Reporters sans frontières fête ses 20 ans

En 2005, Reporters sans frontières fête ses vingt ans. L’occasion de dresser un bilan. Malheureusement, à parcourir les listes des journalistes tués, emprisonnés ou agressés en 2004, l’évidence s’impose : le combat que mène l’organisation est plus que jamais nécessaire. Il n’a peut-être jamais été aussi dangereux d’informer. La liberté de la presse est loin d’être garantie partout dans le monde.
 
Actuellement, plus de cent journalistes sont derrière les barreaux. 53 ont perdu la vie dans le cadre de leur fonction ou pour avoir exprimé leurs opinions en 2004. Ce chiffre n’avait pas été aussi élevé depuis 1995. 51 journalistes et collaborateurs des médias ont été tués depuis le début du conflit en Irak. Les prises d’otages de Christian Chesnot, Georges Malbrunot, Mohammed Al-Joundi et Giuliana Sgrena, puis de Florence Aubenas, Hussein Hanoun, Marie-Jeanne Ion, Sorin Dumitru Miscoci et Eduard Ovidiu Ohanesian qui sont toujours détenus et pour lesquels on espère une libération rapide, rappellent au public ce qu’il en coûte parfois de faire ce métier.
Le Tour du monde de la liberté de la presse en 2004Bilan de la liberté de la presse en 2004- 53 journalistes tués- 15 collaborateurs des médias tués- au moins 907 interpellés- au moins 1 146 agressés ou menacés- au moins 622 médias censurés
 
Une année de deuil53 journalistes ont été tués dans le cadre de leur fonction ou pour avoir exprimé leurs opinions en 2004. Ce chiffre n’avait pas été aussi élevé depuis 1995 et la période noire de l’islamisme radical algérien qui avait coûté la vie à plus de 50 professionnels de l’information en moins de deux ans.
L’Irak reste le pays le plus dangereux du monde pour les journalistes : 19 d’entre eux ont trouvé la mort en 2004 et plus d’une quinzaine ont été enlevés. Une de ces prises d’otages a connu un dénouement tragique. Enzo Baldoni, reporter italien, a été exécuté par des membres de l’Armée islamique en Irak dans la nuit du 26 au 27 août.
 
Mais l’Irak n’est pas le seul terrain miné pour les journalistes. En Asie, 16 reporters sont tombés en 2004. Tous ou presque ont été assassinés en raison de leurs prises de position. Dénoncer la corruption des élus ou enquêter sur la grande criminalité s’est révélé fatal pour des journalistes au Bangladesh, aux Philippines et au Sri Lanka. A l’autre bout de la planète, sur le continent américain, la violence est montée d’un cran. Les narcotrafiquants et les élites politiques corrompues n’apprécient guère d’être mis en cause dans la presse. Au Brésil, en Colombie, au Mexique, au Nicaragua et au Pérou, des journalistes l’ont payé de leur vie.Et puis l’Afrique, où l’assassinat du correspondant gambien de Reporters sans frontières en décembre est venu tristement rappeler que ce continent est toujours en proie à une violence soudaine et imprévisible. C’est la première fois, depuis la création de Reporters sans frontières en 1985, qu’un correspondant de l’organisation est assassiné.
L’impunité, ce mur insurmontable qui se dresse devant les défenseurs des droits de l’homme partout dans le monde, s’est légèrement fissurée en 2004. Des assassins de journalistes ont dû répondre de leurs actes. Au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, au Nicaragua, au Pérou, aux Philippines et ailleurs, des tueurs de journalistes ont été condamnés ou interpellés et inculpés. Certes, c’est encore loin, très loin d’être suffisant. Mais c’est aussi par la multiplication de ces condamnations que l’on isolera encore plus ceux pour qui justice rime avec oubli et allégeance au pouvoir, au Burkina Faso ou au Bélarus par exemple.Silence ! on emprisonneAu 1er janvier 2005, 107 professionnels de l’information étaient privés de leur liberté. En Asie, l’immobilisme tragique des vieilles dictatures empêche toute avancée démocratique. La Chine reste la plus grande prison du monde pour les journalistes avec 26 détenus. Pourtant, le libéralisme économique et l’ouverture inévitable du pays au monde extérieur devraient avoir des répercussions positives pour la liberté d’expression. De rares médias tentent d’ailleurs de s’élever contre la censure et d’aborder des sujets tabous. Mais la répression ne cesse de se durcir et ils font immédiatement les frais de leur « impertinence ». En Birmanie et au Viêt-nam, des journalistes sont également emprisonnés depuis plusieurs années.
