La \ »Marche de l\’espoir\ » en faveur des enfants Yanomami / Élections 2014 : 1/ La question indigène dans les programmes de gouvernement / Élections 2014 : 2/ Les candidatures indigènes / Le gouvernement veut privatiser le service de santé indigène.
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La « Marche de l\’espoir » en faveur des enfants Yanomami
Le 12 octobre prochain, la 23e édition de la « Marche de l\’espoir », organisée à Genève, sur les bords du lac Léman, par Terre des Hommes Suisse – TdH sera destinée à soutenir le programme d\’éducation du Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA de Manaus, le partenaire de AYA.
Ce programme d\’éducation soutenu se veut une éducation différenciée. Il s\’agit d\’unedynamique qui, d\’une part, intègre effectivement l\’univers culturel et les connaissances traditionnelles des Yanomami et, d\’autre part, soit utile à ces derniers pour leur relation avec la société nationale. L\’éducation différenciée est également caractérisée par le fait que celle-ci est bilingue, le portugais étant enseigné dans un deuxième temps, après la langue yanomami. Elle l\’est aussi parce que non obligatoire, avec un calendrier et un contenu différents de ceux de l\’éducation nationale brésilienne. La formation des professeurs Yanomami fait l\’objet d\’un processus particulier. Par exemple, ils participent à l\’élaboration du matériel didactique.
Dans le cadre de la préparation de cette manifestation, au cours du mois de septembre, des présentations sont programmées dans plus de 180 écoles du canton de Genève et de France voisine. Ce sont près de 27\’000 élèves à être informés sur les réalités de vie des Yanomami et plus largement sur les différentes problématiques « nord – sud ». TdH a rédigé une fiche pédagogique et deux annexes destinés aux élèves. Les participants à la marche sont invités à rechercher des marraines et des parrains qui s\’engagent à verser à leur filleule ou filleul une certaine somme par kilomètre parcouru. En 2013, 4\’300 enfants et jeunes ont marché en faveur des enfants du sud de l\’Inde. Ils ont récolté plus de 350\’000 francs.
Un Indien Yanomami sera présent à Genève pour la Marche. Il s\’agit de Carlito Ixima. C\’est un Agent Indigène de Santé, désigné « periomi » (chef traditionnel) par les habitants d\’Ixima son village d\’origine, une communauté du rio Marauiá dans l\’État d\’Amazonas. Carlito est marié. Il est père de deux garçons, le premier a 11 ans et le deuxième est âgé de quelques mois. Il accompagne les activités de la Secoya depuis le début des années 90. Silvio Cavuscens, le coordinateur général de la Secoya, sera également à Genève. Silvio, sociologue helvético-brésilien, vit en Amazonie où il s\’est engagé aux côtés des peuples indigènes depuis plus de 30 ans.
Élections 2014 : 1/ La question indigène dans les programmes de gouvernement
Le 5 octobre prochain, les 143 millions de citoyens brésiliens sont appelés aux urnes pour le premier tour de l\’élection présidentielle, mais aussi pour élire leurs représentants à la Chambre des Députés, un tiers des membres du Sénat, les Gouverneurs et les membres des Assemblées législatives des États. Le deuxième tour aura lieu le 26 octobre.
À ce jour, trois candidatures pour la présidence de la république arrivent en tête des sondages, celle de Dilma Rousseff, l\’actuelle présidente qui se représente pour une coalition constituée autour du Parti des Travailleurs (PT). Celle de Marina Silva, ancienne ministre de l\’Environnement – elle avait été membre du gouvernement de Lula entre 2003 et 2008 – qui se présente pour la coalition constituée autour du Parti Socialiste Brésilien (PSB). Et celle d\’Aécio Neves, de la coalition constituée autour du Parti de la Sociale Démocratie Brésilienne (PSDB).
Malgré leur caractère relatif, les programmes de gouvernement des candidats permettent, à l\’aide de quelques mots-clefs : « Indigènes », « Démarcation », et [Communautés] « Traditionnelles », de connaître leurs intentions à l\’égard des peuples indigènes du pays.
Dans le programme de Dilma Rousseff, les termes « Indigènes » et « Démarcation » n\’y figurent pas. Le terme de populations « traditionnelles » est mentionné dans la partie « Un nouveau cycle historique » où il est question de renforcer l\’usage de procédés productifs faibles en émission de gaz à effets de serre. Présidente sortante, son bilan en matière de politique indigéniste est critiqué par les organisations indigènes. Par exemple, ces dernières lui reprochent de n\’avoir démarqué que quelques Terres Indigènes au cours de ses années à la tête de la république.
