Replacer les entreprises transnationales au cœur du débat de société

Aujourd’hui, il est un domaine qui échappe trop souvent, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, à ce débat citoyen : celui des entreprises transnationales. Jamais dans l’histoire de l’humanité celles-ci n’ont concentré autant de richesses. Avec un chiffre d’affaire de plus de 27.6 billions de dollars, presque le double du PIB des Etats-Unis, les 500 plus grandes entreprises mondiales contrôlent une part conséquente de l’économie mondiale (chiffres 2015).

L’activité de ces entreprises a un impact énorme sur la vie quotidienne des populations des pays en développement, que ce soit au niveau fiscal, de l’emploi, des droits humains ou de l’environnement. Et, régulièrement, cet impact est négatif. Prenons deux exemples. En mai de cette année Pain pour le prochain publiait un rapport sur les activités de Holcim-Lafarge en Ouganda. Cette étude montre que durant plus de dix ans, l’entreprise suisse a bénéficié du travail des enfants dans les carrières de pouzzolane. En avril 2014, une autre étude a démontré que l’entreprise de matière première Glencore, basée à Zoug, continuait de polluer la rivière Luilu en République Démocratique du Congo, malgré des promesses d’assainissement. Dans cette rivière, la faune et la flore est détruite en raison des taux élevés de métaux lourd et l’eau ne peut même plus être utilisée pour faire de la vaisselle.

Introduction de critères de diligence

Face à ces abus, une coalition de plus de 80 organisations non-gouvernementales et associations suisses ont déposé auprès de la chancellerie fédérale, en octobre 2016, l’ «Initiative pour des multinationales responsables ». Par cette initiative, elles souhaitent lancer un débat citoyen sur la responsabilité sociale des entreprises et demandent l’introduction, pour ces dernières, d’un devoir de diligence en matière de droits humains et d’environnement, aussi pour leurs activités à l’étranger. Un tel devoir ne fait que reprendre les standards reconnus au niveau international. Et dans le droit suisse, il existe déjà en matière de lutte contre la corruption. Confrontés au débat, les lobbys économiques crient cependant au scandale et affirment que l’adoption de code de conduite volontaires suffit à diminuer les violations des droits humains commises par les firmes suisses à l’étranger. « Circulez, il n’y a rien à voir, l’économie s’auto-régule très bien toute seule »… Mais ces lobbys font erreur : en refusant le débat de société, ils ne font qu’alimenter le populisme. Et ratent l’opportunité de s’engager dans une discussion ouverte et visionnaire pour le monde, de demain.

Chantal Peyer

Cheffe d’équipe du secteur «Entreprises et droits humains» à Pain pour le prochain
Article paru dans la revue Praxis / UNITE n°4

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