RD Congo: « Ici, quand il y a des affrontements, ils viennent et ils violent les femmes. »

Le conflit à l’est de la République démocratique du Congo laisse derrière lui de nombreuses survivantes de violences sexuelles. À Salamabila, dans la province du Maniema, à l’est du pays, les civils et en particulier les femmes comptent parmi les nombreuses victimes des conflits armés qui se sont intensifiés dans la région depuis le début de l’année. Les besoins d’assistance sont immenses et l’organisation médicale humanitaire internationale Médecins Sans Frontières (MSF), présente depuis le mois d’avril 2018, est de plus en plus préoccupée par les cas de violences sexuelles qu’elle reçoit dans les structures de santé.

B. est une jeune femme de 36 ans, originaire de Salamabila et mère de sept enfants, est l’une des 157 survivantes de violences sexuelles traitées par MSF depuis le mois d’avril dans cette ville d’environ 10 000 habitants : « Je partais au champ à Machapano, lorsque trois hommes armés se sont approchés de moi et m’ont violée, à tour de rôle » témoigne-t-elle.

Malheureusement, l’histoire de B. n’est pas unique et selon l’abbé Augustin, curé de la paroisse Christobal, ce chiffre ne représente que la partie cachée du phénomène : « avant l’arrivée de MSF, tous les cas déclarés de violences sexuelles passaient par moi, et je suis convaincu que ceux que nous connaissons aujourd’hui sont minimes par rapport aux cas réels. Beaucoup de femmes et de nombreux couples ne souhaitent pas en parler, par peur d’être montrés du doigt. »

La présence d’hommes en armes n’a cessé d’augmenter

La ville de Salamabila fait partie du territoire de Kabambare. Elle se situe à proximité du Mont Namoya, un gisement d’or naturel qui a longtemps constitué l’une des principales sources de revenus pour la population locale. En 2012, les premiers conflits éclatent autour de l’accès à l’or et aux terres, dont les habitants se retrouvent alors privés. Depuis, aucun compromis n’a été trouvé et la présence d’hommes en armes n’a cessé d’augmenter.

Cela a d’importantes conséquences sur les populations qui, se sentant en insécurité, se déplacent et se réfugient en brousse. Outre les pillages, les incendies et la détérioration des axes, de nombreuses victimes de violences sont enregistrées à chaque nouvel affrontement.

Maman H. est l’une des rares personnes venant en aide aux survivantes de violences sexuelles. Son rôle est fondamental au sein des communautés : elle accueille les victimes, les conseille et les oriente vers les structures appropriées en fonction de leur situation. Selon elle, le nombre de cas est intimement lié à la présence des hommes armés dans la zone.

Quand il y a des affrontements ici, ils viennent et ils violent les femmes. Les femmes enceintes, mais aussi les mineures et les vieilles !

Maman H.

La réponse MSF

En avril 2018, suite à une première évaluation, MSF décide d’intervenir pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables. Dans la zone de santé, l’organisation appuie l’Hôpital Général de Référence de Salamabila ainsi que trois centres de santé en périphérie. Elle assure la prise en charge médico-psychologique des survivantes de violences sexuelles, rapidement identifiée comme l’une des priorités de l’intervention. Victorine, médecin de l’équipe d’urgence, nous explique le circuit de prise en charge : « les relais communautaires vont dans les villages pour communiquer les informations nécessaires aux populations. Quand ils trouvent une survivante, ils l’acheminent vers le point focal, qui l’emmène à l’hôpital ou dans la structure de santé la plus proche. Les médecins réalisent alors tous les examens physiques et décident du traitement à administrer. »

Les psychologues de leur côté, évaluent le niveau de traumatisme et suivent les victimes à l’hôpital ou dans leur foyer, pour celles qui ont pu y retourner.

Victorine, médecin de l’équipe d’urgence MSF

MSF a également mis en place un programme appelé « L’école des hommes » dont l’objectif est de sensibiliser tous les hommes et les maris au sein des communautés sur les cas de violences sexuelles, afin qu’ils puissent mieux accompagner leurs femmes, leurs filles et leur famille.

Les conséquences désastreuses de ces attaques

Pour les survivantes, les conséquences de ces attaques sont désastreuses : stigmatisation, exclusion communautaire et familiale, maladies, grossesses non désirées, et nombreux traumatismes psychologiques.

Mon mari m’a abandonnée et ne veut plus entendre parler de moi. Aujourd’hui, je vis chez Maman H. avec mes sept enfants.

B.

« Je souhaiterais changer de milieu et j’envisage d’aller vivre chez mes parents, à Kasongo. Je sais que les gens vont me demander pourquoi je suis revenue. S’ils me posent trop de questions, je crois que je préfère mourir. Ce sera mieux pour les enfants, car ils n’auront pas à subir l’humiliation. Physiquement, l’acte est passé et je n’ai plus de douleurs. Ce qui est le plus difficile aujourd’hui, c’est le rejet » poursuit B.

En raison de la situation toujours très volatile dans la région, MSF a décidé de prolonger son intervention à Salamabila. Mais en dépit de la présence de l’organisation, les femmes sont toujours très exposées aux violences. Quel que soit l’endroit ( au champ ou à la maison ), quel que soit leur âge, leur statut ou encore leur condition physique, les femmes subissent les mêmes atrocités jour après jour. Les structures de santé sont en mauvais état, régulièrement pillées, privées de ressources humaines et matérielles. Les besoins en matière de protection, d’accompagnement socio-économique et de sensibilisation communautaire sont eux aussi importants. Pourtant, les acteurs humanitaires tardent à venir, en raison notamment de l’insécurité persistante dans la zone.

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