A Cuba, la libération en 2004 du célèbre poète Raúl Rivero et de six autres journalistes est une bonne nouvelle. Mais, deux ans après le « printemps noir » de mars 2003, l’île reste l’un des très rares pays du monde où l’information est un monopole d’Etat et 22 professionnels des médias attendent toujours leur libération.Le pire déteint sur le meilleurD’abord le pire. Une poignée de pays dont les populations sont abreuvées de la propagande la plus simpliste, la plus caricaturale mais aussi la plus redoutable qui soit. La Corée du Nord, en tête, où il n’est même pas question de parler de « journalisme ». Les fonctionnaires des médias d’Etat travaillent, dans la crainte, à l’¦uvre de glorification du « cher leader » Kim Jong-il et peuvent, pour une simple faute d’orthographe, séjourner dans un camp de « rééducation ». Le Turkménistan ensuite. Etat moyenâgeux dirigé d’une main de fer par un président à vie plus soucieux d’ériger des statues à son effigie que de proposer une information pluraliste à ses concitoyens. Les rares journalistes qui osent travailler pour la presse internationale, souvent clandestinement, sont régulièrement agressés et systématiquement menacés. Et l’Erythrée, qui vit dans le silence le plus absolu depuis trois ans. Tous les journaux privés ont été fermés par les autorités et leurs principaux animateurs jetés en prison.
A l’autre extrémité de cet étalon de la liberté de la presse se trouvent les régimes démocratiques. Ces pays, en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et en Océanie se montrent les plus respectueux des droits des journalistes. Et pourtant, eux aussi ont connu, en 2004, des dérives inquiétantes pour la liberté d’expression. Aux Etats-Unis, tout d’abord, plusieurs journalistes ont été assignés à comparaître devant un tribunal pour avoir refusé de révéler leurs sources. Certains d’entre eux, dont l’instruction est toujours en cours, risquent même une peine de prison ou une assignation à résidence. En France également, ce secret des sources a été malmené à plusieurs reprises par la justice, à coups de gardes à vue, de convocations et de perquisitions dans des rédactions ou aux domiciles de journalistes. Le Parlement a par ailleurs adopté une loi créant de nouveaux délits de presse passibles de peines de prison.
 
15e Journée internationale de la liberté de la presse  
Et en 2005 ?Depuis le 1er janvier 2005, 22 journalistes ont été tués, dont 9 en Irak. Les difficultés rencontrées par la presse indépendante en Afrique ont la vie dure. Dès le début de l’année 2005, des journalistes ont été jetés en prison pour des affaires de presse au Cameroun, en Ethiopie, en Guinée, au Malawi, en Mauritanie, en République démocratique du Congo, au Somaliland ou au Soudan. Dans certains pays comme le Zimbabwe ou le Rwanda, les directeurs de journaux poursuivis en justice n’ont cessé de lutter pendant des mois pour éviter un emprisonnement synonyme d’enfer.Dans les cas de meurtre, justice leur est rarement rendue. En Gambie, l’enquête des autorités sur l’assassinat de Deyda Hydara s’enferre dans des hypothèses absurdes, tandis que de nouvelles lois draconiennes sont promulguées. La disparition de Guy-André Kieffer en Côte d’Ivoire n’est toujours pas élucidée et les enquêtes ivoirienne et française continuent d’être freinées par les autorités. Enfin, dès février 2005, le continent a été endeuillé par l’assassinat mystérieux de la journaliste britannique Kate Peyton en Somalie.Sur le continent américain, l’année 2005 a débuté dans la douleur avec l’assassinat du journaliste colombien Julio Palacios Sánchez, le 11 janvier à Cúcuta.L’autre point noir du continent pour la liberté de la presse reste Cuba. Vingt et un