Dans celui de Marina Silva, le terme « Indigènes » revient trois fois. Tout d\’abord dans la description des axes de son action gouvernementale en faveur d\’un nouveau cycle de développement soutenable… par la construction d\’un État et d\’une démocratie de haute intensité. Ensuite, en matière d\’éducation, où est affirmé le droit à la diversité. Enfin, en matière de culture, d\’activités artistiques, communautaires et entrepreneuriales : « Créer des formes adéquates pour le soutien (l\’encouragement) des activités économiques des groupes indigènes et des populations traditionnelles ».
Le terme « [communautés] traditionnelles » revient trois autres fois. Tout d\’abord en rapport avec l\’axe 2 de son programme : « Economie pour le développement durable » à propos des « Regroupements productifs locaux » : … appui à l\’organisation sociale des producteurs locaux et des communautés traditionnelles… Ensuite à propos du « Développement rural et agropastoral » : établir des synergies entre les universités rurales et écoles techniques agricoles pour répondre aux demandes des communautés et populations traditionnelles. Le terme « démarcation » est cité une fois dans la partie « identités et reconnaissance des diversités culturelles » : garantir les processus de démarcation et d\’homologation des terres indigènes et les possibilités de développement et d\’autonomie des peuples indigènes.
Dans le programme d\’Aécio Neves, le terme « indigènes » revient six fois au chapitre des Droits humains. Il est mentionné la volonté de donner une priorité aux politiques en relation avec les secteurs les plus vulnérables de notre société (dont les peuples indigènes). Le terme « démarcation » est cité une fois au chapitre du « Développement soutenable de l\’agriculture familiale alimentaire » : « accélération de la régularisation foncière des territoires, accélération des processus de démarcation en garantissant leur protection physique… Au chapitre traitant de l\’environnement et de la citoyenneté planétaire, est inscrite la « Reconnaissance du rôle des populations traditionnelles dans la conservation de la biodiversité » et « Valorisation des connaissances de ces populations moyennant une politique et une législation spécifiques. »
Compte tenu du fait que plusieurs candidats indigènes se présentent sous l\’étiquette du Parti Socialisme et Liberté – PSOL, il est intéressant d\’examiner le programme de gouvernement de Luciana Genro, la candidate de ce parti, même si les sondages ne la placent qu\’en 5e position avec environ 1% des intentions de vote. Les termes « [communautés] traditionnelles » et « démarcation » n\’y figurent pas. Et « indigènes » est cité une fois pour rappeler la mobilisation des peuples indigènes de mai dernier à Brasilia. L\’intérêt des indigènes pour ce parti vient probablement du fait que ce dernier veut un autre développement économique : … »Le Brésil a besoin de conquérir sa véritable souveraineté. Aujourd\’hui la situation [du pays] est la soumission aux intérêts du capital financier et monopolistique… »
Comme on peut le constater, la question indigène est relativement peu présente dans les programmes de gouvernement. Ce thème ne fait l\’objet d\’un chapitre spécifique dans aucun de ces documents.
Le 15 septembre, l\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a publié une lettre ouverte aux candidates et candidats à la présidence de la république. L\’articulation dénonce d\’abord les attaques contre les droits indigènes émanant des pouvoirs publics et des grands médias. Elle leur demande de s\’engager à respecter les droits inscrits dans la Constitution fédérale, la Convention 169 de l\’Organisation Internationale du Travail et autres traités internationaux signés par le Brésil. L\’APIB détaille en onze points l\’essentiel de ses revendications. Les premières concernant les droits territoriaux : la démarcation et la protection de toutes les Terres Indigènes. Il y est aussi question de la représentation des peuples indigènes dans diverses instances, le service de santé et l\’éducation indigène. « L\’engagement des gouvernants à mettre en œuvre ce programme sera la manifestation d\’une volonté de dépasser les plaies et atrocités commises contre nos peuples, jusqu\’à aujourd\’hui depuis les 514 ans de l\’invasion européenne. L\’application de ce programme donnera une réalité au modèle constitutionnel [de 1988] qui a mis fin à l\’indigénisme « intégrationiste », ethnocentrique, autoritaire, paternaliste, tutélaire et « assistancialiste ». Il permettra de restituer l\’autonomie de nos peuples, sujets politiques, ethniquement et culturellement différenciés. Cela en faveur de la fin de l\’État colonial et d\’une société réellement démocratique, juste et plurielle.«
Élections 2014 : 2/ Les candidatures indigènes
Le Tribunal Supérieur Électoral – TSE a publié une statistique relative à la couleur et à la race des candidats : blancs, indigènes (amérindiens)*, jaunes (d\’origine asiatique), de noirs et de « pardos » (métis descendants de parents noirs et blancs; de blancs et d\’amérindiens; et de noirs et amérindiens.
