Public Fédéral de Roraima à ouvrir une enquête et prendre une série de mesures. Entre autres, elle a demandé, au Secrétariat des Droits humains de la présidence de la république, d\’envisager l\’inclusion de Davi Kopenawa dans le Programme de protection des défenseurs des droits humains.
Présent à la Fête Littéraire Internationale de Paraty (RJ) qui s\’est tenue du 30 juillet au 3 août, Davi a sollicité de l\’aide : « Si vous n\’aidez pas le peuple indigène, le monde ne va pas bien fonctionner… La forêt c\’est ce qui nous protège…« 
Survival International propose l\’envoi, à la Présidente du Brésil Dilma Rousseff, d\’un courrier de soutien aux Yanomami.
Violences contre les peuples indigènes, le rapport annuel du CIMI
« Pour les peuples indigènes, dépossédés de leur habitat ancestral, le monde devient un désert et le ciel du Bien Vivre est profané ! » C\’est ainsi que Dom Erwin Kräutler, président du Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI*, conclut la présentation du rapport annuel consacré à la « Violence contre les Peuples indigènes » du Brésil. Ce sont les données recueillies en 2013 qui ont été publiées le 17 juillet dernier à Brasilia. Dom Erwin relève que « Beaucoup d\’agressions enregistrées ont pour toile de fond la paralysie de tous les processus de démarcation des terres indigènes imposée par la présidente Dilma Rousseff… Le mépris à l\’égard des peuples indigènes ne se limite pas aux droits territoriaux. Il se manifeste aussi par une négligence criminelle dans le Service de santé qui leur est destiné ». Droits territoriaux et santé sont les deux thèmes sur lesquels le rapport met l\’accent.
Le Secrétaire exécutif du CIMI, Cleber Cesar Buzzato, cite l\’exemple de 12 processus de démarcation de Terres Indigènes – TI qui n\’attendent que la signature du ministre de la justice, pour être déclarées comme telles, et 17 attendent seulement la signature de la présidente de la république pour leur homologation, quasiment la phase finale de leur reconnaissance comme TI. En moyenne annuelle, depuis la présidence de José Sarney, c\’est sous l\’actuel gouvernement de Dilma Rousseff qu\’il y a eu le moins de TI démarquées : seulement 3,6. Autre fait révélateur, en 2013, sur les 21,6 millions de Reais que le Congrès avait inscrits au budget de l\’État pour la « Délimitation, démarcation et régularisation des TI », seuls 5,4 millions ont été utilisés.
Pour Roberto Antonio Liebgott, représentant du CIMI à la Commission Intersectorielle de Santé Indigène – CISI, « Le service de santé indigène est une réalité dévastatrice. En 2013, la politique de santé indigène a continué d\’être marquée par le gaspillage des ressources financières et par une négligence absolue dans la mise en œuvre des actions. Quelques unes, très basiques, pourraient sauver des milliers de vies chaque année. » Le document, citant les propres sources du gouvernement, rappelle que pour 100 indigènes qui meurent, on compte 40 enfants de moins de 5 ans. Entre janvier et novembre 2013, ce sont 693 enfants indigènes de moins de 5 ans qui sont décédés. Dans l\’État du Mato Grosso do Sul, toujours dans la population indigène, le coefficient de mortalité infantile des moins de 5 ans est de 45,9/1\’000 naissances. La moyenne nationale est de 19,6 pour mille.
Comme dans les rapport des années précédentes, pour 2013, le CIMI a regroupé les cas de violences sous trois chapitres : les violences contre le patrimoine; celles contre les personnes et la violence par négligence des pouvoirs publics. Dans la première catégorie, il a compté 97 cas (125 en 2012). Dans la deuxième catégorie, il a dénombré, entre autres, 53 assassinats (60 en 2012). Des négligences de la part des pouvoirs publics sont observées dans 19 États de l\’Union (23 en 2012).