journalistes, sur les 27 arrêtés lors de la vague répressive du printemps 2003, sont encore détenus dans des conditions très dures dont témoigne leur état de santé alarmant.Au Venezuela, la guerre idéologique entre partisans et opposants du président Hugo Chávez passe en grande partie par les médias. Le 16 mars, une loi dite de « réforme partielle du code pénal » a été promulguée par le gouvernement. Il en coûtera désormais de 6 à 30 mois de prison à qui aura « outragé » le chef de l’Etat.Enfin, aux Etats-Unis, la bataille judiciaire autour du secret des sources est loin d’être close. Judith Miller et Matthew Cooper risquent toujours la prison dans l’affaire Plame.En Asie, la situation est toujours extrêmement préoccupante aux Philippines. Deux nouveaux professionnels des médias ont été tués en 2005. Ce pays reste le plus dangereux du monde pour les journalistes après l’Irak.Au Népal, la prise des pleins pouvoirs par le roi Gyanendra, le 1er février, a entraîné une brusque détérioration de la situation de la liberté de la presse. Plusieurs dizaines de journalistes ont été arrêtés et les médias privés, notamment les radios, ont été censurés par les militaires. Toute information critique envers le roi est toujours interdite.Quelques bonnes nouvelles sont parvenues de Birmanie. En tout début d’année, quatre journalistes ont été libérés. Deux d’entre eux étaient détenus depuis quinze ans, simplement pour avoir publié des écrits jugés « séditieux » par la junte militaire. En revanche, aucun signe d’amélioration pour Win Tin, le plus connu des journalistes emprisonnés dans le pays. Détenu depuis 1989, il a « fêté », en mars, ses 75 ans du fond de sa cellule de la tristement célèbre prison d’Insein, à Rangoon.En Europe, les deux révolutions douces en Ukraine et au Kirghizistan ont eu des répercussions positives pour la liberté de la presse. Le ton des médias, publics comme privés, libérés de la censure de gouvernements rigides et rétrogrades, a radicalement changé.Par ailleurs, un journaliste a été assassiné en Azerbaïdjan. Elmar Husseynov, rédacteur en chef de l’hebdomadaire d’opposition Monitor, a été tué, le 2 mars, vers 21 heures, à la sortie de l’ascenseur menant à son appartement. Plusieurs hypothèses ont été avancées, dont celle d’un assassinat lié aux écrits du journaliste. Le président Ilham Aliev a aussitôt démenti toute implication des autorités dans ce meurtre et dénoncé les «organisateurs de ce crime » qui, selon lui, tentent de « nuire à l’image de l’Azerbaïdjan à l’étranger ».
Au Moyen-Orient, la guerre en Irak continue de faire de nombreuses victimes parmi les professionnels des médias. Au moins neuf d’entre eux ont été tués depuis le 1er janvier. Et la longue série des prises d’otages continue. Quelques jours après la libération, en décembre 2004, des deux journalistes français Christian Chesnot et Georges Malbrunot, c’était au tour de Florence Aubenas, grand reporter pour le quotidien français Libération, d’être enlevée en compagnie de son guide Hussein Hanoun, le 5 janvier.Et puis Giuliana Sgrena, journaliste italienne d’Il Manifesto, a été détenue pendant tout le mois de février à Bagdad, avant d’être relâchée par ses ravisseurs. La journaliste irakienne Raeda Wazzan n’a pas eu cette chance. Enlevée en compagnie de son fils âgé de dix ans, elle a été exécutée quelques jours plus tard. Son enfant, lui, avait été libéré par les preneurs d’otages.
Enfin, trois journalistes roumains ont été kidnappés, à Bagdad, le 28 mars Marie-Jeanne Ion, Sorin Dumitru Miscoci et Eduard Ovidiu Ohanesian.
La mise à jour du « Tour du monde de la liberté de la presse en 2004 » est consultable et téléchargeable sur www.rsf.org / espace presse téléchargement.
