Un jubilé qui célèbre l’aide aux populations du Sud

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Regrouper les associations genevoises d’aide au développement sous la houlette d’une fédération. L’idée a pris forme en 1966 déjà grâce à l’union d’une douzaine d’entre elles. A l’heure de fêter les cinquante ans de la Fédération genevoise de coopération (FGC), elles sont aujourd’hui une soixantaine menant de front 84 projets dans les pays pauvres et sensibilisant en Suisse 30 000 personnes aux questions d’inégalités Nord-Sud et de mal-développement.

Son demi-siècle d’activité lui donne l’occasion d’organiser plusieurs événements cette année et de se dévoiler au grand public. Tour d’horizon avec René Longet, son président.

Vous dites que ces cinquante ans sont l’occasion de fêter un mode de gouvernance qui est toujours d’actualité, lequel?

René Longet: La FGC est un triple partenariat, entre les associations membres et leurs partenaires de terrain, entre les associations elles-mêmes pour former la fédération et mutualiser questionnements et compétences, et entre celle-ci et les trois niveaux des collectivités publiques: canton, communes et Confédération, qui ensemble nous accordent un budget annuel de 10 millions de francs.
Les pouvoirs publics nous confient une partie de leur portefeuille dédié à la coopération sachant qu’ils peuvent compter sur notre expertise pour assurer la qualité des projets. En particulier grâce à une cinquantaine d’experts bénévoles. Lorsque j’étais magistrat de la Ville d’Onex, j’étais très heureux de pouvoir compter sur la FGC. Confier des tâches ainsi à la vie associative est à la fois participatif, démocratique, efficace et dans une excellente relation coût-bénéfice.
Ce qui a été mis en place en 1966 était moderne à l’époque et le demeure; avec le partenariat public-privé et les contrats de prestations, on n’a rien inventé, mais formalisé une approche empirique qui met en musique le principe de subsidiarité.

Vous avez choisi le thème de l’engagement comme fil rouge de cette année de commémoration, pourquoi?
Face à un monde qui marche sur la tête et à l’inadéquation flagrante entre moyens et besoins, la volonté d’engagement est là. A travers nos associations membres qui offrent de multiples occasions d’implication, en se joignant à d’autres, on peut passer du statut de spectateur à celui d’acteur.
Le travail des associations est très diversifié. La plupart développent des projets de coopération avec des partenaires au Sud, mais d’autres, comme la Déclaration de Berne ou le CETIM, font un travail de sensibilisation, d’analyse et de présence publique en Suisse. Toute expertise et toute bonne volonté sont les bienvenues dans une association: tenir des stands, organiser des fêtes, s’occuper de recherche de fonds, écrire, faire du théâtre, faire des photos, contribuer aux projets sur le terrain. Notre site internet recense tous les projets financés à travers nous et cela permet de se faire une excellente idée à la fois de ce qui a été réalisé et de ce qui est en cours.

Dans le cadre jubilé, vous présentez une pièce de théâtre jouée par des jeunes…
Oui, c’est le résultat d’un mandat proposé l’été dernier à la compagnie Acrylique junior, des jeunes acteurs très motivés et déjà très professionnels. Il en est résulté la pièce Dans la peau du monde1, dont la première aura lieu jeudi, écrite et mise en scène par Nathalie Jaggi et Evelyne Castellino et qui nous offre le regard de jeunes sur cette planète comptant tant d’inégalités et d’injustices.
D’ailleurs, à l’avenir, nous investirons davantage le créneau culturel, et nous adresserons plus aux jeunes. Ce sont eux qui hériteront du monde et ils n’auront pas trop de leur énergie, de leur créativité et de leur enthousiasme pour s’y retrouver. J’encourage les jeunes à consulter le site de la FGC, voir quelles associations les interpellent, puis de les contacter pour «mettre le monde en mouvement» – le slogan de notre cinquantenaire.

Vous organisez aussi un grand débat sur la coopération internationale à Genève et d’autres activités.
Oui, ce sera début octobre lors de la Journée Genève solidaire qui commémore le 4 octobre 2001, jour où le parlement genevois adoptait la loi sur le financement de la solidarité internationale et l’engagement cantonal pour la coopération. On est encore loin du 0,7% du budget du canton qu’elle prévoit.
Or, Genève héberge 98% des organisations internationales de Suisse. Son rôle international fait partie de son identité et sans un engagement fort, porté ensemble par les pouvoirs publics et les citoyens, cette vocation manquerait vraiment de crédibilité.
Parmi les autres activités du jubilé, nous aurons deux expositions photographiques présentées par Helvetas (juillet) et Traditions pour demain (septembre) sur le quai Wilson et en décembre une publication sur l’histoire et l’évolution de la FGC.

Les Nations Unies se sont fixé les nouveaux objectifs du développement durable. Cela change-t-il quelque chose pour la FGC?
Cela nous renforce. Premièrement parce que la coopération internationale fait partie intégrante de l’agenda pour un développement durable. Ensuite, parce que ces objectifs appellent une cohérence des politiques publiques. Les Etats ne peuvent moralement promouvoir des pratiques polluantes et néfastes pour les plus démunis tout en continuant à se réclamer du développement durable.
Cette nouvelle vision nous fait aussi quitter la simple opposition entre Nord et Sud, en soulignant que des enjeux comme le changement climatique ou les inégalités sont globaux et exigent une révision du modèle de développement. Il y a un seul monde mal développé, miné par un modèle économique centré sur le profit à court terme et le consumérisme.

Comme se porte la FGC à cinquante ans?
Pleine d’enthousiasme comme au premier jour! Mais riche de ses cinquante années d’expérience. Grâce à cela, nous pouvons assurer de bonnes pratiques de coopération et garantir que l’argent que les pouvoirs publics nous confient améliore véritablement le sort des populations défavorisées dans le Sud. Notre but est de les aider à faire valoir le droit de tout être humain à la santé, à l’éducation, à l’eau potable, à l’habitat, à l’autonomie alimentaire.

Sur ce dernier point, l’agro-écologie est la voie qui permet d’assurer la souveraineté alimentaire, en mettant en œuvre des techniques adaptées et maîtrisables localement, et sachant qu’une des conditions de base est l’accès à la terre. Si la technologie est importante, le système social l’est tout autant!

Christophe Koessler, Le Courrier

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