En 2013, sur les 27 entités de l\’Union, trois États seulement (Espírito Santo, Rio Grande do Norte et Sergipe) n\’ont pas connu de violences. Mais les trois catégories de violences ont été observées dans 14 États, dont 7 des 9 États de l\’Amazonie légale !
Les peuples indigènes du Brésil connaissent une période sombre de leur histoire.
* Le CIMI est l\’organisme de la Conférence Nationale des Evêques du Brésil – CNBB en charge de la question des peuples indigènes.
Pour les années précédentes voir « AYA Info » Nos 85, 74, 63, 52, 39, 28
PS : Tout récemment, le ministère de la santé a fait connaître son intention de modifier le service de santé indigène en créant un « Institut National de Santé Indigène – INSI ». Plusieurs organisations indigènes ont déjà fait connaître leur hostilité à ce projet.
Un groupe d\’indiens isolés contacte pour la première fois un village Ashaninka
Le 1er juillet, la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI a publié un communiqué annonçant le premier contact établi par un groupe d\’indiens, jusque-là isolés, avec une communauté Ashaninka du village Simpatia, dans la Terre Indigène Kampa et Isolés du Alto Rio Envira, dans l\’État d\’Acre, non loin de la frontière avec le Pérou. La rencontre a été pacifique. Au moment du contact, des membres du Front de Protection Ethno-environnemental Envira – FPE de la FUNAI étaient présents. Ils ont eu l\’opportunité de filmer l\’événement. Sur Youtube, cette vidéo a été vue plus de 2,3 millions de fois.
Le 17 juillet, la Fondation a indiqué que ces indiens ont dû recevoir un traitement antigrippal. Ils n\’ont pas échappé au choc microbien ! Elle a mis en œuvre le plan d\’intervention pour les situations de contact. Il s\’agit surtout de réduire les risques graves encourus par ces indiens dans le domaine de la santé. Leur organisme est dépourvu d\’anticorps susceptibles de répondre aux attaques d\’agents pathogènes.
Le FPE du Envira était présent dans ce village pour enquêter suite aux doléances d\’indiens Kaxinawa qui se plaignent d\’avoir eu à subir des saccages et des vols commis par des indiens isolés. Ninawa Huni Kuin, le président de la Fédération du peuple Huni Kuin demande que la FUNAI réactive la base du FPE du rio Xinane fermée en 2011 après une invasion de narcotrafiquants péruviens*. Pour lui, comme pour beaucoup d\’indigénistes, les peuples isolés de la région sont sous la pression de « madeireiros » (exploitants forestiers) ou de narcotrafiquants qui envahissent leurs territoires.
Le Coordinateur général du « Service des indiens isolés et de contact récent » de la FUNAI, Carlos Lisboa Travasso, dans une interview à « Amazônia Real« , décrit le détail des contacts qui ont eu lieu avec ces visiteurs. Il exprime également sa préoccupation quant à l\’avenir des groupes isolés.
Pour l\’heure, le gouvernement de l\’État d\’Acre a apporté son appui au FPE. Le sénateur Jorge Viana a demandé au ministre de la justice de garantir à la FUNAI les ressources nécessaires à la protection des indiens isolés. Il s\’agit d\’un investissement de 5 millions de Reais** sur quatre ans.
Le Brésil n\’est pas le seul pays à avoir des peuples isolés sur son territoire. La Commission Interaméricaine des Droits Humains – CIDH, de l\’Organisation des États Américains – OEA, est préoccupée par la situation de ces peuples dont plusieurs courent le risque de disparaître complètement. Elle vient de publier un rapport relatif aux « Peuples indigènes en isolement volontaire et en contact initial dans les Amériques ». Une problématique qui, outre le Brésil, concerne la Bolivie, la Colombie, l\’Equateur, le Paraguay et le Venezuela. Il y a des indices de présence de tels peuples en Guiana et au Suriname. Pour la CIDH, les principales menaces qui pèsent sur ces peuples sont : le contact en lui-même, les pressions sur leurs terres et territoires, l\’extraction des ressources naturelles, les contagions et autres maladies, les agressions directes, les projets touristiques et le narcotrafic. La Commission fait une série de recommandations aux États concernés, comme la protection des territoires, la consultation préalable, libre et informée sur les projets concernant ces peuples.