Au 11 septembre, sur les 26\’142 candidats, 86 (soit 0,33%) se déclarent indigènes. Parmi ceux-ci, les plus nombreux – 55 – sont les candidats pour siéger comme Député « Estadual » (dans une Assemblée législative d\’un État); 25 sont postulants à la Chambre des Députés à Brasilia; 3 le sont pour un poste de Sénateur; 2 comme Sénateurs-suppléants et un pour un poste de Vice-gouverneur. Le TSE a déclaré 5 candidatures « Indigènes » non valables. Parmi les candidatures indigènes 29 (34 %) sont des femmes. Du point de vue géographique, 34 candidatures émanent de huit des neuf États de l\’Amazonie légale.
Les candidates et candidats indigènes se présentent au corps électoral sur les listes de 23 partis différents. Les plus nombreux : 37 (dont 16 pour le seul Parti des Travailleurs – PT) se présentent dans les partis de la coalition de Dilma Rousseff. Celle de Marina Silva en compte 17, et celle d\’Aécio Neves 9. Il y en 12 sur les listes du Parti Socialisme et Liberté – PSOL, et encore 11 dans divers partis. Il faut noter que les coalitions de partis sont variables selon les différentes instances, les États et les postes dont il s\’agit.
Dans l\’histoire récente du Brésil, il n\’y a eu qu\’un Indien ayant siégé à la Chambre des Députés : il s\’agit de Mário Juruna, élu de Rio de Janeiro entre 1983 et 1987. Le système de désignation des 513 membres de la Chambre des Députés, où chaque État a droit à un certain nombre de représentants en fonction de son nombre d\’habitants, rend difficile une représentation indigène.
Des organisations indigènes s\’inquiètent de cette absence de représentation. Au mois de mars dernier déjà, le Conseil Indigène de Roraima – CIR, avait mis la question de la politique des partis et du vote « propre » à l\’ordre du jour de sa 43e Assemblée générale. En mai, le Conseil des Tuxauas des neuf ethnies de Roraima a voulu que le vote des Indiens soit en faveur de candidats Indiens. Ils ont proposé que deux dirigeants du CIR soient candidats : Mário Nicácio comme Député « Estadual » et Aldenir Wapichana pour la Chambre des Députés. Dans cet État, près de 12% des 497\’000 habitants sont des indigènes, une candidature indigène a un mince espoir d\’aboutir.
Il faut rappeler que la représentation politique dans cet État est particulièrement anti-indigène. Par exemple Paulo Cesar Quartiero, député fédéral dans la législature qui se termine, et maintenant candidat au poste de Vice-gouverneur de l\’État, a été l\’un des plus farouches opposants à la démarcation de la Terre Indigène Raposa Serra do Sol.
À la fin septembre – début octobre 2013, au moment de la mobilisation indigène pour célébrer le 25e anniversaire de la Constitution, deux députés du PT, Nilmário Miranda et Padre Ton, ont déposé une Proposition d\’Amendement Constitutionnel – PEC (No 320/2013) créant quatre sièges pour des représentants indigènes à la Chambre des Députés. Selon les auteurs, la proposition « renforce la démocratie brésilienne qui passe non seulement par la reconnaissance de l\’importance politique des peuples indigènes brésiliens, mais consolide un modèle démocratique voulant une véritable inclusion sociale et politique« . La proposition est toujours en examen…
* En 2010, la population auto-déclarée « indigène » (818\’000 personnes) représentait 0,44% des habitants du pays.
Le gouvernement veut privatiser le service de santé indigène
Au début du mois d\’août, lors d\’une réunion de la Commission Nationale de Politique Indigéniste – CNPI, le ministre de la Santé, Arthur Chioro, a présenté un nouveau projet de service de santé indigène, il propose la création d\’un Institut National de Santé Indigène – INSI. La nouvelle entité, qui dépendrait toujours du SESAI, serait un organisme de droit privé responsable des actions de santé indigène dans les communautés. Selon le Ministère cela devrait faciliter le recrutement des professionnels qui agissent sur le terrain. Le projet doit faire l\’objet d\’une loi à soumettre au Congrès.
La création de cet institut est controversée. De son côté, le ministère de la santé affirme que le projet a été discuté lors de la 5e Conférence nationale de santé indigène qui a eu lieu du 2 au 6 décembre 2013 et approuvé par 29 des 34 Conseils de Districts Santé Indigène – CONDISI. Cependant, l\’annonce de la création de cet Institut a suscité de nombreuses réactions au sein des organisations indigènes et indigénistes.
L\’Articulation des Peuples Indigènes – APIB demande aux autorités de renoncer à cette proposition. Plus d\’une dizaine d\’organisations indigènes régionales ont également manifesté leur opposition à cette proposition. Parmi les organisations indigénistes, le Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI, a exprimé son hostilité au projet. Pour le Ministère Public Fédéral, ce transfert de tâche à une entité privée est contraire à la Constitution fédérale.
Bernard Comoli
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
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