15e Journée internationale de la liberté de la presse
 
Reporters sans frontières
dénonce les 34 prédateurs de la liberté de la presse
Chefs d’Etat ou de gouvernement, monarques, ministres, généraux, chefs religieux, leaders d’un groupe armé ou d’une organisation criminelle, ils ont en commun d’être directement responsables de violations de la liberté de la presse.En 2004, à cause d’eux, des journalistes ont été assassinés, d’autres ont été emprisonnés, agressés ou menacés. Reporters sans frontières a ajouté cinq nouveaux noms à cette liste des plus grands ennemis de la liberté de la presse.
Bangladesh : le ministre de l’Intérieur, Lutfozzaman BaborLe gouvernement d’alliance entre conservateurs et islamistes auquel appartient Lutfozzaman Babor s’est montré incapable de mettre fin à la violence quotidienne qui atteint la presse. Depuis son arrivée aux affaires, plus de 200 journalistes ont été agressés ou menacés, en majorité par des militants des partis au pouvoir. Sous l’autorité du ministre, des policiers ont usé et abusé de lois liberticides ou de plaintes infondées pour arrêter une dizaine de reporters en 2004. En protégeant certains criminels, le ministre de l’Intérieur est en partie responsable du climat d’impunité qui règne dans le pays.
Bangladesh : le parti maoïste PurbobanglarDans la région de Khulna (sud-ouest du pays), des groupes armés se réclamant du maoïsme sèment la terreur. En 2004, trois journalistes ont été tués et plus d’une cinquantaine menacés de mort. Les militants clandestins du parti maoïste Purbobanglar rackettent ceux qu’ils accusent d’être des « ennemis du prolétariat ». En janvier, ils ont assassiné Manik Saha, correspondant de la BBC World Service, en jetant sur lui une bombe artisanale. Le journaliste avait rapporté leurs dérives mafieuses. En juin, une autre faction du Purbobanglar a revendiqué l’assassinat de Humayun Kabir Balu, directeur du quotidien régional Janmabhumi.
Côte d’Ivoire : les « Jeunes patriotes » / milice civileEn 2004, les « Jeunes patriotes », une milice civile soutenant le président Laurent Gbagbo, ont menacé des journalistes de l’opposition, saccagé ou détruit des rédactions indépendantes et exercé une pression physique sur les médias d’Etat ivoiriens pour qu’ils deviennent des organes de pure propagande. Fers de lance officieux du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien (FPI), ils en exécutent les basses besognes sous couvert de « colère populaire ». Jamais sanctionnés par la justice, ils considèrent la presse comme une cible politique. Leurs différents leaders accusent publiquement les médias qui ne chantent pas les louanges du Président d’être des « ennemis » qu’il s’agit de faire taire.
Gambie : le Président de la République Yahya Jammeh
Le jeune président Yahya Jammeh n’a jamais caché son hostilité envers la presse indépendante. Après avoir multiplié les déclarations outrancières, celui-ci a fait adopter deux lois extrêmement répressives, rétablissant de lourdes peines de prison pour les délits de presse. Au fil des années, les attaques anonymes contre des médias, attribuées aux services de sécurité, avaient déjà créé un climat de défiance entre les autorités et la presse. Mais l’assassinat encore impuni de Deyda Hydara, directeur de journal, correspondant de l’AFP et de Reporters sans frontières, en décembre 2004, a plongé les journalistes du pays dans la stupeur et l’effroi.
Nigeria : State Security Service (SSS) / la police d’EtatSous la dictature militaire, dans les années 90, la redoutable police d’Etat nigériane était omniprésente lorsqu’il s’agissait de faire taire l’opposition ou la presse indépendante. Depuis que le pouvoir a été rendu aux civils en 1999, elle n’a pas changé d’attitude. Aux descentes brutales dans les locaux de publications privées succèdent les tabassages ou les arrestations arbitraires de journalistes. Bras armés du gouvernement, les agents du SSS agissent en toute impunité. Et le président Olusegun Obasanjo accuse les médias nigérians d’être seuls responsables de la mauvaise image de son pays à l’étranger.
