Tunisie : la Suisse s’insurge contre l’expulsion d’un membre du Comité exécutif de la Section suisse d’Amnesty International

En mars 2006, Humanitaire.ws publiait une interview de Guillaume Chenevière (cf. http://www.humanitaire.ws/plus_info.php?idnews=387 ), homme de média et ancien directeur de la Télévision Suisse Romande, à propos du SMSI de Tunis. Membre du comité de pilotage de la plate-forme suisse de communication, comunica-ch, Guillaume Chenevière avait relaté les manquements flagrants du régime de Ben Ali quant au respect des droits humains en Tunisie. Aujourd’hui, la répression n’a pas changé et certaines personnes se retrouvent non grata sur sol tunisien.

Petit rappel, le sommet mondial sur la société de l’information organisé en 2005 à Tunis avait tourné à la répression policière pour certains. Des journalistes critiques face au régime en place s’étaient vus violentés. Le sommet alternatif, organisé en marge de l’événement, avait été interdit. Pire encore, le discours du Président suisse avait été censuré. « Le gouvernement suisse a eu un effet très important notamment lors du discours du président Schmid qui a été censuré par la télévision locale. Heureusement tout le monde l’a su via les chaînes internationales. Du coup, tout le monde en a parlé. La société civile tunisienne a donc pu s’appuyer sur ces faits. La société civile internationale n’a pas pu organiser le sommet citoyen qui était destiné à rassembler les gens qui n’avaient pas accès au sommet. Mais le gouvernement qui ne voulait pas laisser faire, qui a brutalisé des journalistes, nous a finalement laissé le droit de faire une conférence de presse pour dire que cela n’aurait pas lieu. C’était l’après-midi de l’intervention de Schmid », expliquait en interview Guillaume Chenevière.

En novembre 2005, lors du SMSI, Comunica-ch a pu compter sur l’apport de nombreuses ONGs lors du SMSI. Amnesty International Suisse en était et, notamment Yves Steiner, membre de la délégation suisse de la société civile. Les prises de position allant à l’encontre du régime autoritaire de Ben Ali auront valu à leurs orateurs bien des désagréments.

Le week-end dernier, « Yves Steiner participait en qualité d’invité à l’Assemblée générale de la Section tunisienne d’Amnesty International, à Sidi Bou Saïd, localité située dans la banlieue nord de la capitale, Tunis. Il avait prononcé un discours le samedi 20 mai devant les membres de la Section tunisienne dans lequel il avait dénoncé la multiplication des atteintes aux droits humains survenues ces derniers mois en Tunisie, notamment les entraves à la liberté d’expression et à la liberté d’association », explique le communiqué d’Amnesty.

Au final, Yves Steiner s’est fait expulsé manu militari le dimanche 21 mai. De nombreuses personnalités et ONGs tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme. « Cette expulsion s’inscrit dans la longue liste des répressions dont sont victimes les défenseurs des droits humains en Tunisie de la part des autorités tunisiennes. Les plus visées sont les personnes de nationalité tunisienne, mais les étrangers ne sont pas épargnés. En novembre 2005, lors du Sommet mondial sur la société de l’information, le journaliste français Christophe Boltanski avait été agressé et poignardé par des inconnus sans qu’aucun agent de sécurité n’intervienne pour lui prêter secours. Cette agression était survenue le jour même où Libération publiait un article dans lequel Christophe Boltanski dénonçait les récentes attaques visant des défenseurs tunisiens des droits humains », appuie le communiqué d’Amnesty.

Yves Steiner est, quant à lui, rentré sain et sauf, mais bel et bien marqué psychologiquement par cette interpellation musclée. Cette expulsion prouve une fois de plus que la Tunisie ne dispose pas d’une démocratie ouverte à la liberté d’expression ou d’association. Le Sommet Mondial sur la Société de l’Information n’y aura rien changé. Le régime Ben Ali réprime toujours – et peut-être plus encore- les défenseurs des droits humains. Le constat est d’autant plus amer que la Tunisie a été élue au nouveau conseil des droits de l’Homme de l’ONU.

Olivier Grobet

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