Reporters sans frontières rend hommage aux femmes journalistes menacées dans le monde

Alors que le 8 mars, le monde célèbre la Journée internationale de la femme, une reporter française est actuellement prise en otage en Irak et quatre autres sont emprisonnées. Cinq femmes journalistes ont été tuées dans l’exercice de leur métier depuis le 8 mars 2004.
 
Reporters sans frontières rend hommage aux femmes journalistes, cyberdissentes et internautes qui, au péril de leur vie et de leur liberté, ont accompli, pour nous, leur travail d’information. « Nous demandons à la communauté internationale de se mobiliser pour obtenir la libération des femmes retenues en Irak, au Rwanda, aux Maldives, en Turquie et en Iran. Dans la plupart des cas de journalistes assassinées, l’impunité règne. Les gouvernements doivent se mobiliser pour que justice soit faite. »
 
Trente-huit des 636 journalistes tués dans l’exercice de leur fonction depuis 1992 étaient des femmes.
 
Une femme prise en otage en Irak
 
Florence Aubenas, 43 ans, grand reporter pour le journal français Libération, a été enlevée le 5 janvier 2005 avec son assistant irakien, Hussein Hanoun Al-Saadi. Elle était arrivée à Bagdad le 16 décembre 2004. Journaliste chevronnée, Florence Aubenas a couvert depuis 1986 pour ce quotidien français les conflits au Rwanda, au Kosovo, en Algérie et en Afghanistan.
 
Trois journalistes privées de leur liberté
 
La jeune journaliste autrichienne Sandra Bakutz a été arrêtée par la police turque le 10 février 2005 à Istanbul. Elle est accusée d’ « appartenance à une organisation illégale » et risque 10 à 15 ans de prison. Elle venait en Turquie pour couvrir le procès d’une centaine de militants d’extrême gauche.
 
Fathimath Nisreen, 25 ans, est privée de sa liberté depuis janvier 2002 pour avoir collaboré à Sandhaanu, un bulletin d’informations diffusé par e-mail qui dénonçait les atteintes aux droits de l’homme aux Maldives. Accusée de « diffamation », elle a écopé de 10 ans d’emprisonnement. Elle est exilée sur l’île de Feeail où elle purge une peine réduite à cinq ans de bannissement.
 
En Iran, la police a arrêté, le 2 mars 2005, Najmeh Oumidparvar, webloggeuse (http://www.faryadebeseda.persianblog.com – L’aube de la liberté) et épouse du weblogger Mohamad Reza Nasab Abdolahi, également emprisonné. Enceinte de trois mois, elle pourrait passer plus de dix jours en prison. Quelques jours avant son interpellation, elle avait publié sur son weblog un message écrit par son mari peu avant son interpellation. Dans ce texte, il clamait son droit à s’exprimer librement et disait « attendre les menottes de la police ».
 
Au Rwanda, Tatiana Mukakibibi, animatrice et productrice de programmes de divertissement à Radio Rwanda, est emprisonnée depuis octobre 1996. Collaboratrice de l’abbé André Sibomana, ancien directeur du plus vieux journal rwandais, Kinyamateka, elle est détenue dans des conditions très pénibles à Ntenyo (Gitarama). Elle est accusée de meurtre mais Reporters sans frontières a pu démontrer qu’il n’existait aucune preuve solide contre elle.
 
Au cours des derniers mois, une dizaine de femmes journalistes ont été interpellées dans le monde. Ainsi, la cyberjournaliste Mahboubeh Abbasgholizadeh a passé un mois dans une prison iranienne pour avoir collaboré à des sites Internet réformateurs. Sa consoeur, Fereshteh Ghazi a été détenue du 28 octobre au 7 décembre 2004 pour ses écrits en Iran. Elle est sortie de prison physiquement et mentalement très affaiblie.
 