 
Et toujoursArabie saoudite :   Abdallah ibn al-Seoud, Prince héritierBelarus :         Alexandre Loukachenko, Président de la RépubliqueBirmanie :             Than Shwe, chef de l’EtatChine :                Hu Jintao, Président de la RépubliqueColombie :         Salvatore Mancuso, Chef des paramilitairesColombie :            Manuel Marulanda et Nicolas Rodríguez Bautista, Chefs de guérillasCorée du Nord :       Kim Jong-il, Secrétaire général du Parti du travail de CoréeCuba :              Fidel Castro, président du Conseil d’Etat et du Conseil des ministresErythrée :         Issaias Afeworki, président de la RépubliqueEspagne :           ETA, organisation terroristeGuinée équatoriale : Teodoro Obiang Nguema, Président de la RépubliqueIran :                        Ali Khamenei, Guide suprême de la République islamiqueKazakhstan :              Noursultan Nazarbaïev, Président de la RépubliqueLaos :                 Khamtay Siphandone, Président de la RépubliqueLibye :           Mouammar Kadhafi, Chef de l’Etat et Guide de la RévolutionMaldives :            Maumoon Abdul Gayoom, Président de la RépubliqueNépal :                Gyanendra Shah Dev, RoiNépal :          Camarade Prachanda, Leader des maoïstesOuzbékistan :    Islam Karimov, Président de la RépubliquePakistan :             Pervez Musharraf, Président de la RépubliqueRussie :            Vladimir Poutine, Président de la Fédération de RussieRwanda :          Paul Kagame, Président de la RépubliqueSwaziland :              Mswati III, RoiSyrie :                  Bachar el-Assad, Président de la RépubliqueTunisie :            Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la RépubliqueTurkménistan :       Separmourad Nyazov, Président de la RépubliqueViêt-nam :                Nong Duc Manh, Premier secrétaire du PartiZimbabwe :            Robert Mugabe, Président de la RépubliqueEn 2005, ne sont plus épinglésŠŠles militants islamistes armées au Cachemire où aucun assassinat n’a été commis, ainsi que ceux des Philippines, où aucune preuve ne permet de déterminer leur responsabilité dans des violations récentes de la liberté de la presse ;-Šl’Ethiopie (Meles Zenawi, Premier ministre) où Reporters sans frontières a constaté une amélioration de la situation de la liberté de la presse ;ŠSingapour : Goh Chok Tong a démissionné en août 2004. Lee Hsien Loong a été nommé Premier ministre ;Šle Togo : le pays connaît une situation de crise depuis le décès du Président de la République Gnassingbé Eyadéma, le 5 février dernier. L’élections présidentielle du 24  avril devrait donner un nouveau leader au pays.Šle roi du Tonga, Taufa’ahau Tupou IV, la presse d’opposition ayant pu reparaître.Š la Turquie (Hilmi Ozkok, Chef d’Etat-major des armées) où les atteintes à la liberté de la presse sont moins fréquentes ;
Šl’Ukraine : Léonid Koutchma n’est plus au pouvoir et la victoire de Viktor Iouchtchenko s’est accompagnée d’une réelle ouverture de l’information dans le pays. Reporters sans frontières reste cependant très attentive à l’évolution de la situation.
 
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INTRODUCTION GENERALE / AFRIQUE
 
Un continent de deuil et d’espoirEn Afrique, la liberté de la presse reste trop souvent un espoir déçu. L’arbitraire qui continue de régner dans certains pays fait payer aux journalistes le prix du sang ou de la liberté. La censure et l’intimidation sont encore des armes largement utilisées par les gouvernements. Et les menaces de mort sont monnaie courante. L’autocensure est fréquente et banalisée. Des médias de la haine ont même refait leur apparition.Pour Reporters sans frontières, 2004 est une année de deuil. Son correspondant en Gambie, Deyda Hydara, a été froidement abattu par des inconnus, au soir du 16 décembre. Premier correspondant de l’organisation à être assassiné depuis sa fondation, le codirecteur de The Point et correspondant local de l’Agence France-Presse (AFP) était l’une des voix critiques les plus écoutées, y compris par le pouvoir en place à Banjul, dirigé par un jeune président qui n’a jamais caché son mépris des médias indépendants.Les « zones grises » de la liberté d’expressionEn Erythrée s’est écoulée une troisième année de silence et de peur. Le dernier correspondant étranger a quitté le pays et les 14 journalistes emprisonnés depuis 2001 croupissent toujours, au secret, sans procès. Pour autant, la communauté internationale ne s’inquiète pas outre mesure.