Dans un article publié dans « Carta Capital« , les bons connaisseurs des questions indigènes que sont le journaliste Felipe Milaneze et l\’anthropologue Glenn Shepard, rappellent l\’histoire des peuples indigènes du Brésil qui ont eu à souffrir du contact avec les non indiens : la période d\’exploitation du caoutchouc, la dictature militaire et, maintenant, le Programme d\’Accélération de la Croissance – PAC du gouvernement brésilien. Ils rappellent la trentaine d\’ouvrages du programme qui impactent directement le territoire d\’indiens isolés. Selon eux, l\’isolement voulu par ces peuples est une stratégie de survie. Le contact établi par ces indiens isolés (qu\’ils appellent Xatanawa) met fin à une résistance séculaire. Les indigènes venus au contact des Ashaninka sont des survivants…
* Voir « AYA Info » No 63 et No 29 .
** Soit environ 2,2 millions de US$ ou 2 millions de CHF.
Une nouvelle loi menace l’environnement au Pérou
Le 3 juillet dernier, la Commission permanente du Congrès péruvien a donné son feu vert au projet de loi No 3627, annoncé en urgence par le Ministre de l’Economie Louis Castilla pour favoriser les investissements privés et relancer la croissance économique. Ce texte a été adopté par le congrès et signé par le président de la république le 11 juillet.
Sous prétexte de promouvoir les investissements, cette loiaffaiblitconsidérablement les compétences du Ministère de l’Environnement péruvien (MINAM). C’est notamment le cas dans le domaine de la surveillance des activités extractives (minerais, pétrole) qui sont particulièrement étendues au Pérou. À titre d’exemple, cette loi affecte les compétences de l’Organisme (du MINAM) d’Évaluation et de Surveillance Environnemental – OEFA, en matière de sanction des délits environnementaux. Elle prévoit que durant trois ans les activités de l’OEFA soient orientées vers la prévention et la correction des infractions laissant les sanctions seulement pour des cas exceptionnels. De la même manière, elle réduit les compétences du MINAM dans l’approbation de zones de réserves naturelles en proposant que les décisions dans ce domaine ne soient plus uniquement du ressort du MINAM mais soient prises par décret suprême avec un vote du Conseil des Ministres. Cette modification augmente la bureaucratisation des procédures et donne un caractère politique à ces prises de décisions.
Près de cent organisations internationales ont écrit au Président Ollanta Humala pour exprimer leur grande préoccupation quant à l’approbation de cette loi. Le Pacte d\’Unité des Organisations Indigènesdu Pérou avait également exprimé son rejet de la décision du Congrès et demandé au Président de ne pas promulguer la loi.
Cette annonce intervient alors que l’environnement péruvien est déjà considérablement affecté par la pollution occasionnée par l’industrie extractive. Le 30 juin dernier, la rupture d\’un oléoduc dans la région amazonienne du Loreto, a occasionné une fuite (voir vidéo) de pétrole dans l’environnement, de plus de 400 barils, affectant la faune, la flore et la santé de près de 550 personnes.
Dans un contexte de crise climatique globale où il paraît urgent de prendre des mesures concrètes, cette loi représente un grave retour en arrière pour le Pérou dans le domaine de l’environnement. Elle constitue aussi un très mauvais signal à la veille de la prochaine conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP 20 qui aura lieu à Lima en décembre prochain.
Voir AYA Info No 82 (du 29 avril 2013) et No 67 (du 23 décembre 2011)
Bernard Comoli et Aurélien Stoll
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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