Des journalistes femmes tuées en Somalie, au Bélarus, au Nicaragua et en Irak
 
Kate Peyton, 39 ans, envoyée spéciale de la British Broadcasting Corporation (BBC) en Somalie, a été mortellement blessée, le 9 février 2005, par des inconnus qui ont tiré une balle de pistolet dans son dos, alors qu’elle entrait dans un hôtel de Mogadiscio pour rencontrer le président du Parlement de transition, Sharif Hassan Sheikh Aden.
 
Dans le nord de l’Irak, à Mossoul, la journaliste irakienne Raeda Mohammed Wageh Wazzan a été retrouvée morte, le 25 février 2005, cinq jours après avoir été enlevée par des hommes masqués. La présentatrice de la chaîne de télévision publique régionale Iraqiya, âgée de 40 ans, elle a été tuée d’une balle dans la tête. L’assassinat de Raeda Wazzan a été revendiqué sur Internet par un groupe armé irakien affilé à Al-Qaïda, sans que l’on puisse vérifier l’authenticité de cette affirmation.
 
La journaliste Véronika Cherkasova a été retrouvée assassinée à son domicile de Minsk le 20 octobre 2004, alors qu’elle enquêtait sur des ventes d’armes de son pays à l’Irak de Saddam Hussein. Malgré les preuves, la police s’obstine à privilégier la piste passionnelle. L’enquêteur harcèle le fils de 15 ans de la journaliste.
 
Au Nicaragua, María José Bravo, âgée de 26 ans, a été tuée, en novembre 2004, alors qu’elle couvrait des affrontements à proximité d’un centre de décompte de votes.
 
En Iran, la justice fait toujours obstruction pour empêcher que les auteurs du meurtre de la photographe irano-canadienne Zahra Kazemi, âgée de 54 ans, soient jugés. Elle est décédée le 11 juillet 2003 à Téhéran, des suites de coups violents portés au crâne par les officiels qui l’interrogaient dans une prison de Téhéran.
 
Des femmes journalistes harcelées pour leurs enquêtes
 
La reporter Anna Politkovskaïa du quotidien russe Novaya Gazeta a fait l’objet de multiples menaces et entraves lors de ses enquêtes, notamment sur la Tchétchénie. En septembre 2004, elle a été intoxiquée, probablement par les services secrets russes, alors qu’elle tentait de se rendre à Beslan où venait de se produire un massacre dans une école.
 
Aux Etats-Unis, la reporter du New York Times Judith Miller risque d’être incarcérée pour « outrage à la cour », après avoir refusé de révéler ses sources à la justice. Elle encourt une peine de 18 mois de prison pour avoir révélé une manipulation de la Maison Blanche.
 
La journaliste indépendante colombienne Claudia Julieta Duque est victime depuis septembre 2004 de menaces de mort qui font suite à ses enquêtes sur l’assassinat du journaliste et humoriste Jaime Garzón.
 
Des femmes qui se battent pour leurs maris emprisonnés ou disparus
 
A Cuba, les Dames en blanc, les épouses des 75 prisonniers politiques cubains arrêtés en mars 2003, manifestent, tous les dimanches, dans les rues de La Havane, en silence, pour demander la libération de leurs maris.
 
En Chine et en Birmanie, malgré les pressions des autorités, les épouses de journalistes emprisonnés rendent visite à leurs époux pour leur apporter la nourriture et les médicaments que les autorités leur refusent. En témoignant auprès de la presse internationale, elles s’exposent à des représailles. L’épouse du cyberdissident Huang Qi a perdu son travail et son logement suite aux pressions de la police.
 
En Sierra Leone, Isatou Kamara, dont le mari croupit dans une prison de Freetown depuis octobre 2004, ne cesse d’alerter et de documenter les organisations internationales sur la situation du journaliste.
 
En France, Osange Kieffer et Fabienne Nérac, dont les époux ont respectivement disparu en Côte d’Ivoire et en Irak, se battent pour les retrouver. « Tout le monde a tendance à me faire croire qu’il a été tué, je ne suis pas d’accord, il faut continuer à se battre, j’ai besoin de preuves, mes enfants aussi », a affirmé récemment l’épouse de Fred Nérac, disparu en mars 2003 près de Bassorah.
 

 www.rsf.org
 

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