Au Zimbabwe, le Daily News a tout tenté pour reparaître. En vain. Le régime du président Robert Mugabe a encore trouvé le moyen de faire voter de nouvelles lois ultrarépressives par un Parlement aux ordres.
En Côte d’Ivoire, les journalistes ont endossé fréquemment l’habit du combattant, celui du prisonnier ou encore celui du clandestin. Dans un pays déchiré par la haine, ils ont été pris dans l’engrenage de la violence politique. Guy-André Kieffer, un journaliste franco-canadien qui enquêtait sur la corruption au sein de la filière cacao, a disparu au mois d’avril. En novembre, lors des heurts violents qui ont opposé des militaires et des civils ivoiriens à l’armée française, un correspondant du quotidien progouvernemental Le Courrier d’Abidjan a été mortellement blessé. Quelques journalistes ont tenté de garder leur sang-froid avec difficulté, dans un univers où la calomnie et la vindicte tiennent une place de choix. Un an après la condamnation, par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), de plusieurs responsables de la Radiotélévision libre des milles collines (RTLM), un jeu dangereux a été joué par une certaine presse ivoirienne. L’Organisation des Nations Unies (ONU) s’est inquiétée du renouveau des « médias de la haine ».
En République démocratique du Congo, la foison de médias privés n’est pas parvenue à masquer l’amateurisme parfois dangereux de certains. De plus, les journalistes congolais ont encore trop souvent fait les frais d’une culture de l’arbitraire et de la violence, y compris en période de paix. Lorsque la guerre a repris, la presse l’a subie au même titre que les civils.Les habitudes répressives de régimes vieillissantsMoins spectaculaires, mais tout aussi inquiétantes, sont les situations de la liberté de la presse sous l’autorité de régimes vieillissants qui s’accrochent au pouvoir. Ainsi dans le Gabon d’Omar Bongo, le Cameroun de Paul Biya, le Lesotho ou la Mauritanie, les autorités utilisent leur police, leur armée ou une justice influençable pour exprimer leur irritabilité envers les médias.
Au Rwanda de Paul Kagame, la seule publication réellement critique ne cesse d’être attaquée en justice par l’Etat, tandis que ses journalistes sont malmenés par des agents du régime. Dans ce pays si tragiquement blessé par les médias de la haine dans le passé, la liberté de la presse n’existe pratiquement pas.
Au Soudan, les journalistes d’opposition connaissent fréquemment les affres de l’emprisonnement, du fait de lois répressives autorisant des périodes de détentions préventives démesurées.
Même si une certaine latitude est laissée à la presse indépendante, notamment la presse satirique, la Guinée de Lansana Conté harcèle encore certains journalistes indépendants, censurant régulièrement des publications qui lui déplaisent à travers un Conseil national de la communication sévère et inflexible.
 
En Guinée équatoriale, une puissante presse progouvernementale ne cesse d’attaquer la faible opposition, au besoin en s’appuyant sur des préjugés ethniques. Au Swaziland, petit royaume pauvre sur lequel règne un jeune roi excentrique, les employés des médias d’Etat sont tenus de chanter les louanges du pouvoir, sous peine d’être licenciés.Enfin, la situation est paradoxale en Tanzanie, où l’état relativement bon de la liberté de la presse dans la partie continentale du pays contraste avec le comportement du gouvernement autoritaire qui dirige l’île semi-autonome de Zanzibar. Celui-ci n’a cessé de prendre à la gorge l’hebdomadaire Dira, unique publication indépendante du territoire, jusqu’à le contraindre à la disparition.
