RAPPORT ALGERIE : LA MAIN INVISIBLE DU POUVOIR SUR LES MÉDIAS

Reporters sans frontières publie un rapport consacré à la situation du journalisme et des médias en Algérie depuis 2014. L’organisation présente ses recommandations lors d’une conférence de presse à Paris ce jeudi 22 décembre et appelle dans une pétition à la libération immédiate du journaliste freelance Hassan Bouras.

Le rapport décrit l’asphyxie progressive dans laquelle sont contraints d’évoluer les médias algériens depuis la réélection de M. Bouteflika à un quatrième mandat présidentiel. La mort en détention le 11 décembre 2016 du journaliste britanno-algérien Mohamed Tamalt est venue noircir le tableau puisque c’est la première fois qu’un détenu meurt pour des opinions publiées sur Facebook.

Le combat pour une presse libre est plus que jamais d’actualité en Algérie face à la liste des sujets tabous (la santé du chef de l’Etat, les avoirs des dirigeants algériens, la corruption, etc.), l’emprisonnement de journalistes professionnels et non professionnels sur la base du code pénal, le contrôle maintenu sur le champ de l’audiovisuel, l’étranglement économique des titres indépendants et l’émergence de fonds occultes finançant les médias.
Cette situation risque d’ailleurs de s’aggraver à l’approche des élections législatives algériennes qui se dérouleront en avril 2017.

Les journalistes algériens se sont battus avec beaucoup de courage et de résilience depuis les années 90 pour la liberté d’informer, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Aujourd’hui, nous constatons que sous couvert de pluralisme se cachent des pratiques autoritaires nuisibles à l’indépendance journalistique. Jusqu’où iront les autorités algériennes pour étouffer la presse et ceux qui la défendent ? N’est ce pas scandaleux qu’en 2016, un journaliste soit mort en détention après un coma de trois mois dans l’indifférence totale de l’administration pénitentiaire ? Mehdi Benaissa et Ryad Hartouf ont eux été détenus arbitrairement pendant plus de 20 jours en juin dernier ; Hassan Bouras, journaliste indépendant et lanceur d’alerte est lui toujours en détention.”

Reporters sans frontières (RSF) présentera lors d’une conférence de presse dans ses locaux à Paris ce 22 décembre ses recommandations aux autorités algériennes et à la communauté internationale en faveur d’une plus grande liberté de l’information en Algérie. La plus urgente est la libération immédiate et l’abandon des charges contre Hassan Bouras. Accusé sur la base du code pénal pour “outrage à corps constitués”, le journaliste indépendant a été condamné à un an de prison pour avoir publié une série d’entretiens avec des d’habitants de la wilaya d’El Bayadh (ouest d’Alger) qui affirment que de hauts responsables de l’appareil judiciaire et sécuritaire de la ville ont reçu des pots-de-vin et incarcéré des innocents sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Une pétition pour sa libération est disponible ici.

RSF appelle également à:

•    Ouvrir une enquête indépendante sur les circonstances de la mort de Mohamed Tamalt afin que les responsables soient punis dans les plus brefs délais.
•    Cesser de recourir au code pénal, à la détention arbitraire et à des procédures administratives abusives pour interdire et criminaliser la liberté d’information et le journalisme indépendant.
•    Réviser le code pénal en supprimant la peines d’emprisonnement pour les délits de presse notamment ceux concernant l’injure, l’outrage ou la diffamation.
•    Cesser toute forme de restriction au droit à l’information menant à la censure des médias, notamment lorsque sont abordés les sujets suivants : la santé du chef de l’Etat, les biens et avoirs des dirigeants algériens à l’étranger, la corruption et les mouvements sociaux.
•    Mettre en œuvre les principes d’équité, de pluralisme de diversité, et de transparence dans les procédures d’octroi de licences et de fréquences de radiodiffusion afin de permettre le renforcement du droit du public à une information indépendante. Les refus de licences devraient notamment être motivés et faire l’objet d’une publicité.
•    Veiller à une plus grande transparence sur la propriété des médias afin d’éviter la concentration des moyens d’information et les conflits d’intérêt.
•    Soutenir les médias et organisations de la société civile défendant la liberté de la presse dans le pays afin que soient encouragés l’existence et le développement de médias libres et indépendants, y compris les médias associatifs.

Pour réaliser l’enquête disponible en intégralité ci-dessous, RSF a mené une vingtaine d’entretiens sur le terrain entre Alger, Oran et Tunis de mai à octobre 2016, avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD).

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