Turquie : l’heure du verdict pour 29 journalistes et collaborateurs des médias

Après deux jours d’audience, le procès a été ajourné au 7 mars 2018. Les dossiers des deux suspects en fuite et du journaliste Emre Soncan ont été dissociés, réduisant le nombre de prévenus à 26. Quatorze d’entre eux doivent encore présenter leur défense. Le verdict est attendu le 7 ou le 8 mars.


22.02.2018 – Le procès de 29 journalistes et collaborateurs des médias, accusés de former le “bras médiatique” du mouvement Gülen, touche à sa fin : la plupart pourraient être condamnés le 23 février 2018 à de lourdes peines de prison. Vingt-et-un d’entre eux sont en détention provisoire depuis un an et demi. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un procès politique.

Après la condamnation à la prison à vie des célèbres journalistes Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazlı Ilıcak, c’est au tour de 29 journalistes et collaborateurs des médias d’être fixés sur leur sort : leur procès, qui reprend ce 22 février à Istanbul, devrait se clore le lendemain. Vingt-et-un d’entre eux sont en détention provisoire depuis plus d’un an et demi. Pour avoir collaboré avec des médias réputés favorables à la confrérie Gülen, ils sont accusés de former le “bras médiatique” de ce mouvement désigné par les autorités comme responsable de la tentative de putsch de juillet 2016.

Le 6 février, le procureur a requis quinze ans de prison contre 23 des prévenus* pour “appartenance à une organisation terroriste”. Il a demandé la prison pour “soutien à une organisation terroriste” contre leurs collègues Murat Aksoy, Gökçe Fırat Çulhaoğlu et Muhterem Tanık, l’abandon des poursuites contre Hüseyin Aydın et l’examen séparé du dossier des deux suspects en fuite, Said Sefa et Bülent Ceyhan.

Le réquisitoire accorde une place centrale aux activités journalistiques et aux prises de position politiques des prévenus. Il leur reproche essentiellement d’avoir collaboré avec des médias présentés comme les organes de presse du mouvement Gülen, tels que Zaman, Meydan, Nokta, Bugün TV ou encore Haberdar. Si le procureur reconnaît que Murat Aksoy et Gökçe Fırat Çulhaoğlu n’ont “aucun lien avec l’organisation illégale et son idéologie”, il les accuse néanmoins d’avoir “légitimé les actions de l’organisation”, de l’avoir “présentée comme une victime” et d’avoir “discrédité la justice” en critiquant les opérations policières menées contre Zaman et d’autres institutions proches de la confrérie depuis 2014.

Le procureur a en revanche demandé l’abandon des poursuites lancées contre treize de ces journalistes pour “tentative de renverser le gouvernement et l’ordre constitutionnel”. Des accusations gravissimes qui n’avaient été ajoutées que pour justifier leur maintien en détention, en mars 2017, alors que le tribunal venait d’ordonner leur remise en liberté conditionnelle. Les trois juges ayant ordonné leur libération avaient été suspendus quelques jours plus tard.

“Les tribunaux turcs sont de nouveau utilisés pour mettre en oeuvre une vengeance politique, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Nous demandons la libération immédiate de tous les journalistes incarcérés sans preuve d’une implication directe et individuelle dans des actes violents. Ce procès rappelle l’urgence absolue de réformer la loi antiterroriste turque et de lever l’état d’urgence, utilisés pour faire taire les voix critiques.”

La Turquie occupe la 155e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2017 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : près de 150 médias ont été fermés, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.

* Ali Akkuş, Abdullah Kılıç, Bayram Kaya, Bünyamin Köseli, Cemal Azmi Kalyoncu, Cihan Acar, Emre Soncan, Habip Güler, Halil İbrahim Balta, Hanım Büşra Erdal, Hüseyin Aydın, Mustafa Erkan Acar, Seyid Kılıç, Ufuk Şanlı, Yakup Çetin, Cuma Ulus, Mutlu Çölgeçen, Ahmet Memiş, Davut Aydın, Muhammet Sait Kuloğlu, Oğuz Usluer, Atilla Taş et Yetkin Yıldız.

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