Un exemple qui rappelle celui des Seychelles, où l’hebdomadaire d’opposition Regar subit régulièrement les coups de boutoir de la justice, ou celui de Djibouti, où l’hebdomadaire Le Renouveau est sans cesse harcelé par le gouvernement. A Madagascar, l’imbrication des médias et de la politique pose certains problèmes et les attaques judiciaires contre certaines radios d’opposition continuent de jeter une ombre sur un climat pourtant relativement libre.Quatre ans de prison sous les yeux de l’ONUDans certains autres pays, les incidents impliquant la presse sont le plus souvent des éruptions répressives de régimes fragiles que les critiques insupportent, comme au Niger, au Tchad, en Ethiopie, en Ouganda, au Congo-Brazzaville, en Zambie ou au Lesotho. Ou encore des phénomènes propres à des sociétés en proie aux violences sociales, comme au Kenya. Une des pires attaques s’est produite dans un pays en pleine transition démocratique, sous les yeux de la mission locale de l’ONU, pourtant chargée de promouvoir les droits de l’homme : en Sierra Leone, au mois d’octobre, l’un des journalistes les plus réputés du pays, Paul Kamara, a été condamné à quatre ans de prison pour diffamation après avoir été attaqué en justice par le chef de l’Etat.
Toutes ces situations chaotiques ne doivent pourtant pas faire oublier que le continent africain compte des démocraties relativement stables, malgré leur pauvreté. Ainsi, en Afrique du Sud, en Namibie et au Botswana, la situation de la liberté de la presse est équivalente à celle qui prévaut dans les pays européens. Au Bénin, au Cap-Vert, au Mali, les gouvernements sont plutôt respectueux de leurs journalistes et aucune violation notable de la liberté d’expression n’a été enregistrée en 2004. Au Burundi ou au Liberia, l’apaisement des conflits armés entre les rebelles et le gouvernement, ainsi que les processus de transition, ont nettement amélioré la situation des journalistes, dans un contexte pourtant tendu. Après des années de guerre civile dévastatrice, la situation ne cesse de s’améliorer en Angola.D’année en année, le continent africain connaît une nette tendance à la dépénalisation des délits de presse. Sous la forte pression des journalistes locaux, la République centrafricaine a accédé à cette exigence des démocraties modernes. Quelques mois plus tôt, le Togo avait agi de la même manière, sous la très forte pression de l’Union européenne, et dans un contexte où les journalistes indépendants faisaient l’objet de menaces de mort à répétition lorsqu’ils critiquaient le régime du général-président Eyadema. Le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a promis cette même réforme pour l’année 2005, après qu’un éminent journaliste avait été emprisonné durant l’été 2004, provoquant l’indignation de la profession.Impunité pour les assassins de Norbert ZongoMettre fin à l’impunité dont bénéficient les assassins de journalistes est fondamental et les pays qui rendent justice aux victimes de crimes politiques en tirent des bénéfices évidents, en termes de stabilité et de confiance envers les gouvernements en place. Ainsi au Mozambique, le procès des assassins de Carlos Cardoso a commencé à guérir les blessures d’une société qui avait été gravement meurtrie.
Tel n’est malheureusement pas le cas au Burkina Faso où, six ans après l’assassinat de Norbert Zongo, l’immobilisme incompréhensible de la justice continue de faire peser un lourd soupçon sur le président Blaise Compaoré et son entourage.
 
Malgré les violences policières, l’instabilité des gouvernements ou les excès de la justice, certains journalistes africains font toujours honneur à leur profession. Ainsi en Somalie, qui depuis 13 ans ne connaît aucune autre autorité que celle des hommes d’affaires, des miliciens et des cours islamiques, plusieurs radios et publications privées continuent d’informer les citoyens de ce pays disloqué. Dans l’anarchie, nombre d’entre eux préservent les liens qui unissent une population livrée à elle-même, à travers une langue et une vie sociale communes. Au Nigeria, une presse indépendante vigoureuse, insolente et courageuse affronte la redoutable police d’Etat, les luttes de clans et l’extrême violence qui gangrènent la société.Etre journaliste en Afrique est un défi. Le métier comporte des risques, y compris celui de tomber dans l’irresponsabilité. Ceux qui n’ont pas cédé en ont d’autant plus de mérite et de courage.Léonard Vincent
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République centrafricaineSuperficie : 622 980 km2.Population : 3 865 000.Langues : français, sango.Chef de l’Etat : général François Bozizé.A Bangui, la presse est pauvre, mais entêtée. Deux journalistes ont connu la prison dans le courant de l’année. Mais après l’Ouganda et le Togo, la République centrafricaine a finalement dépénalisé ses délits de presse, au terme d’un bras de fer courageusement mené par les journalistes locaux.Dans le courant de l’année 2004, la presse centrafricaine a vécu le pire comme le meilleur. Le pire, avec plusieurs arrestations de journalistes qui avaient le plus souvent osé révéler des affaires de corruption impliquant des membres du premier cercle du pouvoir ou qui s’étaient montrés indociles envers les puissants. Le 12 mars, Jude Zossé, directeur de publication du quotidien L’Hirondelle, a ainsi été condamné à six mois de prison ferme et 200 000 FCFA (305 euros) d’amende, pour « offense au chef de l’Etat ». Mais le tollé soulevé par l’affaire Maka Gbossokotto, dans le courant de l’été, a sans doute achevé de convaincre le président François Bozizé qu’il était urgent de réformer le code de la presse. A la fin de l’année, c’était chose faite.
Arrêté le 8 juillet, Maka Gbossokotto, directeur de publication du quotidien indépendant Le Citoyen et correspondant de Reporters sans frontières, a passé un mois en détention sur la base d’une plainte en diffamation d’un proche du président François Bozizé, Jean-Serge Wafio. L’ancien directeur de la société publique de distribution d’électricité Energie centrafricaine (Enerca) s’estimait lésé par la publication d’une série d’articles sur des détournements de fonds dont il se serait rendu coupable. Il avait auparavant été démis de ses fonctions pour « mauvaise gestion ». Après un mois de détention dans des conditions déplorables, Maka Gbossokotto a été condamné à un an de prison avec sursis et 500 000 francs CFA (750 euros) d’amende pour « injures publiques ». Le chef d’accusation de « diffamation » n’a finalement pas été retenu. Le journaliste a également été condamné à verser à Jean-Serge Wafio un franc CFA de dommages et intérêts.
Son arrestation et son incarcération avaient suscité de nombreuses protestations, notamment du Groupement centrafricain des éditeurs de la presse privée et indépendante (Geppic), qui avait suspendu la parution de tous ses titres entre le 12 et le 19 juillet. Après sa libération, Maka Gbossokotto est devenu l’un des animateurs les plus actifs du Geppic, exigeant du gouvernement la dépénalisation des délits de presse, comme le Président l’avait promis en accédant au pouvoir et conformément aux engagements que le gouvernement centrafricain avait pris auprès de Reporters sans frontières en 2003. Le Geppic a notamment institué une « journée sans journaux » tous les vendredis jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause.Le texte très contesté qui régissait jusqu’en 2004 les médias centrafricains avait été adopté en 1998. Il prévoyait des peines de prison ferme pour les délits de « diffamation » ou « publication de fausses nouvelles ». En 2002, les députés de l’Assemblée nationale de l’époque avaient refusé de mettre une réforme de ce texte aux voix.
 
Mais, fin novembre 2004, les députés centrafricains se sont enfin mis au travail autour d’un projet réellement démocratique. Le 26 novembre, un texte de loi a été adopté à la quasi-unanimité, au terme d’une dizaine d’heures de débats passionnés, supprimant les peines de prison pour les délits de presse. Avant d’entrer dans une période électorale importante pour l’avenir du pays, la République centrafricaine a donc rejoint le cercle de plus en plus large des pays africains qui ont décidé de ne plus jeter leurs journalistes en prison.
 
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